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Pour une école de la culture, contre l'inquisition pédagogiste - un blog de Michel Renard

Pour une école de la culture, contre l'inquisition pédagogiste - un blog de Michel Renard
  • défense de l'école des savoirs et de la culture, pour que l'école instruise vraiment les enfants des milieux populaires non favorisés culturellement, contre les destructeurs de l'école (libéraux, pédagogistes, démagogues...)
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8 juin 2007

Lettre d'un parent au Dr Wettstein-Badour

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Lettre d'un parent au Dr Wettstein-Badour


Message commenté :  Lettre ouverte du Dr Ghislaine Wettstein-Badour

 

Je regrette amèrement de n'avoir pas connu votre texte l'année dernière car il répond exactement à ce que j'ai vécu. L'instit de mon gamin et le directeur de l'école m'ont effrontément menti mais je n'avais pas d'outil pour répondre. Je me suis alors documenté comme j'ai pu, j'ai ainsi connu le site "Sauvez les lettres", j'ai lu le bouquin de Marc Le Bris, celui de Rachel Boutonnet, celui de Fanny Capel. Je me trouve désormais en franche opposition avec les enseignants qui cautionnent la catastrophe et je suis très en colère. J'ai donc acheté Léo et Léa et j'ai entrepris d'apprendre à lire à mon gamin, mais contrairement à ce que vous dites, l'approche alphabétique est tellement différente de la globale que mon gamin a eu alors de grosses difficultés à se sortir du système "par coeur/devinettes" et à se mettre à déchiffrer c'est-à-dire lire vraiment.

Cela fait plus de 6 mois que nous avons commencé "Léo Léa" et nous l'avons fini il y a 2 mois pourtant mon gamin est encore entraîné quotidiennement par son instit à faire des devinettes (ce qui l'agace prodigieusement) et est toujours tenté spontanément à "lire" ainsi ce qui le perturbe fortement car il culpabilise de s'être laissé piéger.

Quant aux enseignants, ils sont conscients de la catastrophe, ils connaissent les mauvais résultats des évaluations, il savent que les-dites évaluations sont trop faciles pour le niveau que les enfants sont censés être capables d'atteindre, pourtant ils ne font rien alors qu'ils sont titulaires de leurs postes et sont donc à l'abri du risque de chômage. Depuis le début de l'année scolaire je dénonce par voie de tracts ces dysfonctionnements scandaleux mais je suis très isolé car les autres parents élus (je suis moi-même un parent élu) ont la trouille... Je ne suis affilié à aucune fédération de parents d'élèves même si un temps je me suis senti proche de la FCPE mais celle-ci cautionne ce qui se passe...

CHARTIOT - email : inoui@tele2.fr    



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12 avril 2007

l'éditeur Belin cède devant l'obscurantisme islamiste

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l'éditeur Belin cède

devant l'obscurantisme islamiste




L'école de la culture est aussi menacée par l'obscurantisme des communautarismes. Un pas a été franchi - mais on ne s'en aperçoit que maintenant - par l'éditeur Belin en 2005. Cette manipulation est totalement inacceptable. Aucun professeur d'histoire ne saurait tolérer la censure des sources historiques.

Michel Renard

Information provenant du site atheisme.org :


L'éditeur Belin masque le visage de Mahomet dans un manuel d'Histoire Géographie de 5e

La couardise face au fanatisme musulman rassemble chaque jour plus de pleutres. Un an avant la mairie du VIe arrondissement de Paris qui, en 2006, avait supprimé le mot Allah du titre d'une pièce de théâtre, les Editions Belin s'étaient, avec la même complaisance, prosternées devant l'obscurantisme islamique.

Dans un livre d'Histoire Géographie de 5e édité en 2005, Belin a masqué le visage de Mahomet sur une miniature du 13e siècle conservée à l'Université d'Edimbourg. L'image était intacte dans l'impression d'avril 2005 mais le visage de Mahomet a été masqué dans celle d'août 2005. Elle est visible en page 27 du manuel. La référence complète du livre est la suivante : Histoire Géographie, 5e, Editions Belin, sous la direction de Eric Chaudron et Rémy Knafou, 2005.

Quelle mouche, ou quelle fatwa (ou peur d'une fatwa), a piqué les Editions Belin entre avril et août 2005 pour dissimuler le visage du gourou fondateur de l'islam ? Au nom du respect (pourtant injustifié) des croyances, les fascistes au croissant marquent sans cesse de nouveaux points grâce à la servilité de certains : l'autocensure est la pire des défaites en matière de liberté d'expression.

Merci à Bruno Doizy pour cette information

2 avril 2007


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Visage intact, manuel d'avril 2005 (page entière 1,5 Mo)


mahomet_apres_1
Visage masqué, manuel d'août 2005 (page entière 900 Ko)


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Dans une dépèche AFP l'éditeur Belin s'explique :

"À la suite de la présentation de notre nouveau manuel à vos collègues professeurs d'histoire et géographie, dans de nombreux établissements, plusieurs d'entre eux nous ont fait part du caractère perçu comme provocant aujourd'hui d'une telle représentation du prophète Mohammed et par conséquent, de la difficulté d'enseigner sereinement dans des classes très hétérogènes".

L'éditeur affirme n'avoir subit aucune pression et s'est tenu aux seuls avis de trois enseignants des Yvelines.

Source : AFP

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Mahomet "flouté" dans  un manuel


d'histoire pour les collèges

         

LE MONDE | 07.04.07 | 12h54  •  Mis à jour le 07.04.07 | 12h54         

L'éditeur de manuels scolaires Belin est-il tombé dans le biais du "religieusement correct ?" Dans un manuel d'histoire-géographie de 5e, l'éditeur a flouté le visage du prophète Mahomet représenté dans une miniature du XIIIe siècle. L'information a été révélée par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo dans son édition du 4 avril.

"Plusieurs enseignants d'histoire-géographie à qui nous avons présenté le livre en mai 2006 se sont inquiétés du fait qu'une telle représentation puisse susciter des réactions et compliquer leur enseignement dans des classes très hétérogènes", explique Marie-Claude Brossolet, PDG des éditions Belin. "Nous avons cru bien faire en prenant la décision de masquer le document. Il ne faut rien y voir d'autre qu'une décision destinée à faciliter le travail des professeurs", précise l'éditrice. Selon elle, le choix de supprimer le document et de le remplacer par un autre aurait entraîné une modification en chaîne de tout l'ouvrage. La solution du floutage a donc été retenue.

Edité à 30 000 exemplaires, cet ouvrage, qui est en usage depuis la rentrée 2006-2007, a provoqué la colère de plusieurs enseignants d'histoire-géographie du collège Léonard-de-Vinci, à Ecquevilly (Yvelines), surpris de recevoir à la rentrée un ouvrage différent du spécimen qu'ils avaient consulté. Ils ont alors écrit aux éditions Belin en novembre 2006, qui leur ont répondu que "ce choix, qui ne falsifie pas le document original, permettait d'en maintenir l'exploitation pédagogique, voire de provoquer un débat en classe".

Sylvie Mony, chargée du secteur contenu des enseignements au SNES, principal syndicat des enseignants du second degré, considère que la décision de l'éditeur est "curieuse".

"C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un manuel est flouté sur une source historique, s'étonne-t-elle. C'est une démarche qui est complètement anormale pour un historien." Par ailleurs, poursuit Mme Mony, "le fait d'anticiper les réactions présumées de telle ou telle communauté est davantage susceptible de fabriquer ou de renforcer de l'intégrisme que de le combattre".

 

Catherine Rollot
Article paru dans l'édition du 08.04.07.

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- voir aussi : NouvelObs du 11 avril 2007

- une édition de nombreuses images de Mahomet, principalement d'origine musulmane (en langue anglaise)


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21 février 2007

Apprentissage de la lecture : le débat scientifique continue (Dr Wettstein-Badour)

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Apprentissage de la lecture :

le débat scientifique continue


Dr WETTSTEIN-BADOUR


Dans mon document faisant le bilan et traçant les perspectives au moment (le 15 novembre 2006) où prenait fin l’initiative de Monsieur de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, au sujet de l’enseignement de la lecture, voir le texte complet via le lien suivant:

http://appy.ecole.free.fr/actualites/gwb200611a.pdf

J’écrivais notamment :

…..«Le débat scientifique et technique a été beaucoup trop bref et donc très largement insuffisant mais il a permis toutefois une avancée importante : le coeur du débat a bien été identifié car le «mode opératoire» utilisé pour enseigner le code alphabétique a été mis en cause.»….

Où en est ce débat aujourd’hui ?

Il se concentre sur une question et une seule : quel est le «mode opératoire» optimum pour enseigner le code alphabétique ?

Une vingtaine de chercheurs en sciences psycho-cognitives, en psycho-linguistique ou en sciences de l’éducation ainsi qu’un certain nombre de pédagogues se sont prononcés sur cette question dans deux textes publiés, l’un en février 2006 puis dans le Monde de l’éducation en mars 2006, l’autre fin octobre 2006 publié sur le site de Monsieur Franck Ramus :

http://www.ehess.fr/centres/lscp/persons/ramus/

voir sur sa page d’accueil à : «mes contributions au débat sur les méthodes de lecture»

Voici ce que l’on peut y lire notamment :

- dans le texte de février 2006 :
«du moment que le déchiffrage est enseigné systématiquement, il importe peu que l’approche soit plutôt analytique (du mot ou de la syllabe vers le phonème) ou synthétique (du phonème vers la syllabe et le mot)»

- dans le texte d’octobre 2006 :
«Il faut enseigner les relations graphèmes-phonèmes (entre les lettres et les sons) de manière systématique et explicite, dès le début du cours préparatoire.
Il existe de nombreuses manières d'enseigner les relations graphèmes-phonèmes: des approches synthétiques, combinant les phonèmes pour construire les syllabes et les mots; des approches analytiques, décomposant les mots en syllabes et en phonèmes; et des approches combinant à divers degrés les deux précédentes. Les études d'évaluation ne font pas ressortir de différences significatives d'efficacité entre ces différentes approches (1)
Les résultats scientifiques actuels suggèrent donc d'écarter les méthodes qui n'enseignent pas les relations graphèmes-phonèmes, ou qui ne les enseignent pas de manière explicite et systématique, ou qui ne les enseignent pas suffisamment tôt (souvent appelées "méthodes globales", ou selon les acceptions, correspondant à une partie des méthodes globales). Toutes les autres méthodes semblent acceptables.»

Dès la publication du texte de mars 2006 j’avais publié la communication suivante, voir via le lien suivant :

http://www.orthomalin.com/accueil/index.php?m=actu&a=news&ID_news=545

Monsieur Ramus a répondu à cette communication par un message sur son site dont je n’ai eu connaissance par hasard que vers le 20 décembre 2006, voir:

http://www.ehess.fr/centres/lscp/persons/ramus/lecture/lecture.html#badour

 

Tout début janvier 2007 je lui ai fait parvenir un message et une communication que vous trouverez à :

http://www.orthomalin.com/accueil/index.php?m=actu&a=news&ID_news=76

Monsieur Ramus m’a fait savoir courtoisement à mi-janvier 2007 qu’il reprendra contact avec moi dès qu’il aura pu étudier la communication que je lui ai adressée.

Le travail de fond continue donc.

G Wettstein-Badour
12 février 2007

- contact :   gh.wettstein.badour@libertysurf.fr

(1) N’étant pas  statisticienne, j’indique simplement pour l’information complète du lecteur que cette affirmation est fondée sur un rapport publié aux USA par le National Reading Panel. Elle a été démentie par une étude de la junior entreprise de l’école nationale de la statistique et de l’administration économique, qui en a vérifié la validité à la demande de l’association Enseignement et Liberté, voir :

http://www.enseignementliberte.org/aplect13.htm


 


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30 janvier 2007

Jacqueline de Romilly contre les barbares

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Civilisations

Jacqueline de Romilly contre les barbares

 

Immense helléniste, deuxième femme à entrer à l'Académie française, première femme professeur au Collège de France, Jacqueline de Romilly vient d'être élevée à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur (la cinquième à recevoir cette distinction). Toujours aussi vive à bientôt 94 ans, elle lance un cri d'alarme : la pensée et la réflexion se meurent. Rencontre.

Propos recueillis  par Liliane Delwasse
Le Point n° 1793, 25 janvier 2007

 

 

Le Point : Vous venez de recevoir cette distinction suprême, la plus prestigieuse dont on puisse rêver. Etes-vous particulièrement heureuse ou est-ce juste un honneur de plus, tant il est vrai que vous avez déjà eu auparavant tous les honneurs imaginables. Vous avez même été nommée citoyenne grecque d'honneur.

Jacqueline de Romilly : C'est incontestable : j'ai été gâtée. J'ai eu la chance d'appartenir à une génération où les femmes accédaient pour la première fois au podium, où les portes s'ouvraient enfin. J'ai été la première femme à entrer à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, la deuxième à l'Académie française après Marguerite Yourcenar, la première au Collège de France. Et je ne parle pas de l'Ecole normale supérieure. Savez-vous ce qui m'a procuré la plus grande joie ? En 1930, j'avais 17 ans, les filles ont eu pour la première fois le droit de se présenter au Concours général et j'ai eu cette année-là les prix de grec et de latin. Rien par la suite ne m'a jamais rendue aussi heureuse. C'était grisant. Ma mère a soigneusement collé dans un petit carnet les coupures de presse du monde entier qui relataient ce qui était alors considéré comme un exploit. Il y en avait dans toutes les langues. Un de ces articles est d'ailleurs signé par un très jeune journaliste débutant, Pierre Lazareff. C'était son premier article. Il lui a porté bonheur. Mais, pour répondre à votre question, c'est toujours agréable et flatteur pour son ego d'être reconnu pour son travail et félicité, mais c'est surtout un formidable encouragement pour continuer la lutte que je mène et assumer jusqu'au bout de mes forces la tâche que je me suis fixée.

Vous êtes helléniste. On connaît la bataille que vous menez depuis des décennies pour que perdure l'enseignement des langues anciennes, et en particulier du grec, en voie de disparition. N'êtes-vous pas finalement optimiste pour l'avenir puisque votre combat est reconnu et honoré ?

Je ne suis pas très optimiste, ni pour mes chères langues anciennes, ni pour la française d'ailleurs, ni pour les humanités en général et, pis, guère plus pour l'avenir de notre civilisation. S'il n'y a pas un sursaut, nous allons vers une catastrophe et nous entrons dans une ère de barbarie. Il y a un désintérêt et même un dédain pour la Raison et les Lumières.

Je ne suis pas historienne et les faits m'intéressent moins que les textes. Ce qui me passionne dans lespourquoi_la_grece textes grecs, c'est la rencontre avec la naissance de la pensée raisonnée, rationnelle, de la réflexion, c'est l'irruption de la lumière qui est apparue pour la première fois dans un monde encore confus et obscur. Toute la morale politique et la philosophie hellènes visent à la clarté et à l'universel. Et elles ont réussi, rien n'a vieilli, leurs préoccupations sont d'une telle actualité !

Apprendre à penser, à réfléchir, à être précis, à peser les termes de son discours, à échanger les concepts, à écouter l'autre, c'est être capable de dialoguer, c'est le seul moyen d'endiguer la violence effrayante qui monte autour de nous. La parole est le rempart contre la bestialité. Quand on ne sait pas, quand on ne peut pas s'exprimer, quand on ne manie que de vagues approximations, comme beaucoup de jeunes de nos jours, quand la parole n'est pas suffisante pour être entendue, pas assez élaborée parce que la pensée est confuse et embrouillée, il ne reste que les poings, les coups, la violence fruste, stupide, aveugle. Et c'est ce qui menace d'engloutir notre idéal occidental et humaniste.

Il existe d'autres formes de pensée que littéraire, sans pour autant tomber dans la barbarie.

Sans doute, mais plus simplistes, qui assènent des vérités toutes faites, pauvres et sans nuances. Et qui risquent donc de déboucher sur une pensée appauvrie, squelettique. La pensée demande des correctifs, des Actualit__d_mo_ath_niennenuances, de la subtilité, pas des dogmes tout faits issus des fast-foods de la réflexion. Ma chaire au Collège de France s'intitulait «La Grèce et la formation de la pensée morale et politique». C'est cette construction que j'admire, qui a jeté les fondements de notre organisation et de notre pensée occidentale et que je ne peux accepter de voir rejetée et oubliée alors qu'elle n'a jamais été aussi nécessaire. Je connais des cas d'établissements scolaires où l'on ferme l'option grec faute de crédits, soi-disant, ou pour des raisons fallacieuses d'emploi du temps alors qu'il y a quinze ou vingt élèves inscrits. On craint sans doute que les élèves ne se forment un jugement trop acéré, qu'ils ne deviennent trop intelligents, qu'ils ne remettent en question la société telle qu'elle est...

J'ai créé une association, Sauvegarde des enseignements littéraires, et tout récemment une autre qui est le prolongement de la première, Élan nouveau des citoyens. Elles visent à réveiller les valeurs de la démocratie et à les remettre au coeur du débat citoyen. Le titre d'un de mes derniers ouvrages est explicite : Actualité de la démocratie athénienne.

 

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Vous craignez une guerre des civilisations ?

Ne simplifions pas, là encore. Je refuse de résumer, de schématiser les enjeux en termes politiciens qui seraient plein d'allusions anachroniques. Le danger de la démocratie, le seul, le vrai danger, c'est la démagogie. Ne tombons pas dedans. Dans mon Alcibiade ou les dangers de l'ambition, j'analyse cet écueil. Rien n'a changé depuis le temps d'Alcibiade. Les mutations sont marginales, anecdotiques. Sauf que l'inculture a gagné du terrain. Je vais vous confier à ce propos la question que m'a posée une fois une élève d'hypokhâgne : «Madame, les langues mortes étaient-elles déjà mortes quand vous étiez jeune ?» Pas mal, non ?

 

L'âge ne vous a pas atteinte. Vous avez une forme, une fraîcheur, un dynamisme étonnants. Et toujours le même humour, la même aptitude au bonheur de vivre. Quel est votre secret de jouvence ?

La passion, pardi ! La passion de ce que je fais, de mon travail, de mes recherches, et puis l'amour, l'amour pour mon cher Thucydide. Quant à parler de fraîcheur, vous êtes très gentille, mais j'aurai 94 ans dans quelques semaines. Et je me sens plutôt défraîchie. La vieillesse est un terrible combat que l'on est sûr de perdre et que l'on s'obstine à mener. Tout se dégrade, se défait, pouah, affreux ! On peut avoir acquis des qualités de sagesse, de hauteur de vues, de courage moral, de stoïcisme (il faut bien se consoler avec des aspects positifs), mais on perd la vue, l'ouïe, la marche. Il n'y a pas de quoi se réjouir. Je reconnais cependant que j'ai toujours gardé mon humour et la capacité de rire des situations cocasses.

Je vais vous conter une anecdote pourtant cruelle à laquelle j'ai repensé récemment et qui me fait rire comme au premier jour. Pendant la guerre, j'ai bénéficié si l'on peut dire du statut des juifs mis en place par le régime de Vichy, mon père étant juif. Entre autres gracieusetés, les juifs n'avaient plus droit à avoir un téléphone. Sitôt la Libération, il a été décidé par les autorités que les juifs à qui on avait coupé le téléphone seraient prioritaires pour récupérer leur ligne. Il faut dire qu'à l'époque il n'était pas facile de faire installer une ligne téléphonique, cela prenait des mois. Me voilà donc allant à la poste pour demander à récupérer ma ligne d'avant guerre. La préposée me reçoit et, plutôt sèche, me remballe : «Y a de l'attente.» Je lui explique que nous sommes prioritaires parce que juifs. Elle rétorque : «Vous êtes juifs ? Facile à dire, n'importe qui peut se vanter. Prouvez-le !» Entendre ça en 1945, c'est génial, non ? Avec ma mère, nous en avons ri aux larmes. Soixante ans après, ça me fait encore rire. J'ai partagé toute ma vie beaucoup de fous rires avec ma mère. Nous étions totalement fusionnelles. Je pense que l'amour de ma mère, sa tendresse, sa gaieté m'ont donné une grande force.

* *
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- Élan nouveau des citoyens : blog enseignement

- au sujet de l'association Élan nouveau des citoyens : appel à témoignages

- Jacqueline de Romilly sur canal-académie

 

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Jacqueline de Romilly

Naissance en 1913 à Chartres.

École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion 1933).

Agrégée (1936), docteur ès lettres (1947).

Professeur à la faculté de Lille puis à l'ENS de 1953 à 1960, à la Sorbonne de 1957 à 1973 puis au Collège de France jusqu'en 1984.

Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1975, de l'Académie française depuis 1988.

 

 

 

 

quelques-unes de ses oeuvres lk01a016

- Problèmes de la démocratie grecque (1975)

- L'enseignement en détresse (1984)

- La modernité d'Euripide (1986)

- Les grands sophistes dans l'Athènes de Périclès (1989)

- La Grèce antique à la découverte de la liberté (1989)

- Pourquoi la Grèce ? (1992), Grand Prix d'histoire de la Vallée-aux-Loups, prix des Ambassadeurs (en poche)

- Alcibiade ou les dangers de l'ambition (1995), prix de la fondation Pierre-Lafue (en poche)

- Homère (1998)2130532101_M

- Précis de littérature grecque (1998)

- Hector (1999)

- Le trésor des savoirs oubliés (1999)

- Laisse flotter les rubans (1999), roman

- La Grèce antique contre la violence (2001)

- La Grèce antique. Les plus beaux textes d'Homère à Origène (2003)

- Sous des dehors si calmes (2004)9782253111337

- L'invention de l'histoire politique chez Thucydide (éd. 2005)

- Les roses de la solitude (2006)

- Une certaine idée de la Grèce (2006)

- La tragédie grecque (éd. 2006)

- L'Orestie d'Eschyle (2006)

Lauréate de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre (1974)

Grand Prix de l'Académie française (1984)

Prix Onassis (1995)

 

 

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théâtre d'Épidaure

 

Apprendre à penser, à réfléchir, à être précis, à peser les termes

de son discours, à échanger les concepts, à écouter

l'autre, c'est être capable de dialoguer, c'est le seul moyen d'endiguer

la violence effrayante qui monte autour de nous.

La parole est le rempart contre la bestialité.

Jacqueline de Romilly



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29 janvier 2007

l'humour contre la régression scolaire (Éric)

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une école sans profs...? l'horizon pédagogique




l'humour contre la régression scolaire

Éric (site Les Mots-Tocsin)



- voir le site motstocsin-autonomie.org


                     
Bientôt incontournable!

      

présente PROF-BI
       
Le site des profs de demain
        (et demain c'est déjà aujourd'hui!)


- site Les Mots-Tocsin, Lettres et enseignements





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28 janvier 2007

Corneille, objet de ressentiment (Jean-François Deniau)

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Pierre Corneille (1606-1684)



La dernière colère de Jean-François Deniau

Corneille, objet de ressentiment

Jean-François DENIAU


L'été dernier, Jean-François Deniau avait envoyé à L'Express un texte vengeur sur le sort funeste fait parBlog_210505_jean_francois_d nos ministères au 4e centenaire de Corneille, article qui n'avait finalement pas été publié. C'est un document inédit : nous mettons en ligne aujourd'hui ce coup de gueule qui ressemble tant à son académicien d'auteur, mort mercredi.

Sommes-nous tombés sur la tête ? Après la quasi-non-célébration d'Austerlitz, mais celle de Trafalgar, la logique devait nous conduire à appeler la gare Montparnasse Waterloo Station et à débaptiser quelques boulevards portant des noms de maréchaux. Je vois assez bien une grande avenue Sedan. Quant au pont d'Iéna, pourquoi pas pont d'Azincourt ? La mode actuelle est de nous donner en modèle nos revers, nos échecs, nos fautes. Elles ne manquent pas... Bref, de faire de nous un antimodèle. N'oublions pas de supprimer avenue et lycée Voltaire, qui, lui, fit vraiment fortune avec la traite, et non ce pauvre Corneille.

Corneille... L'année 2006 devrait fêter le 4e centenaire de sa naissance. Grand auteur français. Un classique entre les classiques. Les ministres compétents - Culture ou Éducation, je m'y perds - ont dû prévoir de solennelles manifestations d'hommage ? Eh bien, non ! À cette date, rien d'important n'est organisé. D'obscurs sbires de corridors, qui régentent notre vie intellectuelle, auraient découvert une parenté de Corneille avec un bourgeois de Rouen, qui, comme tout habitant des ports, de la Suède au Portugal en passant par Nantes, Bordeaux et toute l'Angleterre, a pratiqué la traite des nègres, en concurrence avec les Arabes et les tribus africaines elles-mêmes. Corneille est donc déclaré politiquement incorrect et ne sera pas célébré. Je signale que de telles punitions familiales, s'étendant sur plusieurs générations, ont été le signe des pires dictatures. Il est triste de la voir régner dans nos antichambres.

LeCidDetMais, direz-vous, il y a quand même Le Cid ! Les plus anciens d'entre nous se souviennent du Cid monté par Jean Vilar, qui n'était vraiment pas de droite, pour le Théâtre national populaire, qui ne l'était vraiment pas plus, avec Gérard Philipe dans le rôle. Et dans Paris, et dans la France entière, ce fut une rumeur de bonheur, d'admiration, d'émotion. On s'appelait au téléphone, on s'écrivait, on se donnait rendez-vous. Eh bien, c'est fini. Le Cid est mal vu. Est même honni. J'ai entendu la condamnation : "Une pièce d'extrême droite." Nos penseurs de l'Education auraient autorisé une exception à Rouen, ville natale de Corneille, mais au titre de la politique culturelle locale, sans plus. Et attention, pas Le Cid en français, pas celui écrit par Corneille, non, un Cid interprété en chébran ou autre langage des banlieues. Je ne peux pas le croire. Les autorités compétentes vont s'indigner, à juste titre, que de pareilles rumeurs infâmes puissent être répandues. Déjà, je bats ma coulpe et fais amende honorable.

Alors on me dit - je ne peux toujours pas le croire - qu'il y aurait dans le cas du Cid plus grave qu'un délit familial de commerce de bois d'ébène datant de plusieurs siècles. Un crime de mots. De mots inadmissibles. Réactionnaires, extrémistes, provocateurs. J'aime les chiffres. Dans le théâtre de Corneille, le mot gloire est prononcé 770 fois. Devoir, 344 fois. Honneur est cité 544 fois, courage, 346 fois, vertu, 526 fois... L'Éducation dite nationale peut-elle tolérer pareilles provocations ? Cela ne suffit-il pas à condamner une œuvre, à la rejeter aux poubelles de l'Histoire, à la taxer d'infamie ? Des mots impardonnables. Les dictatures ont toujours été très portées sur la condamnation des mots et par les mots. Je me souviens de la "hyène dactylographe", qui avait supplanté le "rat visqueux", un peu vieux jeu. Nos maîtres de la pensée sont à bonne école.

Ce que je viens d'écrire est sûrement faux, malveillant, mal informé, condamnable, diffamatoire, une atteinte déterminée à la considération et à la dignité de ministères respectables et de spécialistes éminents. Soit. Nous ne sommes qu'en août. L'année se finit en décembre. Je vais donc recevoir un démenti particulièrement cinglant, précisant notamment les grandes célébrations prévues, et depuis quelle date, pour honorer comme il convient l'année Corneille et Le Cid. Ce démenti cinglant, je l'attends ; oserais-je le dire, je l'espère. On a sûrement exagéré des ragots irresponsables. Les fonctionnaires dits compétents dormaient. J'aurais au moins contribué à les réveiller. Vive Corneille et Le Cid !

source : L'Express, vendredi 26 janvier 2007


1337b
Le Cid


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musée Corneille à Rouen


L'image “http://www.thelemes.net/livres/lecid.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.



http://static.flickr.com/1/937449_59af78189b.jpg
Le Cid de Corneille, dans une mise en scène de Gervais Gaudreault
Nicola-Frank Vachon et Jacques Leblanc (photo: Louise Leblanc) -
source



liens

- nouvelleacropolerouen.org

- blogcommunes76.com



costume du Cid porté par Gérard Philippe en 1951

http://www.livrenpoche.com/images/Thumbnails/lacla/lacla_193654.jpg

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26 décembre 2006

Nouveaux collègues, surformatés par les IUFM

iufm2006




Nouveaux collègues,

surformatés par les IUFM

HERVÉ



Message commenté :  le libéralisme et le pédagogisme sont la méthadone des crétins

 

Les nouveaux collègues
Le plus grave étant effectivement l'arrivée massive de nouveaux collègues sur-formatés par les IUFM.
J'ai aussi constaté que de nombreux collègues ne s'intéressaient pas à leur matière pour elle même : pas de lecture, pas de discussion. Alors bien sûr leurs progressions sont "parfaites", leurs objectifs "dans la norme", mais pour ce qui est de prendre un peu de recul ou mettre en perspective.... rien !
À dire vrai, je crois la partie perdue, collectivement tout au moins car chaque syndicat est divisé et donc contraint à la "neutralité" qui est une forme de démission (sauf peut-être certains "petits" syndicats).

Hervé




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19 décembre 2006

le massacre annoncé de la filière Lettres

Diapositive1
après avoir accompagné le démantèlement de l'apprentissage du français et de la
littérature, l'Inspection Générale annonce la disparition de la filière Lettres. Logique...!




Rapport sur la filière L :

comment soigner en tuant le malade.

 

Le collectif Sauver les lettres a pris connaissance du rapport de l’IGEN, " Evaluation des mesures prises pour revaloriser la série littéraire au lycée ".

Nous prenons acte du constat d’une " baisse réelle du niveau de la plupart des classes de L " (p.24) dont les auteurs signalent le pendant : la baisse de niveau de la filière scientifique, devenue très " généraliste " (p.29), et dans laquelle grâce au jeu des coefficients " un élève peut réussir passablement et obtenir son baccalauréat avec des notes médiocres dans les matières scientifiques. Ceci explique sans doute en partie la crise du recrutement scientifique à l’université. " (p.44).

L’Inspection générale voit dans le déclin de la série L des causes sociologiques et non scolaires, et propose de faire coïncider plus nettement la filière littéraire avec ses débouchés professionnels, au besoin en faisant miroiter des contenus aux titres clinquants propres à attirer les familles.

 

Ce rapport en effet ne remet pas un seul instant en cause les réformes déjà infligées au français en primaire, au collège et au lycée, qui en réduisant les horaires au-delà du raisonnable, en interdisant tout apprentissage progressif et structuré de la grammaire, de l’orthographe et du vocabulaire, en desséchant la découverte des textes par des approches technicistes, ont détourné les élèves de la matière. Au contraire, il argue de la " réussite " de ce démantèlement pour continuer le massacre.  Ses auteurs en ont pourtant conscience lorsqu’ils écrivent, à propos des dernières réformes, qu’elles ont " aggravé le décalage […] entre les ambitions de la voie littéraire et le niveau socioculturel et linguistique d’une majorité des adolescents […] accueillis en L " (p.28). Pourquoi accabler les élèves de déficit social, quand il est dû à l’institution ? Pourquoi ne pas proposer le rétablissement des horaires permettant une " bonne maîtrise de la langue " alors qu’on sait qu’ils ont fondu de quelque 800 heures sur les neuf années de formation précédant le lycée ? Pourquoi, alors que les élèves réclament du sens, ne pas recentrer les programmes sur les oeuvres littéraires elles-mêmes et non sur un catalogue de discours, de genres et de registres techniques ? Pourquoi, enfin, réserver l'enseignement des langues anciennes à une élite, alors qu'elles pourraient constituer le pilier d'une formation grammaticale et littéraire rigoureuse ?

Les solutions proposées ne peuvent donc pas surprendre : puisque la littérature " [nécessite] une bonne maîtrise de la langue "(p.28) qui n’a pu être acquise par le plus grand nombre, autant proposer une série L qui ne serait pas centrée sur les Lettres !

Le rapport s’adapte ainsi à la situation que les réformes ont créée de toutes pièces, et propose de faire disparaître le français et la littérature dans des options aux titres ronflants qui sacrifient à la mode du jour. En prétendant satisfaire une demande sociale,  il répond aux projets ministériels : d’une part une stricte orientation des élèves selon les besoins du marché, d’autre part la fusion des enseignements dans des blocs pluridisciplinaires sans garantie de savoirs précis, s’adaptant parfaitement aux projets de changement du statut des professeurs, qu’on chargerait d’enseignements autres que leur discipline de recrutement. Et les auteurs de proposer ainsi (p.75) cinq " dominantes " ou " pôles " à répartir entre établissements d’un même " bassin de formation " : " Littératures et civilisations " (" Il s'agirait là du pôle proprement littéraire et " classique " "), " Arts et culture ", " Communication et maîtrise des langages ", " Sciences humaines ", " Institutions et droit ". " Des dominantes de ce type auraient l'avantage d'inciter les établissements à s'ouvrir à leur environnement et à travailler en lien étroit avec des partenaires locaux, ces partenariats contribuant à définir le profil de chaque lycée : établissement d'enseignement supérieur, institution ou entreprise culturelle, organe de presse, institution internationale ou judiciaire, collectivités territoriales… " Foin d’une culture du passé, coupée de son environnement, il s’agit de passer aux " humanités modernes " (p.89)…

En reconnaissant la nécessité absolue de préparer les élèves à leur avenir, Sauver les lettres pense au contraire qu’une formation générale littéraire, fondée sur une maîtrise accrue du français acquise dans des horaires suffisants, une connaissance approfondie de la littérature, et un éveil à la pensée critique, est la meilleure garantie qui soit pour former des humanistes " modernes ".

Sauver les lettres refuse une professionnalisation trop précoce des lycéens de Seconde, et condamne des propositions qui sous couvert de ne traiter que de la filière littéraire, prévoient une réorganisation du lycée selon des perspectives proches de celles du socle commun, qui diluent les enseignements sous des regroupements flous, et, sous les " pôles " d’enseignement par lycée et par académie, menacent le caractère national des programmes et des diplômes tout en réduisant la formation à des perspectives étroitement utilitaristes, sans recul réflexif.

Loin de penser que " les nouvelles pratiques interdisciplinaires représentent […] un véritable espoir pour les disciplines littéraires qui, par nature, s’épanouissent dans la transdisciplinarité " (p.50), Sauver les lettres rappelle son attachement à un enseignement approfondi des matières, seule caution de véritables savoirs, et à une organisation de l’école qui propose aux élèves, sur tout le territoire, une formation généraliste de qualité permettant l’accès ultérieur à des études variées.

Collectif Sauver les lettres, 12 décembre 2006



http://www.lyc-levigan.ac-montpellier.fr/images/images_pedagogie/cours/livres-farhenheit/livres-autodafe.jpg
(source)



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9 décembre 2006

La récusation communautariste de la laïcité (Michel Renard, 2004)

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les discours sur la "laïcité ouverte" sont la négation de la laïcité

 

la récusation communautariste

de la laïcité

et de la culture scolaire au collège

Michel RENARD (2004)

 

C'est au cours de l'année scolaire 2003-2004 que j'ai rédigé ce texte, édité sous forme de brochure que la Principale de l'établissement a fait circuler parmi les professeurs. Le rapport de l'inspecteur général Obain, "sur les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires", remis au ministre en juin 2004, mais rendu public plusieurs mois après, n'était pas encore connu.

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"L'école publique est l'institution où doit être progressivement assurée la rencontre des esprits les plus dépendants - les élèves -, avec les esprits les plus indépendants, qui sont les plus grands esprits, c'est-à-dire les œuvres des plus grands esprits."

Adrien Barrot, L'enseignement mis à mort, Librio, 2000, p. 67.

 

Le débat de l'automne 2003 sur le port de signes religieux à l'école a fait dire à certains qu'une loi était inopportune parce que démesurée par rapport au phénomène.
Les élèves arborant un voile étaient en nombre infime, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, légiférer masquait en réalité un racisme islamophobe, tout cela n'était qu'un dérivatif pour ne pas parler des vrais problèmes des banlieues, etc...
Nous qui avons depuis des années l'expérience du collège en Seine-Saint-Denis mesurons à quel point cette vision est éloignée de la réalité.

 

I - Dire la réalité et le malaise

Au-delà du voile dit "islamique", de nombreuses contestations de la laïcité et des références de la culture scolaire placent les professeurs et l'ensemble des personnels du collège dans une situation d'accusés.
Par occidentalocentrisme ou par racisme, ils malmèneraient les valeurs culturelles d'une religion qui n'est pas la leur, l'islam en l'occurrence. Trahissant l'universalisme culturel et la tolérance philosophique auxquels, par conviction, ils sont attachés, ils moqueraient et discrimineraient les préceptes d'une confession à laquelle adhèrent de nombreux élèves, ou mépriseraient les traditions de civilisations autres.

Une réalité souvent tue :

  • par désappointement individuel : être accusé de racisme quand on a soi même partagé les élans militants "anti-racistes"...
  • par incompréhension culturelle : que signifie cette remontée de l'identitaire, de l'ethnisme, du nationalisme étroit, de l'exclusivisme et de l'intolérance chez de jeunes élèves...
  • par désarroi psychologique : le magistère et la fonction de l'école sont contestés...
  • par impuissance pédagogique : comment assurer l'autorité de mon savoir...

 

Surmontant cette déstabilisation, généralement mal vécue, des professeurs décident d'en parler et pointent alors une liste préoccupante de remises en cause des règles et valeurs de la laïcité :

- refus d'un groupe d'élèves de 3e de suivre les cours de SVT relatifs à la contraception-: «notre religion nous interdit d'en parler...» déclarent-ils par ailleurs ; les élèves doivent être ramenés autoritairement en cours par le principal adjoint ;

- refus d'usage d'instruments de musique, par exemple la flûte ;

- discussion entre élèves pour savoir si il est haram (illicite en matière de droit musulman) ou pas de dessiner le plan d'une église chrétienne lors d'un cours d'histoire sur Byzance ;

- refus de toucher, et donc de feuilleter, une Bible par des élèves de 6e lors d'une leçon sur les Hébreux : «en cours d'arabe, on nous dit que c'est interdit...» ;

- refus, par des élèves de 3e, d'observer la minute de silence dédiée aux morts de Madrid (11 mars 2004) au motif que : «nous, on s'en fout des Espagnols et des Européens, on est plus sensibles à l'Afrique...» ;

- refus d'admettre la moindre mention d'une réalité négative se rapportant au monde arabe ; par exemple lorsque le professeur dit : «les Arabes ont perdu la guerre de 1948 face à Israël», on réplique : «c'est pas vrai» ;

- contestation, par des élèves de 3e, de la partie "civilisation" des cours d'italien, et notamment de la sensibilisation à la peinture de la Renaissance au motif qu'il s'agit d'œuvres chrétiennes et que le professeur chercherait à «faire du catéchisme» ;

- démenti d'énoncés de cours d'histoire lors des leçons sur l'islam, en classe de 5e ; par exemple prétention totalement infondée à affirmer que, selon la religion musulmane, la "sunna" est "révélée" comme le Coran (alors que la "sunna", ou Tradition, est seulement formée des propos du prophète Mahomet lui-même) ;

- dénigrement de l'iconographie musulmane ottomane ou perse, pendant le cours d'histoire, au motif de l'interdit de représentation (aniconisme) défendue rigoureusement par les tendances fondamentalistes aujourd'hui... ;

- prétention par des élèves garçons à imposer aux filles une tenue conforme aux normes des fondamentalistes ; par exemple, agression d'une élève qui portait des bagues aux doigts en lui disant qu'elle est «une pécheresse» (une professeure s'est également entendue dire qu'elle «n'était qu'une pécheresse» et qu'elle «irait en enfer») ;

- polémique sur les dates de congés (Toussaint, Noël, Pâques, Pentecôte...) ou les habitudes alimentaires (poisson du vendredi à la cantine) en prétextant leurs origines religieuses chrétiennes et en oubliant qu'elles sont devenues des faits de culture ;

- tendance, par des élèves de 3e, à désavouer la parole d'une professeure en alléguant qu'elle est «blanche» et qu'elle n'exprime que les valeurs «de l'Occident»...

- élève qui, habituellement retire son voile pendant le temps scolaire, mais en impose le port sur le trajet du collège au stade en alléguant qu'elle n'est alors «plus au collège» ;

- à une élève, d'origine maghrébine, qui questionne son professeur en montant en cours, un élève garçon, lui aussi d'origine maghrébine (soutenu par deux autres), lance-: «tu es musulmane ?... alors il ne faut pas parler avec un homme !» ;

- dénigrement de la démocratie et préférence exprimée, en plein cours, pour les «pays qui appliquent la charia» ;

- affirmation que les femmes «doivent rester à la maison... c'est ça l'islam, monsieur...» ;

- propos judéophobes explicites («lisez monsieur... le Coran dit qu'il faut tuer les juifs») ;

- satisfaction exprimée à voix haute lorsqu'un élève évoque une agression physique dont a été victime un élève de confession juive dans une autre école (propos d'élèves de 5e) ;

- éloges (mais aussi condamnations...) de Ben Laden ;

- accroissement des différends entre élèves exprimés à travers des catégories ethniques ou nationalitaires (Marocains contre Tunisiens, Maliens contre Zaïrois, Algériens non kabyles ou autres Maghrébins contre Kabyles...) à côté de propos purement racistes : «sale Chintoke...» ;

- montée chez certains élèves d'origine africaine sub-saharienne d'accusations de type essentialiste contre «les Blancs» et une France xénophobe qui serait toujours coloniale : «la France est raciste parce que le président de la République n'est pas noir» (propos d'élèves de 5e), etc.

 

Le rapport des élèves à la culture scolaire et aux valeurs de la République, qu'ils soient de confession musulmane ou non, ne se résume pas à ces entorses, heureusement. La majorité accepte encore le magistère scolaire quelqu'en soit la discipline ou les thèmes, ainsi que l'approche non confessante des programmes d'histoire, de littérature ou d'enseignement artistique ; cette majorité semble aussi en voie d'acquisition de valeurs humanistes.

Mais les incidents se multiplient, ils créent un climat délétère. Ils désorientent les élèves qui en sont les observateurs obligés et souvent inquiets.

Ils s'ajoutent à un effacement des interdits habituels qui pousse les élèves à questionner fréquemment, mais sans malignité, tel ou tel professeur sur ses convictions religieuses ou politiques, sur son comportement pendant le mois de ramadan, etc., ne tenant pas compte de la règle laïque qui prescrit formellement aux professeurs de ne pas livrer aux élèves ce genre d'informations relevant du for intérieur et de l'intimité philosophique ou politique.

Ce climat de tension est encore accentué par les intrusions questionnantes sur l'actualité internationale (11 septembre, terrorisme, guerre en Afghanistan et en Irak, attentats de Madrid et menaces en France, etc...) perçue fragmentairement et sur un mode binaire d'abord dramatique, au travers d'images télévisées que n'accompagne pas toujours un commentaire explicatif.

Les allusions récurrentes au conflit israélo-palestinien et les demandes d'élèves qui, au mieux, cherchent à comprendre, au pire veulent se voir confortés dans des préjugés judéophobes, se greffent souvent sur des cours d'histoire ou de géographie en rapport avec cette partie du monde ou avec ses protagonistes. La complexité de ce conflit et la somme de références à mobiliser pour fournir quelques clés explicatives, tout en répliquant aux préjugés, rendent la tâche du professeur très éprouvante.



II - Identifier l'origine de ces remises

en cause

La IIIe République, dans les années 1880, dut affronter les congrégations catholiques accusées de divulguer la «haine» de la République et de constituer «une vaste coalition de factieux».

Aujourd'hui, nous devons à notre tour braver les foyers d'obscurantisme politico-religieux ou identitaristes qui, par le relais des élèves, répandent la haine et la caricature de «l'Occident» ainsi que le racisme judéophobe, tout en négociant, par le rapport de forces, la possibilité de manifester des choix religieux et idéologiques qui saperaient le dispositif de laïcité, base institutionnelle de la vie sociale en France.

Pour la majorité des imputations évoquées dans la liste ci-dessus, il s'agit de la rhétorique et des catégories idéologiques du fondamentalisme musulman à visée communautariste. Des excès de prudence politiquement correcte, ou la crainte de tomber sous le coup d'une accusation d'islamophobie, conduisent souvent les autorités politiques et administratives de notre pays à user d'euphémismes pour ne pas nommer ce qui doit être nommé. Et pourtant, les élèves qui répercutent ces diatribes jusque dans les salles de classe sont explicites à leur manière : «notre religion...» disent-ils - même si la connaissance de celle-ci est d'un effarant simplisme.

En réalité, les élèves qui colportent ces propos, je l'ai vérifié moi-même, sont en contact avec des associations ou des lieux de culte généralement pris en main par des militants musulmans appelés salafistes, c'est-à-dire appartenant aux courants de l'islam saoudien (dit wahhabite) le plus rétrograde et occidentalophobe, et par un autre courant ne recoupant par forcément le premier, qui est celui de l'islamisme politique (Frères musulmans ; en France l'UOIF, Tariq Ramadan, etc.). Leur propagande utilise prioritairement les cassettes vidéo aisément accessibles.

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Les élèves s'alimentent également aux émissions des chaînes télévisées réceptionnées par satellite en provenance de certains États du Golfe ou du Liban (avec leur diffusion «en boucle» d'images de violence dont sont victimes les musulmans dans le monde).
«Al-Manar», la chaîne du Hezbollah libanais diffuse depuis des mois un feuilleton antisémite explicite : «Al-Shatat» (diaspora) ; en février 2004, le CSA a mis en demeure l'opérateur du satellite Eutelsat de cesser le relais de cette chaîne à destination du territoire français.
Nos élèves accèdent aussi directement et facilement aux nombreux sites internet relayant plus ou moins explicitement la vision du monde de ces courants.

Ces deux expressions (salafisme et islamisme) ne doivent être confondues ni avec l'islam en tant que religion en général, ni avec la pratique rituelle et le vécu spirituel de la majorité des musulmans, à commencer par les parents de nos élèves - la majorité tout au moins.

Mais les expressions fondamentalistes et islamistes sont sur-représentées dans les structures militantes de l'islam en France et beaucoup plus dynamiques que les tenants d'un islam républicain et purement religieux, dont le recteur de la Mosquée de Paris est un représentant (minoritaire au sein du nouveau Conseil français du culte musulman dominé par les «radicaux»).

Le Monde - daté 22 février 2004
Un recensement des renseignements généraux attribue 32 lieux de culte à des islamistes radicaux.
La montée en puissance du courant salafiste se confirme dans les mosquées. Les renseignements généraux de la préfecture de police (RGPP) viennent de terminer le recensement annuel des lieux de culte musulman en Ile-de-France. À ce jour, 32 mosquées ou salles de prières se trouvent sous le contrôle d'islamistes radicaux, dont la grande majorité sont des salafistes.
Ces derniers sont partisans d'un islam rigoriste, d'inspiration wahhabite. C'est 10 de plus que l'an dernier. Au total, la région compte 373 lieux de culte officiels.
Sur ces 32 emplacements, 20 se trouvent dans la petite couronne, en particulier en Seine-Saint-Denis (...) Selon les RGPP, les salafistes, qui contrôlent la majeure partie de ces lieux de culte, veulent en faire des centres de propagande dont le rayonnement peut dépasser les limites de la commune. Ils y organisent des cours coraniques, des conférences téléphoniques avec des cheikhs saoudiens, mais aussi de nombreuses activités culturelles et des sorties en groupe, qui leur permettent de supplanter les associations dans les quartiers.
Le terreau est fertile : les jeunes issus de l'immigration, renvoyés en permanence à leurs origines et confrontés à un chômage massif, ne manquent pas dans les quartiers sensibles.

 

Or, le fondamentalisme et l'islamisme sont irréductiblement ennemis de la laïcité, opposés aux valeurs qui fondent la démocratie et l'égalité entre les hommes et les femmes, dérangés par la diffusion de l'esprit critique qui sape leur vision dogmatique du monde. Leurs organisations ont choisi depuis des années comme principal terrain d'affrontement l'école qui a la particularité d'associer le principe laïque, l'égalité entre filles et garçons et l'apprentissage de l'esprit critique.

Détestation de la mixité
Le refus d'assister à des cours de SVT n'a rien à voir avec la religion proprement dite. Mais plutôt avec l'aversion pour la mixité - surtout quand il s'agit d'éducation à la sexualité - et avec la phobie du potentiel d'émancipation féminine que recèle la connaissance biologique pour des groupes qui professent l'infériorité de nature de la femme.

Pour le fondateur des Frères musulmans (1927), «la société musulmane n'est pas une société mixte, mais une société monosexuelle ; il y a donc des "sociétés pour les hommes" et des "sociétés pour les femmes". La mixité est pour lui une coutume importée de l'Occident, donc étrangère à l'islam» écrit la sociologue Léïla Babès (Loi d'Allah, loi des hommes, Albin Michel, 2002, p; 157). Il est à noter que ce personnage est le grand-père du leader Tariq Ramadan et que son descendant n'a jamais critiqué ce déplorable héritage.

Détestation de la musique
Le refus de la musique et de l'usage d'instruments fait partie des prescriptions hyper-rigoristes des wahhabites saoudiens (salafistes). Leur littérature emplit les libraires dites «islamiques» en région parisienne et leurs prédicateurs s'adressent aux jeunes des banlieues à partir de conceptions archaïques.
Ainsi, l'idéologue de référence historique, en l'Arabie Saoudite, Abdelwahhab (1720-1792), a laissé une doctrine d'un puritanisme effrayant : abolition du culte des saints et des pèlerinages à leurs tombeaux..., mais aussi interdiction de la musique et du chant... Les Talibans s'en inspirent ainsi que les islamistes tchétchènes dont les chefs font figure de héros dans l'imaginaire communautarisé et totalement idéalisé de certains de nos élèves.

Détestation des autres religions et civilisations
L'idéologie fondamentaliste est obnubilée par ceux qu'elle appelle les kafirun c'est-à-dire les incroyants, les impies.
L'un des auteurs les plus diffusés auprès des jeunes de nos banlieues, le pakistanais Mawdudi écrivait : le musulman «ne peut vivre dans l'humiliation, l'asservissement ou la soumission. Il est destiné à devenir le maître, et aucune puissance terrestre ne peut le dominer ou le subjuguer».

On ne s'étonnera pas ensuite de trouver des esprits dédaigneux et d'autant plus agressifs qu'ils n'ont en général pas les moyens intellectuels de dominer ni de subjuguer quiconque.

Détestation de l'Occident
Les attentats du 11 septembre 2001 ont attiré l'attention sur la puissance du ressentiment et sur la haine d'un Occident essentialisé et caricaturé, que peuvent exprimer des éléments politico-religieux du monde musulman.

Ces sentiments trouvent écho chez une fraction de nos élèves.

Des propos hostiles à la France, aux Etats-Unis... sont répandus par des élèves de 6e ou de 5e comme expression d'une idéologie de guerre et d'une identité vécue sur le mode communautariste. Ils ne savent pas qu'ils malmènent les valeurs religieuses humanistes propres à l'islam, propres aussi au judaïsme ou au christianisme.
Ils reproduisent avec excitation les discours fondamentalistes qui tiennent la civilisation occidentale pour «exécrable», «décadente».
Ils s'enthousiasment pour les attentats suicides qui semblent porter à cette civilisation des coups méritées. Certains, bien informés, rêvent à la puissance que le monde musulman pourrait acquérir avec l'arme atomique que détient désormais le Pakistan : «nous aussi, monsieur, ... l'islam... on a la bombe...».
Bien sûr, il s'agit de rodomontades d'adolescents ignorant les contradictions et les dynamiques de force de l'espace mondial, mais ces identifications sommaires génèrent des clichés angoissants et ménagent à l'égard de la violence une fascination inquiétante.

Détestation de la culture
Pour ces courants fondamentalistes, qui abusent les élèves que nous côtoyons, la culture n'a pas de valeur positive. Ni même d'existence en soi. Elle est réduite à une idéologie étrangère à l'univers religieux, au mieux inutile, souvent rivale et au pire à affronter sans concession.
Dans leur vision, «l'islam a réponse à tout», «tout est dans le Coran». Les seuls «savants» dont on parle sont des techniciens du droit, spécialistes de jurisprudence musulmane. N'est finalement digne d'intérêt dans la culture occidentale que la primauté technologique.
La littérature est honnie car source de libertinage et de dépravation, les sciences biologiques et géologiques sont dangereuses (la théorie de l'évolution est brocardée sur de nombreux sites internet islamiques à partir des ouvrages d'un auteur turc nommé Harûn Yahya...), les sciences sociales et l'histoire sont à proscrire, la seule vérité sur la société étant le discours religieux. Le fondamentalisme est un véritable obscurantisme.

Détestation de la laïcité
Contrairement aux approbations de la laïcité - forcées ou de simple tactique - délivrées par certains leaders fondamentalistes ou islamistes (UOIF, Tariq Ramadan...), cette notion leur est totalement étrangère.
Leur leader international, l'égyptien Youssouf al-Qaradâwî qui vit au Qatar, et que nos élèves peuvent écouter toutes les semaines sur la chaîne télévisée al-Djezira, a écrit récemment dans un petit opuscule : «l'islam rejette totalement cette fragmentation entre ce qu'on appelle la religion et ce qu'on appelle l'État : du point de vue de l'islam, tout relève de la religion (...) nous devons retourner à l'islam en tant que mode de vie régissant la vie tout entière : la maison, la mosquée, l'école, l'université, la justice, l'agriculture, l'industrie, la rue toutes les affaires et tous les aspects de la vie»...!
On comprend mieux l'incompréhension, voire l'hostilité, que les professeurs rencontrent lorsqu'ils expliquent ce qu'est la laïcité à des élèves ainsi embrigadés...

 

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Youssouf al-Qaradâwî, référence idéologique des Frères Musulmans

 

***

Il faut ajouter aux courants fondamentalistes musulmans, le revendicationnisme africain noir, du type Dieudonné réduisant le débat sur la place de telle catégorie de population dans la société française à un affrontement entre «Blancs et Noirs», caricaturant à l'excès le passé colonial et attribuant à la France une culpabilité jamais éteinte.
Mais cette composante de la revendication communautariste est moins développée que la précédente... en tout cas pour l'instant...! Et elle trouve des critiques publiques cinglantes : voir le livre de Gaston Kelman : Je suis noir et je n'aime pas le manioc.

 

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III - Assumer et faire respecter le principe

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L'école n'a pas à répondre - laïcité oblige - ni aux interrogations portant sur le sens ou la véracité des croyances, ni à la pertinence de telle ou telle norme. Sa mission n'est pas l'apologie mais la transmission de savoirs rendant compréhensible l'héritage culturel qui est le nôtre ainsi que celui d'autres civilisations. De savoirs constituant des repères face à la complexité et à la pluralité du monde et permettant un recours critique face aux différentes cultures, aux discours d'autorité et aux obscurantismes.

Contre l'offensive fondamentaliste et islamiste, l'école doit préserver les conditions de sa mission en toute sérénité et en toute souveraineté. À l'abri des pressions cléricale, militante ou idéologique. Quelle que soit l'origine de cette pression : courants de pensée anciennement installés en France (certains militants des droits de l'homme, et même de la Ligue de l'Enseignement, font bon marché de la laïcité...) ou de provenance récente - fût-elle de l'espace jadis colonisé.

La singularité du rapport français entre l'État et l'Église s'appelle la laïcité. Nous sommes les seuls en Europe à utiliser ce terme qui suscite beaucoup d'incompréhensions mais auquel il faut tenir comme à la prunelle de nos yeux.

 

La circulaire d'application de la loi sur la laïcité et le port de signes religieux à l'école est finalisée.(Photo : AFP)
source

 

Quelques questions et réponses sur la laïcité

1) "En quoi une jeune fille voilée, pratiquant sa religion, qui suit ses cours régulièrement et normalement, dérange-t-elle ? Pourquoi ce voile de pudeur dérange-t-il ?"
L'école n'est pas le lieu d'affichage des singularités des «enfants» ou de ses «usagers». L'école n'est pas un «lieu de vie» où chacun devrait exposer ce qui fait la totalité de sa personnalité. L'école est une institution qui regroupe des élèves face à des maîtres qui doivent transmettre leur savoir : cette fonction exige d'être perturbée le moins possible par tout ce qui lui est extérieur. Le voile dérange une salle de classe justement parce qu'il est contraire à la pudeur qui voudrait que les signes distinctifs très apparents (celui-là et d'autres...) soient laissés hors de l'école.

2) "Vous dévoyer la notion de pudeur. Comment concrètement (manifestations physiques) une fille voilée dérange un cour ? Les signes distinctifs doivent être laissés hors école ? Citez-moi vos sources."
Je ne dévoie pas la notion de pudeur. Je lui donne toute son acception. L'école a laissé empiéter sur ses règles de socialisation des manifestations qui lui sont fonctionnellement étrangères et même hostiles.
L'expansion des marques vestimentaires ou de fournitures scolaires alimente des tensions et des concurrences entre élèves préjudiciables à l'activité intellectuelle. De même l'étalage permanent des convictions religieuses trouble la nécessaire neutralisation de l'enseignement.
La source est simple, c'est le respect du principe de laïcité du service public de l'enseignement, conforme au principe fondamental de laïcité de la République.

3) "En quoi le voile est-il contraire à la laïcité ?"
La laïcité prescrit la neutralité de l'institution scolaire face à l'appartenance religieuse. Cela vaut pour les professeurs mais également pour les élèves.
Il faut comprendre que :
a) les élèves ont droit à ce que leur soit transmis les mêmes connaissances quelle que soit la singularité de leur maître ; celui-ci n'a pas à faire valoir ses croyances dans le contenu de son enseignement ;
b) le professeur doit pouvoir s'adresser aux élèves dans l'indifférence de leur psychologie, de leur origine, de leur nationalité, de leur ethnie, de leur religion... sinon l'école n'est plus possible et se transforme en plateau de télévision du genre «C'est mon choix...».
À l'école laïque, ce n'est pas «mon choix» qui prédomine, mais la finalité d'une institution dévouée au savoir et devant résister à l'opinion.

4) "En quoi le voile enfreint-il les valeurs de la République ?"
La République assigne à l'école une mission : transmettre des connaissances, former par celles-ci des individus cultivés et à même de comprendre leur société, le monde et de défendre ses valeurs de liberté.
Pour y parvenir, elle doit respecter des règles parmi lesquelles la hiérarchie d'autorité et la discipline. L'école apprend ce qu'est la démocratie mais elle ne fonctionne pas elle-même selon les règles démocratiques : tout le monde n'a pas le même pouvoir à l'école.
Réclamer le droit de porter le foulard au nom des droits de l'homme est une erreur de perspective qui témoigne d'une confusion sur la nature de l'école républicaine. Ceci dit, porter le voile dans la rue et ailleurs n'est absolument pas une atteinte à la République. Il faut simplement admettre la spécificité de l'école dans la France républicaine.

5) "Pouvez-vous citer vos sources? c'est-à-dire un arrêt du Conseil d'Etat imposant un devoir de réserve incombant aux élèves de l'enseignement public ? Parce que le fond de la question de la laïcité est là : c'est un devoir essentiellement incombant aux fonctionnaires, et non à ses administrés."
Croyez-vous que le Conseil d'État soit la seule source du droit en France ? Le Conseil d'État rend des avis quand le gouvernement le sollicite. Mais l'avis de 1989 est ambigu puisque il autorise des décisions contradictoires.
La laïcité est un principe qui incombe à l'école en général. Elle peut entrer en concurrence avec les principes de liberté d'expression. C'est une tension que le législateur doit arbitrer. C'est bien pourquoi a été affirmée la nécessité d'une loi pour assurer l'équilibre entre les deux principes. Mais affirmer que les élèves sont soustraits au principe de laïcité est une vue de l'esprit.
La laïcité est un principe dont le respect incombe également aux élèves. Que croyez-vous donc ? Imaginez un élève qui refuserait l'enseignement de la géologie parce que, selon sa lecture de la Bible, le monde aurait été créé en six jours et pas il y a quatre milliards et demi d'années...
Ces problèmes se posent déjà dans certains établissements. Des chrétiens n'admettent pas que les musulmans tiennent le Christ pour un simple prophète, des musulmans n'acceptent pas que les chrétiens croient en la nature divine du Christ, les athées tiennent les uns et les autres pour des charlatans... Si on laisse s'exprimer les convictions religieuses à l'école, c'est l'affrontement assuré et le primat des croyances sur la connaissance...
Ce qui importe, c'est que chacun apprenne - c'est-à-dire, tout à la fois, qu'il le sache et qu'il soit en mesure de le relativiser - ce que croit ou ne croit pas l'autre et apprenne à le respecter.

6) "L'école serait-elle un lieu où l'uniformité est normalisée ?"
Oui, l'école est un lieu qui doit respecter une certaine uniformité faute de manquer à sa mission qui est de s'adresser à tous indifféremment.
Des normes définissent cette uniformité dont l'étendue, il est vrai, oscille selon les périodes historiques. Il a été des époques où cette uniformité était plutôt stricte : port d'uniforme dans les lycées napoléoniens, port de la blouse dans l'école publique française jusque dans les années 1960... Il est des époques où cette uniformité se relâche.
Nous sommes dans cette situation aujourd'hui, et des excès ont été commis depuis une vingtaine d'années : surenchère vestimentaire à base de «marque», domination de la tenue sportive dans tous les cours au détriment, souvent, d'une hygiène minimale..., excentricité de mode («gothique»...)...
Je ne suis pas de ceux - idéologie pédagogique dominante - qui pensent que l'école doit «s'ouvrir sur le monde» ; au contraire, pour transmettre certains savoirs (mais tous ne passent pas par l'école...) et faire accéder les élèves aux «œuvres», l'institution a besoin de se fermer au bruit et à la banalité du quotidien.

7) "Un citoyen payant ses impôts n'a-t-il pas droit au respect de ses convictions ?"
Le fait de payer ses impôts ne fait pas de vous un «client» entrant dans un rapport consumériste avec l'école qui devrait satisfaire vos moindres desiderata. L'école reste une institution dont les finalités (qui sont à peu près les mêmes depuis plus de 5000 ans...) sont définies par le législateur (intérêt général) et non par le consommateur (intérêt privé).

8) "ce qui gêne réellement un cours, ce sont les enfants turbulents, chahuteurs ou grossiers et ceux-ci portent rarement un voile".
D'accord avec cela : le chahut gêne le cours, le chahut a même pour fonction d'empêcher le cours en opposant à l'effort qu'il requiert la logique du jeu et du plaisir immédiat. Mais le voile peut aussi être considéré comme une turbulence par l'effraction symbolique qu'il constitue.

9) "La laïcité, c'est justement de permettre aux croyants et aux non-croyants de vivre ensemble et d'étudier ensemble".
D'accord, mais toute vie partagée exige un respect des règles qui rendent possible et pérenne ce partage. La règle de la laïcité, c'est la mise à distance des croyances dans l'espace partagé. La finalité de l'école n'est pas le tout communicationnel qui semble régir l'espace social et l'univers médiatique avec cette expansion généralisée du voyeurisme (tel que la plus mauvaise télévision en offre les sous-produits à une curiosité peu scrupuleuse).

10) "Il faut apprendre aux jeunes à être tolérants et à accepter l'autre qui est différent".
Pourquoi ne pas appliquer ce raisonnement en commençant par la compréhension de cet «Autre» qu'est la laïcité ?
La laïcité est un Autre par rapport à l'univers anglo-américain, un Autre par rapport à des formes différentes de sécularisation en Europe, et surtout un Autre par rapport à l'univers mental des fondamentalistes. Ces derniers devront apprendre à vivre avec la laïcité qui n'est pas «négociable» comme le Président de la République l'a rappelé en octobre 2003.
Par ailleurs, je ne vois pas en quoi la «différence» serait forcément à accepter. Une chose n'est pas automatiquement bonne parce qu'elle est différente. On sent bien dans ce genre de position l'influence de l'idéologie différentialiste dont les fondements sont très contestables.

 

 

 

IV - Le savoir, l'esprit critique et le fait

religieux à l'école laïque

Les deux principales réponses aux contestations de la laïcité et de la culture scolaire doivent être :

1) la défense du dispositif institutionnel de laïcité dans la plénitude de ses prérogatives : la laïcité «ouverte» dont les modalités seraient sans cesse à négocier, n'est plus la laïcité. Il est des valeurs qui, face à des adolescents immatures, n'ont pas à être débattues ni discutées mais énoncées comme la loi qu'il faut respecter sans tergiverser, par exemple l'égalité entre élèves garçons et élèves filles ou le refus de la violence et des agressions racistes !
Face à certains adolescents développant une vision pervertie de leurs «droits» (ne faisant jamais place à leurs «devoirs»...), c'est en tant que détenteur d'une autorité déléguée par la société, par l'État, que l'école doit imposer le respect de la laïcité. Il n'est nulle question de «contrat» ni de «dialogue» : la loi préexiste aux élèves, ils y sont soumis et n'en sont pas les auteurs, mais à la fois les sujets et les bénéficiaires.

2) le déploiement des ressources de la haute culture et de l'esprit critique que l'école a pour finalité de transmettre. Parce qu'elle est l'école d'une société de liberté :

L'instruction, base de la liberté
10 septembre 1791 - Talleyrand
Les hommes sont déclarés libres ; mais ne sait-on pas que l'instruction agrandit sans cesse la sphère de la liberté civile, et, seule, peut maintenir la liberté politique contre toutes les espèces de despotisme ? Ne sait-on pas que, même sous la Constitution la plus libre, l'homme ignorant est à la merci du charlatan, et beaucoup trop dépendant de l'homme instruit. (...) Celui qui ne sait ni lire ni compter dépend de tout ce qui l'environne ; celui qui connaît les premiers éléments du calcul ne dépendrait pas du génie de Newton, et pourrait même profiter de ses découvertes.

Talleyrand (1754-1838), évêque d'Autun en Bourgogne en 1788,
député du clergé aux États Généraux en 1789.

 

 

La question du relativisme culturel
Contre l'argument du relativisme culturel consistant, par exemple, à refuser l'émancipation des femmes au nom d'un modèle culturel dit «authentique» (la tradition, la religion...) qui devrait résister au modèle deH_ritier_Aug__couv l'Occident, il faut répondre que ce modèle occidental est relativement récent et que le modèle de l'asservissement des femmes était aussi celui de l'Occident il y a plusieurs décennies. Il n'est pas question ici de culture mais de raison. C'est par la raison que le mouvement d'émancipation des femmes s'est développé et légitimé en Occident (découverte, au XIXe siècle, des gamètes et des gènes prouvant que la reproduction était aussi bien le fait de l'homme que de la femme) - sur ces questions, voir Françoise Héritier-Augé, Masculin/féminin, la pensée de la différence (Odile Jacob).

 

 

 

Le savoir et la raison ne sont pas des dogmes arbitraires
Certains élèves répercutent le procès qu'adressent les fondamentalistes à l'école en disant que le savoir qui s'y enseigne n'a pas plus de valeur que la croyance religieuse. C'est une vieille querelle :

- «On a souvent reproché aux hommes de la Révolution française, héritiers des Lumières, de substituer un esprit religieux à un autre en introduisant le culte de la Raison. (...) Pour avoir raison de la raison, les bonnes vieilles recettes sont connues : rien de tel que l'appel aux profondeurs, et qu'elles soient de la terre, du sang, de la race, de la classe ou de la foi importe peu. Ce qui importe est qu'elles transcendent l'individu et le placent d'autorité sur le “bon” vecteur, qui donnera sens à la vie en lui ôtant les incertitudes.
Or, la raison de Condorcet ne mange pas de ce pain là. Nulle part il n'est question de la diviniser pour la placer sur un autel : n'est-elle pas un “instrument” ? En rappelant sans cesse qu'il n'y a pas de dernière analyse, qu'il n'y a pas de maître mot, qu'il n'y a pas de métalangage où se trouverait déposé l'étalon originaire de la Vérité, Condorcet énonce ce qui fait la grandeur et le tourment de la philosophie occidentale. Pour décider du vrai et du faux, pour séparer le vérace et le menteur, nulle cour d'appel ne fonctionne en dernière instance. Pour juger du bien-fondé des perspectives, il est vain de croire à l'existence de quelque géométral illusoire : pas d'autre moyen que de les ordonner entre elles. “Le seul instrument” qui nous soit donné est à l'intérieur de nous-mêmes ; instrument, il ne se dissocie pas de la force qui l'anime. C'est toujours au jugé que se toise la vérité.f1
Il ne peut être question de “croire à la raison”, et encore moins de lui vouer un culte, puisque la raison n'est pas transcendante ; on ne peut qu'en faire usage. (...) Certes, la raison doit comparaître devant un tribunal, mais personne qu'elle-même n'y saurait siéger.»
Catherine Kintzler, Condorcet, l'instruction publique et la naissance du citoyen, Folio-essais, 1987, p. 110-111.


L'enseignement du fait religieux (R. Debray)

debay1Le malaise à faire face aux récusations communautaristes à l'école tient aussi aux incertitudes sur la place du fait religieux dans la culture scolaire. À la demande du ministère de l'Éducation nationale, le philosophe Régis Debray a remis en février 2002 un rapport intitulé L'enseignement du fait religieux à l'école laïque. Dans un colloque de novembre 2002, il dit ce que n'est pas cet enseignement :

- «(il) ne saurait être un enseignement religieux. (...) Il ne s'agit pas d'introniser la théologie en matière obligatoire. Il s'agit de poursuivre un chemin que l'école publique connaît bien, à savoir mieux étayer l'étude de l'histoire, de la géographie, de la littérature, de la philosophie, des enseignements artistiques et des langues vivantes sans sortir du cadre existant depuis les années 1980 et 1990.
Il ne s'agit même pas, à mon sens, d'un enseignement de culture religieuse, s'il faut entendre par là une sensibilisation qui conférerait à celle-ci le même statut qu'au savoir. Les cultures scientifique, artistique ou religieuse relèvent d'un seul et même phénomène général : la connaissance des religions, comme celle de l'athéisme font partie de la culture. La mémoire humaine ne se débite pas par appartements : Abraham, Bouddha, Confucius et Mahomet ont vécu et vivent sur la même planète qu'Euclide, Galilée, Darwin et Freud.
Le but n'est donc pas, me semble-t-il, de valoriser ou de dévaloriser le religieux, de le réhabiliter ou de le discréditer, mais d'éclairer de manière circonstanciée ses incidences sur l'aventure humaine. (...)
Ensuite, le problème n'est ni d'initier à des mystères ou à des dogmes révélés, ni de légitimer des autorités extérieures aux seules autorités qui vaillent dans une classe : celles du maître et de sa discipline. Il s'agit encore moins d'indiquer la voie du vrai, du bien et du beau - ce n'est pas un cours de morale - ni de montrer que ces croyants-ci ont raison et que ceux-là ont tort : cela serait du prosélytisme. D'ailleurs, l'esprit d'objectivité retomberait bien vite à ce compte-là sur l'ambivalence bien connue des phénomènes religieux, dont chacun sait qu'ils portent à la fois l'ombre et la lumière : l'interdit et la permission de tuer, la trêve de Dieu et la guerre sainte, la fraternité et la ségrégation.»

Les Actes de la Desco, L'enseignement du fait religieux, CRDP,
académie de Versailles, 2003, p. 16.

 

L'école, le communautarisme et le fait religieux (Debray)

- «La remontée du religieux, phénomène mondial, est une remontée du communautaire. Chaque confessionDebray_rapport_couv s'instaure en une sorte de principauté avec ses propres lois, son réseau scolaire, sa vision du monde.
C'est cette balkanisation que je crains pour la France. Il y a des écoles confessionnelles juives sous contrat, dans lesquelles un non-juif ne trouve pas naturellement sa place. On se retrouve entre soi. Demain, des écoles musulmanes vont ouvrir leurs portes. Même phénomène. Il existe déjà l'enseignement privé catholique. La question est de savoir s'il existera encore des lieux ou un petit musulman pourra entendre parler du christianisme, un petit juif de l'islam, un croyant de l'incroyance et un incroyant de la croyance.
En un mot, y aura-t-il des lieux de croisement possible ? C'est une question clé. La réponse est l'école laïque qui peut offrir un traitement culturel du cultuel, c'est-à-dire un traitement objectivant du confessant. Ce qui va être difficile vis-à-vis de l'islam. C'est normal. Aucune religion ne se laïcise spontanément.
Ce n'est qu'après un siècle ou deux que les chrétiens ont admis d'être comparés à d'autres religions, de ne pas être détenteurs de la Vérité avec un grand V, et d' avoir un regard historique sur leur passé. Avec, à chaque avancée, des mini-guerres civiles à l'intérieur de la confession religieuse elle-même.
L'islam, comme nous le fûmes jadis, est en guerre avec lui-même. Il ne va pas être facile de savoir comment enseigner à un petit musulman que le Coran a demandé un siècle et demi pour avoir sa version définitive. Aujourd'hui en revanche, vous pouvez enseigner à un petit chrétien l'existence d'apocryphes. Mais il y a des imams qui pensent et disent (et certains le disent à voix haute) qu'il faut être musulman pour parler de l'islam, évoquer le Coran, comprendre comment est bâtie une mosquée, etc. Cela veut dire que les maîtres de l'école publique ne sont pas habilités à traiter du sujet, que le domaine est réservé.»
Interview, [US MAGAZINE, suppl. au° 581 du 23 janvier 2003

 

L'islam et la critique de l'islam
Le traitement de l'islam dans l'enseignement, et les réponses à apporter aux entorses à la laïcité lorsqu'elles empruntent les références de cette religion, laissent perplexes nombre de professeurs.
La vigueur des condamnations à apporter au communautarisme est souvent tempérée par la mauvaise conscience d'appartenir à une puissance qui a colonisé une partie de l'espace de l'islam (Maghreb, Afrique noire...) aux XIXe et XXe siècles, par le racisme dont est victime l'immigration d'origine arabe en France depuis une trentaine d'années, par la crainte d'être accusé “d'islamophobie”...

Il ne faut pas se laisser impressionner par certaines confusions. Les musulmans en France aujourd'hui ne sont pas dans une situation de colonisés, comme le laissent entendre les islamistes : ils sont citoyens ou étrangers résidant en France à égalité de droits avec les autres. L'islam bénéficie des mêmes lois sur la liberté religieuse que les autres cultes. L'interdiction du voile dit “islamique” et des autres signes religieux à l'école ne sont pas une atteinte à la liberté de conscience mais une limite légitime du droit de manifestation religieuse dans l'espace publique qu'est l'école. Cela est tout à fait normal : toute liberté trouve sa limite.

Enfin, la notion “d'islamophobie” est brandie avant tout par ceux qui craignent que la libre critique ne mette à mal leurs dogmes, leurs partis pris et leurs intolérances. Mais, au sein même de la conscience musulmane, la libre critique s'est souvent exercée. En France, l'universitaire Mohammed Arkoun est très sévère à propos de la “clôture dogmatique” de l'islam :

- «(...) il faut souligner que la pensée islamique, toujours enfermée dans la clôture dogmatique, n'a même pas encore connu les parcours éducatifs, les solutions pragmatiques intervenus dans les sociétés occidentales depuis le XVIIIe siècle. C'est ce que j'ai appelé l'impensé dans la pensée islamique. Cela explique la nécessité de confronter la pensée islamique et la pensée scientifique, tout en restant vigilant sur la question de la scientificité.
Il va de soi que la pensée islamique telle qu'elle s'exerce dans le discours islamique contemporain, rejette sans examen le principe même d'une telle confrontation : stratégie de refus bien connu dans tout système cognitif dogmatique. (...)
L'islam exerce à la fois une fascination et une répulsion sur les chercheurs occidentaux (...) il demeure rivéimages aux représentations collectives de masses déshéritées. (...) On ne pousse pas les analyses dans les directions qui aboutiraient à la suppression des tabous accumulés par l'islam officiel depuis que les États nationalistes ont dessiné les limites de l'exploration permise. Ainsi, la communauté scientifique, libre en principe d'aborder tous les sujets, de dévoiler tous les mécanismes de travestissement des enjeux réels de toute vie sociale, préfère la connivence idéologique avec les groupes dominants. Bien plus, la littérature apologétique sur l'islam s'enrichit grâce à certains “orientalistes” de renom.»

Mohammed Arkoun, Ouvertures sur l'islam,
éd. Grancher, 1992, p. 180-182.

 

La haute culture, pas la culture banlieue (Cécile Ladjali)

Enfin, il faut en finir avec les théories pédagogiques catastrophiques qui ont valorisé à l'excès les «cultures» de milieux sociaux ou urbains défavorisés («le responsable de toute notre pédagogie moderne, M. Meirieu, en tenait pour l'étude des prospectus de supermarché en lieu et place des tragédies de Racine ou Corneille» - Marc Le Bris, Et vos enfants ne sauront pas lire ni compter, Stock, 2004, p. 175). Il faut en finir avec les théories qui ont prétendu que «l'enfant construisait son propre savoir à partir de sa culture spontanée»... et autres obscurantismes... N'ayons pas peur de renouer avec «l'usage culturel de la lecture, le rôle formateur des œuvres et l'importance du patrimoine littéraire dans la formation de l'esprit» (Liliane Lurçat, Vers une école totalitaire, F.-X. de Guibert, 1978, p. 87).

portrait15- «Faire en sorte que nos élèves aient accès à la haute culture - celle qui nous a été transmise - participe de cette petite révolution passionnée que nombre de mes collègues mènent au quotidien. Mais la cause ne rallie pas forcément à elle toutes les opinions. Après la représentation de Tohu-bohu [pièce de théâtre écrite par les élèves], le ton est monté avec mes amis normaliens qui me parlèrent de “classes sociales”, “dominantes”, “laborieuses” ou “dangereuses”, voire de “violence symbolique” faite aux élèves.
Pour cette poignée de privilégiés, Murmure [recueil de poèmes écrit par les élèves et publié à l'Esprit des Péninsules avec une préface de George Steiner, 2000] était une bizarrerie culturelle et politique, qui cachait un instrument de répression larvée, destiné à inculquer aux lycéens défavorisés des éléments d'appréciation esthétique petit-bourgeois. On m'a demandé pourquoi je ne sollicitais pas la culture des élèves. Cette fameuse culture banlieue. Or, quand j'interroge un lycéen à ce sujet, je rencontre le vide. L'idée saugrenue de cette contre-culture a germé dans l'esprit d'anciens très bons élèves, désireux de s'encanailler, auxquels il faudrait répondre que Flaubert ouSteiner_Ladjali_couv Rimbaud auraient sans doute trouvé cocasse qu'on les traitât de bourgeois.
Et quand bien même la culture que nous proposons à nos classes serait-elle bourgeoise, nombre de collègues estiment qu'elle est la plus digne des enfants. On n'est conscient de ce que l'on est que lorsqu'on est confronté à l'altérité. Le professeur doit dépayser son élève, le conduire là où il ne serait jamais allé sans lui et lui offrir un peu de son âme, peut-être parce que toute formation est une déformation.»

in George Steiner et Cécile Ladjali, Éloge de la transmission.
Le maître et l'élève
, Albin Michel, 2003, p. 25-27.

 

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septembre 2004
Michel Renard, professeur d'Histoire
au collège Joliot-Curie à Pantin
(aujourd'hui, dans un lycée de la Loire)

 

 

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la République fête son centenaire dix ans après les lois scolaires de Ferry

 

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8 décembre 2006

Maths : problèmes de niveaux (Le Point)


source



Maths : problèmes de niveau


Marie-Sandrine SGHERRI (Le Point)


Le niveau des écoliers en fiin de primaire ne baisse pas en mathématique, selon un rapport de l'Inspection générale. Certes, les inspecteurs déplorent que les maîtres n'entraînent pas suffisamment leurs élèves au calcul mental, aux techniques des opérations ou aux problèmes tirés de la vie courante. Mais ils ont comparé des évaluations passées à vingt-cinq ans d'intervalle : les items ont changé, la population d'élèves n'est pas la même, et comparaison n'est pas raison, toutefois ils concluent que le système éducatif est plus performant aujourd'hui qu'en 1980. Les épreuves avaient exclu les élèves redoublants - donc les plus faibles -, ce qui n'est pas le cas de évaluations récentes.

Un satisfecit qui ne laissera perplexes ceux qui s'amuseraient à comparer les taux de réussite des élèves de sixième aux mêmes opérations entre 1990 et 2005 :

  • en 1990, 95,2% des élèves savent additionner 542 et 7 154. En 2005, ils ne sont plus que 77%.
  • en 1990, 72,1% savent multiplier 523 et 305. En 2005 : 55,9%.
  • En 1990, 69,4% des élèves parviennent à diviser 72 par 3. En 2005, 44,1% y arrivent encore.

Question subsidiaire : qui évalue le niveau des inspecteurs généraux ?

Marie-Sandrine Sgherri, Le Point, 30 novembre 2006


http://henk974.skyblog.com/pics/418879903_small.jpg


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4 décembre 2006

Le rapport Bentolila sur la grammaire (Collectifs Sauver les Lettres)

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Communiqué de presse du 30 novembre 2006

Un rapport qui redonne espoir


Le collectif Sauver les lettres a pris connaissance avec satisfaction du rapport d’Alain Bentolila (http://media.education.gouv.fr/file/68/3/3683.pdf) et des mesures qu’il préconise pour l'apprentissage de la grammaire, mais il doute de sa mise en oeuvre dans la situation politique actuelle.

Couverture de la 13e édition (1993)

Les propositions du linguiste ont le mérite de rappeler que le français est une discipline réclamant un enseignement à part entière, structuré, soumis aux exigences de la logique interne de la langue. Sa maîtrise ne saurait se satisfaire la "pratique transversale de la langue" (qui suppose que toutes les matières concourent à l'apprentissage du français). Cette pseudo-trouvaille pédagogique, constamment invoquée dans les nouveaux programmes de l'école primaire, ne fait que dissimuler la réduction des horaires consacrés spécifiquement au français. Les théories hasardeuses d’immersion sans apprentissage, ou d’observation sans mémorisation raisonnée, progressivement imposées depuis plus de vingt ans, ont conduit en effet au naufrage que les professeurs constatent lors des évaluations de début de sixième (http://www.sauv.net/eval2005redac.php).

Sauver les lettres salue également la proposition d’"une progression rigoureuse, allant du simple au complexe et du fréquent au rare", qui exclut de fait la pratique catastrophique du " décloisonnement " exigée par les programmes du collège. Actuellement, les apprentissages de grammaire sont en effet soumis au hasard de leur apparition dans les textes, ce qui conduit les élèves à un émiettement des connaissances grammaticales et à des lacunes les mettant dans l’incapacité de former correctement des phrases complexes et de formuler ou comprendre une pensée fine.

Enfin, la priorité accordée à la "grammaire de phrase", analysant les différentes composantes de la phrase indispensables à une bonne compréhension, évacue salutairement la "grammaire de texte", jargonnante et privilégiant des notions universitaires intéressantes mais inaccessibles et nuisibles dans l’enseignement scolaire. Le rapport souligne à juste titre qu’elle "pervertit la relation naturelle au texte et rend chaotique l’étude du système grammatical".

Sauver les lettres rappelle que la connaissance de la grammaire permet l’expression fine et structurée des sentiments et de la pensée, par le recul critique sur les énoncés auquel elle donne accès, et participe à ce titre à la formation d’une pensée libre et créatrice, que l’école doit donner aux élèves. Le rapport le dit bien : "une langue qui se priverait du pouvoir de la grammaire livrerait (…) ses énoncés aux interprétations banales et consensuelles fondées sur l’évidence, la routine et le statu quo. La grammaire apparaît ainsi libératrice alors qu’on la dit contraignante."

Cependant, la demande indispensable du rapport de laisser "toute sa place à l'observation, la manipulation et la réflexion", ne saurait être satisfaite sans un horaire suffisant. Sauver les lettres rappelle que les horaires de français n’ont cessé de se réduire depuis trente ans : actuellement, un lycéen entrant en

Seconde a reçu 800 heures de français de moins que son homologue de 1976, et a le niveau que ce dernier avait en milieu de Cinquième (http://www.sauv.net/horaires.php). Le déficit des élèves en français tient à l’abandon d’un apprentissage sérieux de la grammaire et aux désastreuses méthodes constructivistes mises en œuvre, mais aussi au déficit irrémédiable d’heures de manipulation de la langue.

La balle est donc dans le camp des politiques : sans le rétablissement d’un horaire conséquent de français à l’école primaire et au collège, sans l’abandon de l’audit sur les collèges (http://lesrapports.ladocumentat ionfrancaise.fr/BRP/064000774/0000.pdf), dont la logique scandaleusement comptable préconise une baisse supplémentaire de l’horaire des apprentissages fondamentaux, le rapport d’Alain Bentolila restera malheureusement lettre morte.

Collectif Sauver les lettres.




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30 novembre 2006

une école au service des «casseurs» de la République (Jean-Paul Brighelli)

http://blogsimages.skynet.be/images/002/823/313_7b844ede4fcc2269bb1c01501c91edc3.jpg




une école au service

des «casseurs» de la République

Jean-Paul BRIGHELLI


Jean-Paul Brighelli n'a pas besoin de mon blog pour diffuser ses idées. Le sien est très fréquenté... Mais je publie l'un de ces derniers messages en solidarité intellectuelle totale avec ses analyses.

Michel Renard


http://vignette.librairie.auchandirect.fr/livre_r?l_isbn=2350130509r


Cher Roger...

Roger Monjo, philosophe (de formation) dévoyé dans les sciences de l'éducation, enseigne entre autres à l'IUFM de Nîmes. De temps à autre, et en dehors des liens d'amitié qui nous rapprochent, il m'adresse sur son site des reproches forcément infondés, auxquels je répond de mon mieux.
Sa dernière salve est à la fois une analyse de mon dernier ouvrage — un peu superficielle, à mon goût —, et une critique de l'ensemble de mes propositions. Le lecteur la trouvera sur :

http://recherche.univ-montp3.fr/cerfee/article.php3?id_article=400

J'ai répondu à cette charge semi-amicale. Comme je préfère que rien ne se perde, je donne ci-dessous cette réponse — à laquelle lui-même renverra sur son site : ainsi espérons-nous établir une circularité qui, paradoxalement, pourrait faire avancer la réflexion…
Bonne lecture à tous, et pardon pour ceux qui arrivent ici pressés : ces deux lettres ouvertes prennent presque autant de temps au lecteur qu'elles en ont pris aux rédacteurs…

JP Brighelli



Cher (mais si, mais si !) Roger,

Ta lettre m’a fait une impression bizarre : j’ai dans l’idée que, plus que moi, c’est toi-même que tu tentes de convaincre. Tu voudrais enfoncer le clou — mais c’est ta paume que tu crucifies.
Comme si tu n’étais pas bien sûr de la validité de tes objections, et, encore moins, de la qualité de tes suggestions : ce n’est pas pour rien que tu les noies sous les chiffres, auxquels on a toujours fait dire ce que l’on veut. En fait, que ce soit par lettre ou en public, il faut toujours être convaincu pour être tout à fait convaincant.

Et convaincant, tu ne l’es pas — cela soit dit en toute amitié. Nous sommes à quelques mois d’une échéance électorale qui, si elle n’est pas primordiale sur le plan économique (tu sais comme moi que les arbitrages, en ce moment, se font davantage à Wall Street ou à Shanghai qu’à l’Elysée), sera déterminante sur le plan intérieur — dans cette proximité que constituent l’Ecole, la Justice, la sécurité, etc. Au fond, aux deux sphères traditionnelles dont je tente la dissociation dans mon dernier opus (Une école sous influence, ou Tartuffe-roi), il faudrait rajouter une troisième, celle des intérêts internationaux — et articuler les effets croisés de ces trois domaines hétéroclites. Il y a un prix Nobel à la clé pour celui qui analysera ce fonctionnement — le moment où le laisser-faire pédagogique (second cercle), en se combinant avec l’obscurantisme jusqu’auboutiste (niveau religieux : première sphère), sert, sans même y avoir pensé, les intérêts du capitalisme en phase mondialiste — troisième cercle.
L’Enfer, comme aurait dit Dante, est au centre de cette combinaison létale.

Nous voici donc au cœur du problème. Ce que j’appellerais Démocratie vs République vs Capitalisme international.
Rappel des faits. À une sphère privée (famille, traditions, origines, cultes ou préférences sexuelles) s’oppose une sphère publique (celle de la Cité au sens grec du terme : un langage, une culture, des habitudes politiques, et l’ensemble des corps constitués — à commencer par l’école ou la Justice — ou la Santé). Quant à la troisième sphère que j’évoquais à l’instant, elle est celle des intérêts supra-nationaux, des stratégies de conquête, économique ou militaire — elle est celle de la mondialisation, que ce soit la mondialisation des échanges ou celle des menaces.

L’Ecole appartient donc à la seconde sphère. Elle n’a pas à laisser y entrer ce qui ressort du premier cercle (c’était déjà l’opinion de Jean Zay avant-guerre, comme tu le sais), sous peine de s’assujettir aux intérêts exogènes de la troisième sphère. Ou, si tu préfères, donner la parole aux élèves (loi Jospin, article 10) sur des sujets personnels, des croyances ou des superstitions familiales ou ethniques, c’est détruire les Savoirs que doit promouvoir la sphère scolaire, en leur jetant à la figure la concurrence de pseudo-savoirs. Et c’est, à terme, jeter les malheureux, parfaitement désarmés, entre les griffes d’un système économique qui se soucie peu de l’individu, et le préfère inculte que revendicatif.

C’est si vrai que dans un roman tout récent, que je ne peux que conseiller aux âmes sensibles et naïves (Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte, Seuil, octobre 2006), Thierry Jonquet rappelle que dans la Social-démocratie allemande (1871), Marx et Engels évoquaient déjà cette «racaille» (Das Gesindel, pour les puristes — le mot n’a pas été inventé par Nicolas Sarkozy…), «cette lie d’individus déchus de toutes les classes» — la future base des Sections d’assaut hitlériennes. Les émeutes de novembre 2005, qu’il serait naïf d’imputer à des menées islamistes subversives (ils ont au contraire tout fait pour désamorcer la colère des banlieues) ne sont que le prurit de ces zones de non-droit, ces ghettos dans lesquels on a cru à tout jamais enfermer les problèmes — comme le dénonçait déjà Jean-Claude Michéa dans l’Enseignement de l’ignorance, en 1998.

L'Enseignement de l'ignorance de Jean-Claude Michéa, Éditions Climats

Et au cœur des ghettos sociaux se sont développés ces ghettos scolaires qui coïncident trop souvent avec les Zones d’Exclusion Programmée (en français, ZEP
J’avais déjà dénoncé ce mécanisme dans la Fabrique du crétin, en montrant que nous avons, au fond, l’école que mérite un certain état de la France. Le plus farce, c’est que ce sont des enseignants globalement de gauche qui se sont rendus objectivement complices de cette reddition à l’ennemi de classe.
Comment ?
Il y a dans l’existence d’une nation des dates-phares. Le 14 juillet 1789, 1936 et les congés payés, 1945 et le vote des femmes — il était temps… Et des dates d’apocalypse — août 14, le 17 juillet 42 et la rafle du Vel d’Hiv’, et 1989 — loi Jospin.

J’exagère ? Pas même.
Je vais reprendre quelques-uns de tes arguments, en tentant de démonter le mécanisme pervers qui, sous l’apparence d’une parfaite Raison, a fait dériver le système scolaire vers ce que nous connaissons aujourd’hui — et sur l’état duquel nous sommes à peu près tous d’accord. Pour tous, l’école va mal. Certains affirmeront que c’est parce que les «nostalgiques» de ma génération ne sont pas encore tous à la retraite — mais ça ne saurait tarder (1). D’autres parce que les plus opportunistes — ou les plus demeurés — des enfants du baby-boom ont trahi la cause même de l’école.

«80% d’une classe d’âge au niveau du Bac», dit un jour Chevènement. Des pédadémagogues en firent «80% d’une classe d’âge au Bac». Pas plus tard que le mois dernier, à la FNAC de Lyon où j’étais en débat avec lui, Philippe Meirieu annonça qu’il rêvait de 100% au Bac — «pourquoi pas 110 ?» demanda un loustic dans la salle, pourtant peuplée des créatures de l’IUFM voisin, venues applaudir leur ex-patron.
Surenchère dans la médiocrité — un Bac accordé au plus grand nombre voit son niveau réel baisser automatiquement, qu’on entende par là niveau des bacheliers ou valeur de l’examen — et, plus grave, creusement des inégalités.
Et c’est bien le cœur de ce que je peux reprocher à tes amis (2) : la sacro-sainte «égalité des chances», ce slogan creux ânonné par des crétins de droite et de gauche (mais surtout de gauche), a fabriqué en trente ans plus d’inégalités que jamais l’élitisme n’en engendra. Bien sûr, il y a des causes extérieures à l’école, trente ans de crise, une internationalisation du capitalisme que personne n’a, en France, clairement analysée, et une dérive de l’immigration. Mais l’Ecole aurait dû être, justement, le pilier d’une reconquête sociale. Elle a, au contraire, été au service des «casseurs» de la République.

«Au niveau du Bac», c’était valoriser, dans la pensée du «Che» de Belfort, toutes ces formations qui, des CFA aux Compagnons du Devoir, pouvaient être créatrices d’emploi — et que le slogan imbécile de «80% au Bac» a détraquées par anticipation. C’était dire que le «niveau» ne signifiait pas l’examen, mais une dignité équivalente. «80% au Bac», c’est créer cet engorgement si sensible en universités, c’est surtout dévaloriser le premier des diplômes du Supérieur, et, à terme, l’ensemble de ce qui suit. Tu notes toi-même que Marie Duru-Bellat et François Dubet, qui sont loin, très loin d’épouser mes thèses, jugent sévèrement un système universitaire qui produit des titres qui ne valent rien — ou pas grand-chose — sur le marché du travail. Parce qu’en définitive, et je suis un peu confus d’avoir à te le rappeler, ce n’est pas l’université, ni le gouvernement, qui décrètent la valeur d’un diplôme : c’est le marché — si bien que le Bac a aujourd’hui une pure valeur symbolique, et non marchande : à terme, on s’en passera fort bien. Mais qui s’en soucie vraiment parmi les Pédagogues, qui persistent à en faire le sésame d’entrée dans des universités qui crèvent de pléthore ?

L’extraordinaire pouvoir de nuisance de ces idéologues (dont, par parenthèse, les propres enfants disposent pleinement des meilleurs moyens de contourner la carte scolaire, d’avoir des aides à domicile et du para-scolaire en quantité) s’est déchaîné lorsqu’après l’invention des Bacs professionnels, ils ont arraché au ministère, qui n’en voulait pas à l’origine, la promesse que ce Bac très technique ouvrirait uniformément aux Facs.
Alors, puisque tu aimes les chiffres… Tu sais bien que 50% des étudiants inscrits en Première année ne passent pas en Seconde année. Mais surtout, tu dois savoir que ce chiffre, quand on le scrute en détail, révèle l’échec complet des bonnes intentions pédagogistes. Que si les étudiants issus de S n’échouent qu’à 30%, les L et ES à 50%, les STG et STI sont recalés à 70%, et les Bac-Pro à 95%.

95% ! Pas parce qu’ils sont stupides — aucun groupe n’est stupide dans une telle proportion. Mais parce que leur formation antérieure est notoirement insuffisante — tout simplement parce qu’on a voulu les préparer à des métiers, sans considération d’une formation générale moribonde depuis le CP. Sans se demander s’il était intelligent de former à des métiers qui n’existeraient plus, parfois, trois ans après — de la même manière que l’on n’a aujourd’hui aucune idée des jobs proposés dans la décennie à venir. Que seule une formation très généraliste prépare à l’impondérable — ce qui fait des Classes préparatoires, que tu voudrais supprimer, le modèle de ce qu’il faut faire — partout. Et que le patronat demande à qui veut l’entendre : «Donnez-nous des gens capables de s’exprimer, de dominer une culture, qui connaissent les mathématiques et les sciences et possèdent une ou deux langues étrangères. Pour ce qui est de la formation professionnelle, nous nous en chargerons…» C’était l’antienne de l’université d’été du MEDEF, fin août dernier : j’y étais, et pas un de tes amis, parce qu’ils méprisent complètement le monde de l’entreprise. À croire qu’ils n’ont à cœur que de former des fonctionnaires, à leur image. Ou qu’ils se savent déjà «héritiers», et géniteurs d’héritiers, au plus pur sens bourdieusien du terme — et entendent bien protéger leurs privilèges. Mais, plus globalement, c’est qu’ils ne sont pas dans le réel, mais, comme tu le dis toi-même, dans l’utopie : c’est joli sur le papier, mais ça ne donne pas à manger.

Des détails ? Nous allons crever d’avoir négligé l’apprentissage systématique de la langue française : un tiers d’heures de français en moins, de la maternelle au Bac, grâce à des artifices comptables et à la fameuse «transversalité» inventée conjointement par un énarque soucieux de rogner le budget et des pédagogues qui haïssent l’idée même du savoir. Et plus aucun apprentissage systématique de la grammaire, à tel point que les professeurs de langue s’arrachent les cheveux devant ces enfants incapables d’identifier un verbe dans une phrase. Nous allons crever de ne plus vouloir enseigner les maths — ça s’apprend, ça ne se devine pas, sauf quand on est Pascal. Nous allons crever de laisser passer dans la classe supérieure des gosses désorientés par la classe inférieure : le redoublement est, paraît-il, une violence (3). Mais qu’en est-il de ces malheureux qui se retrouvent cernés par des camarades qui comprennent, pendant qu’eux-mêmes tentent désespérément de s’accrocher ? Qu’en est-il de ces analphabètes qui se traînent jusqu’en Terminale en camouflant, toute leur vie, un handicap que leur a fabriqué une école laxiste ?
Ils brûlent des voitures, en novembre, 2005, et des autobus, avec passagers, en octobre 2006. Toute violence répond à une violence — action, réaction. Alors, bien sûr, violence des ghettos… Et ces ghettos éducatifs, fortifiés encore par une carte scolaire qui ne profite qu’aux riches, n’est-ce pas une forme de violence ?

Un exemple entre mille. On procède chaque année à des évaluations de Sixième. Mais on se garde bien de la faire fin CM2, ça ressemblerait à un examen de passage… Et, quelle horreur, on serait bien obligé de constater qu’on laisse passer 17% de gosses analphabètes : ce sont les chiffres officiels, et crois-moi, j’ai examiné ces «évaluations» à la loupe sur les cinq dernières années ; eh bien, on a modifié, toujours dans le même sens débilitant, les exercices et leur notation, pour tenter de contenir à 17% ce chiffre terrifiant des analphabètes que l’on ne rattrapera jamais. À l’arrivée, 160 000 enfants sortent de ce merveilleux système sans rien — sinon la rage d’avoir été méprisés par ces pédagogues pleins de jolis projets et de belles paroles.

D’ailleurs, ils ne se contentent pas de brûler des voitures : ils brûlent aussi l’école qui ne leur a rien appris. Accessoirement, ils agressent leurs profs à coups de couteaux.
Et ce ne serait rien, si en fait des méthodes mortifères («construire soi-même ses propres savoirs» ! Du néo-platonisme combiné à du néo-rousseauisme ! Qu’en dis-tu, philosophe de formation que tu es ?) n’avaient plébiscité l’expression immédiate, quitte à en faire un droit - article 10 de la loi Jospin de 1989 (4).
Et comment veux-tu qu’ils expriment quelque chose pour laquelle ils n’ont pas les mots ? Comment veux-tu qu’ils construisent une phrase claire, quand on refuse désormais de leur enseigner la syntaxe ? Comment veux-tu qu’ils ne se fassent pas lourder avant même le premier entretien d’embauche, quand leurs dossiers sont cloutés de fautes d’orthographe ?
Et surtout, comment veux-tu qu’ils n’aient pas la tentation de meubler leur tête creuse avec le premier prêt-à-penser qui passe ? Ne pas leur apprendre — quitte à leur apprendre par cœur —, c’est laisser le champ libre à tous les extrémistes.

Et c’est, en définitive, l’accusation la plus grave que je pourrais porter contre la Nouvelle Pédagogie — qui n’a rien de nouveau, au fond, parce qu’elle n’est qu’une réactivation de la vieille tendance à la collaboration. À grands coups de débats, de «discours» réputés tous équivalents, de refus de la hiérarchie dans la pensée, de démissions et de dénis, on a ouvert la porte de ces jeunes cervelles à des idéologies monstrueuses. Le rapport Obin, qui ne remonte qu’à 2004 (et qui vient opportunément de paraître, sous le titre L’Ecole face à l’obscurantisme religieux — avec quelques contributions intéressantes, toutes signées de femmes et d’hommes de la gauche républicaine, quand ce n’est pas d’extrême-gauche) dénonçait déjà la main-mise des extrémistes religieux de toutes farines sur des secteurs entiers de l’éducation.

On n’a pas légiféré en 2004 contre «quelques voiles», comme tu le dis : on a essayé de sauver la République. Mais ce que l’on a fait sortir par la porte — les signes religieux identitaires — est rentré par la fenêtre, parce que personne n’a le courage de s’opposer à des petits ignorants qui croient que le Jihad est un devoir sacré, ou que le 11 septembre est un jour de fête. Ou que la guerre d’Algérie fut menée par les bons (le FLN — voir ce qu’il est devenu, au pouvoir) contre les méchants (les Céfrancs). Et les 200 000 harkis massacrés dans des conditions ignobles par les «résistants» algériens de la onzième heure, ils étaient quoi ? L’Histoire est un produit dangereux à manipuler, et ce n’est pas sans raison que les Britanniques n’incluent pas dans leurs programmes scolaires celle des trente dernières années. Ni toi ni moi n’avons étudié la décolonisation — l’actualité de nos années-lycées —, ni la guerre froide. Cela ne nous a pas empêchés d’avoir sur ces événements des avis parfois fort lucides. Et sais-tu pourquoi ? Parce que nous étudiions alors l’Histoire antique bien plus que l’histoire moderne, et que le vrai apprentissage à la citoyenneté, il se trouve dans les écrits de Démosthène, de Xénophon ou de Cicéron bien plus que dans les articles dans le Monde de Tariq Ramadan (5), ce faux modéré qui prêche une suspension de la lapidation — et se fait applaudir par une gauche transie de culpabilité, alors qu’elle devrait voter son expulsion du territoire.

Si je pense qu’il est aujourd’hui urgent d’aborder ces problèmes, c’est justement pour ne pas les laisser aux mains de ceux qui, à l’extrême-droite, en tireront des thèmes passionnels — c’est-à-dire racistes. Ceux qui, à gauche, ne comprennent pas cette urgence sont objectivement complices d’un retour à la barbarie. On a commencé par ne plus apprendre le français (et il n’y en a qu’un, je te signale — il n’y a pas «diversité de langues» à l’intérieur d’une même culture) à des jeunes déboussolés, on a exalté la langue des cités au lieu d’apprendre celle de la Cité, on a caressé les abominations dans le sens du poil — pour quoi faire ? Pour qu’un jeune Juif se fasse enlever, séquestrer, torturer et finalement assassiner à Bagneux ? Pour qu’une jeune fille se fasse brûler vive ? Pour qu’un mari agresse l’obstétricien qui voulait examiner sa femme sur le point d’accoucher ?
Ce ne sont que des comportements minoritaires ? J’espère bien. Ils ont été produits en une quinzaine d’années de laxisme pédagogique et de démocratie loukoum. Leur nombre augmente chaque année de façon exponentielle. Alors, entendons-nous bien. Je n’en suis pas (pas encore ?) à retenir la leçon d’Oriana Fallaci dans la Rage et l’orgueil ou la Force de la raison. Mais qui ne voit que le manque d’autorité à l’école engendre des renoncements bien plus graves que nos querelles sur la «baisse de niveau» ?

Là est le vrai débat. Il ne s’agit plus de pédagogie, ni de nostalgie — je n’ai jamais pensé être nostalgique des coups de règle sur les doigts, et si j’ai appelé mon blog «bonnet d’âne», c’est par dérision — et auto-dérision (une qualité qui manque cruellement à certains de mes adversaires). Il s’agit de sauver ce qui peut encore l’être.
Et de même qu’Aragon chantait, à propos des exécutions d’Estienne d’Orves et de Gabriel Péri, «celui qui croyait au Ciel et celui qui n’y croyait pas», je rêve de rassembler, en ce combat urgent, celui qui croit en la pédagogie et celui qui croit au Savoir — toi et moi, et, j’espère, quelques autres.
Bien à toi, comme toujours — quoi que tu croies…

Jean-Paul Brighelli


Notes.

1. Tu sais que dans les cinq ans à venir, près de 350 000 enseignants feront valoir leur droit à la retraite. Tu sais aussi que nous n’avons pas les étudiants pour les remplacer — même si nous embauchions tout le monde, ce que j’espère que tu ne souhaites pas. Les CAPES bi-polaires (Robien vient de réinventer l’eau chaude et les PEGC) ne sont pas une réponse. La dilution des savoirs dans la pédagogie, avec des horaires peau de chagrin pour toutes les matières fondamentales (celles-là mêmes qui souffriront les premières grandes saignées, parce qu’elles existaient lors des recrutements massifs des années 60-70) est une option qu’u n prochain gouvernement examinera avec sérénité. Tu sais que «on ne se bat pas dans l’espoir du succès», comme dit Cyrano : à ma fin, c’est la Nouvelle pédagogie qui va triompher — parce qu’il ne restera rien de l’Ecole, ni, d’ailleurs, de la France. Certains des amis de tes amis (voir le «Journal d’école» de Lubin, http://journaldecole.canalblog.com/) s’en féliciteront, qui vouent une commune haine à l’idée de culture et à l’idée de discipline. Je me bats le dos au mur, comme ils se sont battus à Alamo (je n’y suis pour rien si, comme tu le sais, mes références sont héroïques au lieu d’être pédagogiques).

2. Au passage, je me souviens, dans l’un de ces débats, avoir dit à Meirieu que, tout adversaire qu’il fût, je le respectais dans ses convictions, et dans son talent d’orateur — c’est un manipulateur plus habile que moi, tu le sais bien. «Mais, ajoutai-je, n’avez-vous pas un peu honte d’avoir couvert de votre bienveillance, et de l’ample manteau des "sciences de l’éducation", tant de minables sous-diplômés, de Sylvain Grandserre à Pierre Frackowiack en passant par Roland Goigoux ou...» [ici, liste non limitative, que chaccun complètera au gré de ses expériences, de tous ceux qui ont trouvé en IUFM ou en Fac un refuge contre la dure condition de l’enseignant chahuté en collège ou en lycée]. Eh bien, il a souri, cet homme — tant il les connaît bien. Tant, au terme de son ambition, il est sur le point de passer de l’autre côté du miroir, là où l’on peut s’offrir le luxe d’être objectif — et légèrement méprisant.

3. Tu aimes les chiffres : tu sais bien que si l’on a supprimé pour l’essentiel les redoublements (et encore, la France est le pays d’Europe où l’on redouble le plus — c’est de ma faute, sans doute), c’est moins pour des raisons pédagogiques que pour des raisons comptables : un redoublant, cela coûte cher — deux fois le prix d’un élève ordinaire pour un an. Je pourrais affirmer sans trop me forcer que les pédagogues qui justifient désormais les passages systématiques dans la classe supérieure sont objectivement complices de calculs économiques qui arrangent des gouvernements que, souvent, ils récusent. Bel exemple de cohérence. Et d’ailleurs, ces mêmes Diafoirus de l’éducation réclament, sans cesse, plus de crédits — une antienne reprise en chœur par certains syndicats, accord a minima pour éviter de poser de vraies questions. Les budgets du Secondaire sont importants, et le retour sur investissement est, si je puis dire, inconséquent. C’est bien une preuve, parmi d’autres, que ce n’est pas prioritairement au niveau économique que doivent se prendre les futures décisions, mais au niveau des programmes, de la volonté de rétablissement d’un système aujourd’hui moribond.

4. Juillet 89, pour être précis. On fêtait le bicentenaire de la Révolution, et en même temps, on sortait une loi dont les résultats évidents sont la résurrection du servage et l’arrêt définitif de l’ascenseur social — une métaphore creuse peut-être, tout empreinte d’idéologie scolaire, mais qui signifie quelque chose pour ceux qui, comme moi, sont venus de rien. Sans parler des effets plus pervers encore, l’islamisation des collèges et des lycées, bientôt des écoles primaires : des millions de Musulmans qui ne demandaient qu’à vivre tranquilles ont été livrés en otages à quelques poignées de fondamentalistes qui, au nom du droit à l’expression, se sont empressés de bâillonner les autres — les filles, en particulier. Comme quoi une faute (cesser d’enseigner des savoirs sérieux) peut engendrer un crime.

5. Voir sur ce Frère Musulman camouflé l’excellent livre de Caroline Fourest, journaliste à Charlie-hebdo, Frère Tariq (Grasset, 2004). Et la Grande-Bretagne qui lui a si volontiers servi la soupe commence à se poser, par la bouche de Jack Straw ou de Tony Blair, de sérieuses questions sur l’incompatibilité du voile et du plum-pudding. Elle en arrive même à regarder l’exemple français — au moment où ici, des idéologues retardés persistent à lorgner vers l’Angleterre.


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7 novembre 2006

SOS Education en croisade pour le retour à l'école d'antan (Véronique Soulé)

SOS Education est solidaire



L'association ultraconservatrice

s'empare du débat sur les méthodes de lecture.

 

SOS Education en croisade pour le retour

à l'école d'antan

Véronique SOULE

 

«Un inspecteur insulte son ministre et il ne risque rien, pas même un blâme. Roland Goigoux, lui, continue de former des enseignants. La preuve que l'Education nationale ne contrôle plus rien.» Vincent Laarman, porte-parole de SOS Education, est furieux. Gilles de Robien a fait un geste d'apaisement envers Pierre Frackowiak, l'inspecteur hostile à la méthode du B.A.BA pour apprendre la lecture, prônée par le ministre. Le chercheur Roland Goigoux, mis sur la touche pour les mêmes raisons, est de nouveau invité à des séminaires de formation. «Or, ce sont les Français qui, avec leurs impôts, sont leurs employeurs», tempête Vincent Laarman.

«Lupanar». Dans les spacieux locaux neufs du XIIIe arrondissement de Paris, les huit permanents de SOS Education trient les courriels, rangent les lettres reçues de toute la France, en préparent d'autres à envoyer. L'association, adepte du B.A.BA, a lancé une campagne pour contrôler si les nouveaux textes, mettant l'accent sur le déchiffrage, sont respectés. «Nous avons reçu près de 5 000 mails de parents inquiets devant la méthode de lecture de leur enfant, nos deux lignes n'ont cessé de sonner pendant dix jours», assure Vincent Laarman. Il nie que l'association ait recours à la délation, ce dont l'accusent les syndicats d'enseignants et de parents d'élèves. Pourtant l'encart, paru dans des éditions locales de Sud Ouest, de la Montagne et de la Dépêche du Midi, y ressemble fort : «Si votre enfant est en CP, il a plus de neuf chances sur dix d'être en train d'apprendre à lire avec la méthode semi-globale. Pour réagir, vérifiez le nom du manuel de votre enfant et appelez vite SOS Education.» «Nous voulions contribuer à informer le ministre», se défend Vincent Laarman, 30 ans et père de quatre enfants, dont l'un aurait eu des difficultés liées à la méthode globale. «Heureusement, il a pu changer d'école et de méthode, tout va bien maintenant.»

Créée en novembre 2001, SOS Education fait partie des groupes de pression apparus ces dernières années dénonçant l'effondrement du système scolaire et prônant le retour aux vieilles recettes. Ses chevaux de bataille favoris : la baisse de niveau, l'omnipotence des syndicats et des «pédagogistes», la dépravation morale. En 2005, l'association s'est insurgée contre un sujet du bac sur l'IVG. Cette année, elle a soutenu le député (UMP) Eric Raoult dénonçant les tenues indécentes des élèves. «L'école risque de devenir un lupanar géant», avertit la secrétaire générale, Isabelle Hannart, soeur de Laarman. «C'est catastrophique dans toutes les matières, français, maths, histoire... En biologie, les enfants font de la génétique mais ils ne reconnaissent plus les fleurs», affirme le porte-parole. Diplômé de Sup de Co Paris où il avait rejoint le groupe des étudiants chrétiens, il était, dit-il, très faible en histoire. Jusqu'à ce qu'il découvre d'anciens manuels avec des chronologies : «On manque désormais de culture de base.»

Mailings. Campagnes contre des ouvrages, pétitions, référendums avec en bas un appel au don... Peu présent dans les écoles, SOS Education agit essentiellement par mailings. Comme la loi l'autorise, elle a acheté des fichiers, notamment sur le site «personnes-aisées». «Nous avons besoin d'adresses de femmes de 60 ans et plus, grands-mères, ayant au moins deux petits-enfants toujours scolarisés et donatrices à une cause enfant», y écrit Vincent Laarman. L'association, qui revendique 64 000 adhérents, affirme être financée par les cotisations (15 à 20 euros en moyenne) et les donations. Elle refuse de dévoiler son budget «tant que la presse ne publiera pas celui des syndicats subventionnés par l'Etat».

Dans le concert des «déclinistes», SOS Education est à part. Elle ne compte pas de personnalités dans ses rangs et cherche désespérément des alliés. «On adore ce que dit Laurent Lafforgue [mathématicien qui dénonce aussi le niveau actuel, ndlr] mais il ne nous a pas rejoints», regrette Vincent Laarman. Le 24 octobre, Sauver les lettres, Sauver les maths et Reconstruire l'école ont publié une lettre au vitriol, qualifiant SOS Education de «groupuscule malfaisant». Car, au-delà de constats communs, leurs buts divergent radicalement. Dans la tradition laïque et républicaine, les trois associations réclament une école plus performante. SOS Education vise son affaiblissement, voire sa disparition. Le 17 septembre 2005, devant le Cercle Frédéric-Bastiat qui se veut un haut lieu de la pensée, Vincent Laarman annonçait la couleur : il n'y a d'espoir que «si l'Education nationale se trouve menacée dans sa survie par la concurrence d'un grand secteur éducatif libre». Et de citer les Etats-Unis en exemple.

«Rôle positif». Anti-Etat et anti-service public, ultraconservateur sur le plan des valeurs, SOS Education fait partie d'une mouvance autour de Liberté chérie, une association qui juge les Français «oppressés par un Etat surdimensionné et une réglementation excessive». Elle s'était fait connaître en appelant à une manifestation contre le mouvement sur la réforme des retraites qui avait rassemblé, le 15 juin 2003, 40 000 personnes à Paris. Parmi ses partenaires, Liberté Chérie cite aussi les Cercles libéraux, Sauvegarde Retraite et Contribuables associés dont François Laarman, l'oncle de Vincent, fut un animateur. Il est aujourd'hui secrétaire général de Nos petits frères et soeurs, une ONG catholique américaine recueillant des orphelins d'Amérique latine.

Les politiques ne s'affichent guère avec une association dont l'idéologie, à la droite de la droite, renvoie aux néoconservateurs américains. SOS Education a toutefois réussi à être reçu deux fois au ministère de l'Education, par un conseiller. Sur des actions ponctuelles, des députés l'appuient ­ Alain Gest (Somme) et trois autres UMP des Alpes-Maritimes, Jérôme Rivière, Michèle Tabarot et Lionnel Luca, ardent défenseur de la loi sur «le rôle positif» de la colonisation. L'association se réfère volontiers au philosophe Philippe Nemo, que Vincent Laarman a eu comme prof à Sup de Co. «Paris étant occupé par les socialistes de droite et de gauche, la liberté viendra de la société civile et de la province», prédisait ce dernier devant le cercle Bastiat.

Véronique Soulé
Libération : lundi 6 novembre 2006

 

Qui sommes-nous ?
SOS Éducation

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26 octobre 2006

Ces rebelles à l'assaut de la forteresse éducation




Ces rebelles


à l'assaut de la forteresse éducation

Marie-Estelle PECH


 

Le Figaro, 20 octobre 2006

Depuis deux ou trois ans, grâce à leur militantisme acharné et leur présence grandissante dans les médias, des associations pèsent de plus en plus lourd dans le débat éducatif.

SOS ÉDUCATION, Sauver les lettres, Sauver les maths, Laurent Lafforgue, Jean-Claude Brighelli, Marc Le Bris ou Rachel Boutonnet.... Depuis deux ou trois ans, des collectifs et des personnalités s'invitent dans le débat politique sur l'éducation, rompant le tête-à-tête entre ministre et syndicats. Tous ne défendent pas les mêmes thèses et ne proposent pas les mêmes solutions mais ils se retrouvent sur l'essentiel : un constat catastrophique sur l'état de l'enseignement en France.

À l'image de Fanny Capel, jeune agrégée et membre de Sauver les lettres, une association d'environ 400 professeurs, tous dénoncent l'impact de «certains dogmes pédagogiques» sur la formation des maîtres. «Des dogmes aussi absurdes que dangereux qui empêchent les professeurs d'exercer leur métier librement, dit-elle, et qui interdisent aux élèves d'apprendre quoi que ce soit de manière solide.»

De même, tous déplorent le «piètre niveau» auquel sont amenés les bacheliers, responsable de l'échec de 40 % d'entre eux en premier cycle universitaire. Sauver les lettres, comme SOS Éducation, stigmatisent un « égalitarisme forcené » qui, sous prétexte d'offrir à tous une «prétendue réussite», a nivelé les diplômes par le bas, banni les redoublements, uniformisé le cursus de tous élèves, et induit une «hétérogénéité ingérable» des classes.

Ils sont aussi d'accord pour réclamer un «retour aux fondamentaux», chers à l'actuel ministre de l'Éducation nationale, notamment à l'école primaire. Laurent Lafforgue en est un fervent défenseur. Ce mathématicien de renom, lauréat de la médaille Fields, s'est fait connaître du grand public l'an dernier, après avoir comparé les « experts et syndicats de l'éducation nationale » à des «khmers rouges» ! Un affront qui lui a valu d'être écarté du Haut Conseil de l'éducation, chargé de réformer les programmes. Pour lui, le système éducatif public est en voie de «destruction totale» à cause de politiques imposées par «l'ensemble de la Nomenklatura de l'Éducation nationale».

 

Les pédagogues au banc des accusés
Signataire d'un récent appel pour «la refondation de l'école» aux côtés de Rachel Boutonnet, l'institutrice qui prône le retour de la méthode syllabique dans des essais à succès, et de Jean-Claude Brighelli, Lafforgue court aujourd'hui les colloques sur l'éducation. Récemment, lors d'une réunion organisée par l'association Famille, école, éducation, il s'est employé à dénoncer la déstructuration des enseignements à l'école primaire et ses répercussions dans le secondaire et le supérieur. Pour le mathématicien, «on peut résumer une bonne partie des maux actuels en disant qu'on a voulu proscrire tout enseignement explicite, qualifié de dogmatique, et le remplacer par un esprit qui se prétend d'expérimentation et de découverte personnelle ». Ainsi, «là où les anciens programmes du primaire demandaient d'apprendre des conjugaisons, les nouveaux invitent à observer les variations de la forme verbale...» Les pédagogues, toujours et encore, au banc des accusés.
Sur les solutions, l'unanimité vole en éclat. SOS Éducation «apprécie» Sauver les lettres, mais cette dernière ne le lui rend pas. Elle souhaite se démarquer de «présupposés idéologiques» qui ne sont pas les siens.

Sauver les lettres croit en une école républicaine forte, capable de transmettre à tous les élèves qui lui sont confiés, «quelles que soient leurs origines sociale, confessionnelle, culturelle, un patrimoine commun de connaissances à la portée universelle, véritable ciment de la Nation». Les militants de SOS Éducation seraient, pour Fanny Capel, des ultralibéraux qui veulent étendre «abusivement à tous les domaines de l'activité humaine le concept d'ailleurs dévoyé de liberté...»

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24 octobre 2006

Réponse au SGEN (Michel Renard)


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Réponse au SGEN

Michel RENARD


* en réaction à la tribune libre publiée dans Libération, le 23 octobre 2006

Le SGEN se réveille quand un ministre s'en prend aux idéologies que ce syndicat n'a cessé de soutenir au mépris des constats sans cesse plus accablants sur la faillite actuelle de l'école. Mais que n'a-t-il protesté contre la "mise au pas" ou la "conformation" quand les ministres successifs, de droite comme de gauche (à l'exception de J.-P. Chevènement), ont fait droit aux inepties du lobby pédagogiste et des prétendues "sciences de l'éducation"…?

Jean-Luc Villeneuve reproche au ministre d'ignorer les "travaux des chercheurs". Mais quels travaux de "chercheurs" sont-ils capables d'expliquer comment on réussissait à apprendre à lire aux enfants des milieux populaires, ouvriers et paysans, concentrés dans des classes de 40 élèves, jusque dans les années 1960-70, alors qu'aujourd'hui on prétexte fallacieusement de "réalités socio-économiques, (de) difficultés culturelles, sociales, territoriales" pour tenter de justifier l'échec de la "pédagogie moderne"…?

Quant à "l'universitaire Roland Goigoux, spécialiste réputé de la lecture", on aimerait bien savoir d'où lui vient cette "réputation". En tout cas certainement pas de son affirmation absolument stupéfiante selon laquelle à l'entrée en 6e, les deux tiers des élèves sont «d'excellents lecteurs», capables de discerner l'implicite d'un texte...! (Libération, 2 septembre 2005).

Enfin, selon M. Villeneuve, "les syndicats sont aussi des porte-parole de la profession". Ah bon… Il faut alors nous dire au terme de quelle procédure, de quelle légitimité, le SGEN pourrait-il prétendre à un tel privilège. En matière de "pédagogie" et de méthodes d'apprentissage, les syndicats n'ont jamais procédé au moindre débat avec les instituteurs et professeurs et ils n'hésitent pas à jeter "l'opprobre" sur les enseignants qui réclament une école de la transmission des savoirs libérée de l'inquisition pédagogiste.

Michel Renard, professeur d'histoire (Loire)

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Le ministre formate l'enseignement et discrédite la profession.
Mais que veut Gilles de Robien ?
Par Jean-Luc VILLENEUVE

QUOTIDIEN : Lundi 23 octobre 2006 - 06:00
Jean-Luc VILLENEUVE secrétaire général de la fédération SGEN-CFDT.

imagesDepuis quelques années, nous savions que la mise en avant de la mythique école des années 50, cette nostalgie du «bon vieil âge d'or», cachait mal en fait la mise en place d'une politique réactionnaire en matière d'éducation. Pour donner le sentiment que l'on s'efforce de régler des difficultés, il est tellement plus confortable, au plan politique s'entend, de brandir le rétroviseur.
Aujourd'hui, un degré supérieur est atteint. Nous affirmons que le ministre de l'Education nationale, Gilles de Robien, contribue à mettre en place un climat délétère, où la mise au pas, la «conformation», deviennent valeurs, vertus.
Ainsi notre ministre poursuit avec une rare obstination sa croisade sur l'apprentissage de la lecture par la seule méthode syllabique. Il tranche de manière péremptoire en ignorant les travaux des chercheurs ou l'expérience des enseignants. Au passage, il dénonce les organisations syndicales, qui seraient les seules à le combattre ! Faut-il rappeler que les syndicats sont aussi des porte-parole de la profession ? Voudrait-on pratiquer le «dialogue social» sans partenaires ? Il est vrai que ce serait plus confortable...
Mais il y a plus grave. Gilles de Robien continue de laisser croire à l'opinion publique que les méthodes «actuelles» – comprenez la méthode globale, qui n'est absolument pas utilisée –, et donc les enseignants, sont responsables de l'échec des 15 à 20 % des élèves qui ne maîtrisent pas réellement les apprentissages fondamentaux à l'entrée en sixième. Ainsi ignore-t-il totalement les réalités socio-économiques, les difficultés culturelles, sociales, territoriales, vécues par un grand nombre de ces élèves. Au fait, quelles sont les méthodes, et donc les enseignants, responsables de la réussite des 80 à 85 % des autres élèves ?
Alors que l'école a avant tout besoin de sérénité, le ministre entretient le trouble dans l'opinion, auprès des parents, stigmatise la profession, organise une sorte de «chasse aux sorcières». C'est l'universitaire Roland Goigoux, spécialiste réputé de la lecture, à qui on retire sa fonction de formateur de l'Ecole supérieur de l'Education nationale. C'est une procédure disciplinaire engagée contre un inspecteur de l'Education nationale qui aurait affiché ses doutes sur la méthode préconisée. C'est la mission expresse demandée à l'Inspection générale sur les méthodes pratiquées dans les écoles...
Pour Gilles de Robien, tous les enseignants doivent marcher du même pas, toute «liberté pédagogique» est à proscrire. Il ignore que, par définition, l'enseignant est amené à adapter sa pédagogie – ou sa méthode, si le mot fait peur à certains – aux besoins de telle ou telle classe, de tel ou tel élève, le but étant bien d'amener les élèves à la réussite, dans le respect des programmes bien entendu. Est-ce au gouvernement d'expliquer à un garagiste comment changer un démarreur ou à un médecin comment ausculter ? Y a-t-il beaucoup de professions autant «contrôlées» dans leur pratique même que celle de l'enseignement ?
Dans un tel climat d'ordre moral ambiant, de formatage, il n'est pas étonnant qu'une association se paie des encarts publicitaires pour appeler les parents à dénoncer les écoles qui utiliseraient les manuels scolaires s'appuyant sur la méthode semi-globale. Le ministre peut-il accepter que l'école dont il a la charge soit victime d'un tel appel, qui s'apparente à une délation ?
Mais, au fait, que recherche le ministre? Veut-il pousser les parents à douter de l'école publique ? Veut-il mettre les enseignants non formatés sous le joug de l'opprobre parental? Veut-il contribuer à l'extension d'«officines cours de rattrapage» en tous genres ? Veut-il masquer d'une manière ou d'une autre la pénurie des moyens dans le cadre du budget 2007 ? Mais que veut-il enfin ?
Une chose est certaine, l'ensemble de la communauté éducative n'acceptera pas cette forme de caporalisation. Notre école, les jeunes, les personnels, méritent beaucoup mieux.

Jean-Luc Villeneuve
JLV

16 octobre 2006

le libéralisme et le pédagogisme sont la méthadone des crétins


 

Le pédagogisme, instrument de

destruction

de l'Ecole publique et cheval de Troie

de la marchandisation de l'école

 

Si la religion a été l'opium du Peuple, si le marxisme

a été "l'opium des intellectuels" (Aron), alors

le libéralisme et le pédagogisme sont la méthadone

des crétins

Rodolphe DUMOUCH

 

 

Le pédagogisme et les pseudosciences de l'éducation

Le courant pédagogique en France date des travaux pionniers de Langevin et Wallon. Paul Langevin fut savant atomiste et enseignant génial. Il passait de son laboratoire à des classes de collège et y a mis au point, notamment, un célèbre modèle pour expliquer la structure des gaz.

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Paul Langevin, 1872-1946


C'était précisément parce que Paul Langevin était physicien de haut niveau qu'il innova sur la manière d'enseigner la physique. C'est la maîtrise d'une discipline scientifique qui légitime une réflexion sur l'enseignement de cette discipline ; une réflexion en ce domaine qui serait menée par un ignorant en physiques n'aurait aucune légitimité.

Malheureusement, de nos jours, nous en sommes arrivés là. Un certain nombre de charlatans se prétendent spécialistes de l'éducation, alors qu'ils ne maîtrisent que médiocrement voire pas du tout les matières enseignées aux élèves. Ils se prétendent "experts" et veulent régenter le travail des maîtres dans leurs classes, en renforçant la bureaucratie et le pouvoir hiérarchique. Voilà environ trois décennies que le pouvoir a été pris à l'Education Nationale par cette caste d'idéologues qui prônent le "renouvellement" des méthodes d'enseignement, usurpant l'héritage de Paul Langevin. Ils ont réussi à institutionnaliser, à l'Université, une pseudoscience, les "sciences de l'éducation", dénoncée ici par l'Union Rationaliste qui fut l'association crée par...  Paul Langevin !

Ces gens ne condescendent plus dans les classes depuis longtemps, mais veulent apprendre aux autres à enseigner ce qu'ils ne savent pas eux-mêmes. Ils ont fait main basse sur la formation des jeunes enseignants, avec les IUFM, créés par Jospin en 1989. Les "sciences" de l'éducation jargonnent à outrance, abusent de concepts abscons, de manière à couvrir sous de la pédanterie grotesque l'ignorance de ses zélateurs, en général cooptés sur "travaux universitaires" (c'est-à-dire sans thèse) ou sur la base de thèses bidons sur le langage SMS. C'est la caricature de la pseudoscience.

En voici un extrait : "Le LNR Group (Linsay,Norman, Rumelhart et al) propose de formaliser les productions des élèves sous forme de schémata, lesquels utilisent un codage logico-linguistique pour en représenter graphiquement la structure sous forme de noeuds et de relations étiquetées. La prise de conscience de ces schématas et le travail didactique à leur propos peuvent être un moyen de favoriser leur évolution.

L'idée de conflit sociocognitif, enfin, conduit à la construction de dispositifs qui font entrer en compétition différents schèmes de pensée coprésents à l'intérieur de la classe, une forme d'apprentissage mutuel pouvant s'opérer si l'enseignant a bien construit la situation.

Cet aspect constructiviste et heuristique des apprentissages scientifiques - quelles q'en soient les modalités - ne doit pas masquer la nécessité complémentaire d'une structuration permettant aux élèves l'accès à un savoir socialisé. Celui ci ne saurait être imposé efficacement mais résulte plutôt d'un effort d'organisation et de reprise d'acquis partiels, grâce à des moyens didactiques aussi variés que des contraintes rédactionnelles et graphiques, les démarches de modélisation et les efforts de métacognition
"

La didactique des sciences, JP Astolfi et Michel Develay, Que-sais-je, Paris, PUF, 1989.


Ces "pédagogues", que nous appellerons pédagogistes - de la même manière que l'on distingue écologue et écologiste -  ont imposé des méthodes qui ont abouti à des résultats catastrophiques, notamment les sinistres 20% d'illettrés à l'entrée en 6ème.

Agrandir la jaquette de Lettre ouverte aux futurs illettrés



Une curieuse parenté avec l'obsession contemporaine de la "communication", de la "DRH" et du "managing"

Voilà qui évoque ce qui se développe actuellement dans certaines grosses entreprises. On y voit de plus en plus des brochettes de chefs, de sous-chefs et de sur-chefs qui viennent apprendre au mécanicien, au manutentionnaire, à l'électricien ou au maçon sur son échafaudage, comment procéder alors qu'ils n'ont jamais mis la main dans un moteur, n'ont jamais conduit un chariot élévateur, ne sont jamais montés sur un échafaudage. On le voit aussi parmi nos chers ministres, l'un passant à la Santé sans même savoir ce qu'il y a dans un vaccin, l'autre passant des Transports à l'Education sans jamais avoir conduit un camion ni tenu une classe, un troisième à l'agriculture sans avoir jamais tâté une vache de sa vie. Le pompon, ce fut Léotard, Ministre des Armées, réformé P4.art308_1

Nous assistons donc à l'émergence d'une société fondée sur l'ignorance et l'incompétence : Philippe Meirieu, le gourou du pédagogisme, à l'IUFM de Lyon, affirme sans rougir, dans la même gamme, que les anciens bons élèves font de mauvais enseignants. À noter que Philippe Meirieu, d'ailleurs, se garde bien de servir sa sauce à ses propres enfants, qui ont tous été inscrits dans le privé.

Mais le parallèle entre le pédagogisme et le "management" ne s'arrête pas là :

- La "DRH" fonctionne par objectif, la pédagogie officielle des IUFM bourre le crâne des jeunes enseignants avec la "pédagogie par objectifs". La DRH fait des bilans de "compétences", les pédagogistes abusent de grilles de compétences "formatives" et "sommatives" ; ils en sont obnubilés à tel point qu'il devient honteux de penser que l'école est là pour donner des connaissances aux élèves. D'une manière générale, le verbiage des pseudosciences de l'éducation sont  à mettre en rapport avec le jargon du "management", de la "gestion", de la "communication", auxquelles se forment une armée de bureaucrates et de financiers dans le secteur privé. Cela commence à infecter l'Education Nationale, où l'on vient d'ailleurs de créer une "DRH".

- Une revue porte à son acmé la preuve de cette collusion lamentable : Education & management, présentée ici, sans honte ni pudeur, sur le site du CRDP de Créteil, en y exposant un "esprit d'entreprise" qui n'est pas celui des PME , quiconque y a mis les pieds s'en convaincra.

- La désaffection des jeunes pour les formations scientifiques et l'inflation des formations économiques en est le corollaire direct : nous sommes dans une société qui privilégie la distribution sur la production, le "marketing" et la "communication" à la conception d'un objet ; le paysan qui s'échine dans son champ - parfois la nuit - est moins bien rémunéré que le petit caporal de centre commercial ; les fruits sont revendus au consommateur 10 fois plus chers que le prix imposé au producteur ; le chirurgien, même, est moins bien rémunéré qu'un directeur d'hôpital chargé de gratter la paperasse. Bref tout le monde veut être "chef", éventuellement jouir de son pouvoir de nuisance, mais plus personne ne veut faire l'effort de maîtriser de vraies connaissances.

1984, 1955, paperback

La preuve est ainsi faite de la collaboration des anciens gauchistes chevelus crasseux et ignares avec le néolibéralisme. Les nouvelles modes pédagogistes, avec la multiplication des activités presse-bouton, où le prof "reste au comptoir", introduisent à l'école toutes sortes d'intérêts privés, ouvrent un espace considérable aux marchands de logiciels, sur le dos du contribuable. Si la religion a été l'opium du Peuple, si le marxisme a été l'"opium des intellectuels" (Aron), il ne fait aucun doute que le libéralisme et le pédagogisme sont la méthadone des crétins, et que des dealers en font leur beurre.

Cette convergence du pédagogisme avec la "gestion" et le "management" se rencontre aussi dans la sphère des pouvoirs, et elle est extrêmement dangereuse pour l'Ecole de la République : les zélateurs des pseudosciences de l'éducation pondent des propositions qui visent toujours à rabaisser le niveau (socle commun du rapport Thélot), à embrigader les professeurs dans des réunionites, à instaurer le contrôle social et à transformer les professeurs en subalternes exécutants (augmentation du temps de présence des professeurs dans les établissements, suggérée par Claude Thélot, création d'une hiérarchie intermédiaire de fonctionnaires inutiles entre le recteur et le proviseur, entre le proviseur et les profs, mise en place déjà de façon rampante). Propositions reprises par le programme de Ségolène Royal - celle qui voit dans chaque enseignant un pédophile en puissance et qui avait déjà transformé l'instituteur en flic pour le contrôle des papiers des chauffeurs de car lors des sorties scolaires.

Nous sommes donc là face à l'un des plus gros scandales de ce siècle, une entreprise de destruction de l'école et de décérébration de la jeunesse, dénoncée dans La fabrique du Crétin par le normalien agrégé de Lettres Jean-Paul Brighelli, par le mathématicien (normalien aussi, et médaille Fields 1992) Laurent Lafforgue. On veut crétiniser la jeunesse pour lui ôter les outils intellectuels de la révolte, en faire des consommateurs dociles et des employés baladés d'emplois précaires en emplois précaires, acceptant leur condition.

calendrier 2005 en vue - 108 ko
trouvé sur un site de la "pédagogie Freinet"...!



La défense des pédagogistes : des amalgames honteux. Non, nous ne donnons pas de coups de règles sur les doigts

Les pédagogistes parlent de "conservatisme" et de "corporatisme" des enseignants, de leur refus de toute "réforme" quand ils refusent leurs méthodes de crétinisation des élèves : on reconnaît là encore la parenté avec la phraséologie ultralibérale. Le texte d'un des inspecteurs les plus doctrinaires, Frackowiak, qui sévit à l'Académie de Lille, La liberté pédagogique des enseignants, alibi des conservateurs, obstacle à la construction de l'Ecole du 21ème siècle, illustre cette dérive qui vise à dépouiller les professeurs de leur latitude à décider eux-mêmes de leurs choix pédagogiques - comme on a dépouillé les médecins et les vétérinaires de leurs prérogatives en matière de prescription et de mise au point d'extemporanés ; le monde de l'enseignement n'est donc pas le seul en cause : nous assistons à une une mise au pas, à une subalternisation et à une déresponsabilisation de nombreux métiers.

Les pédagogistes sont donc l'équivalent de ces vétérinaires administratifs qui n'ont pas touché une vache depuis 30 ans et ordonnent l'abattage de troupeaux entiers pour un cas bénin de fièvre aphteuse.

Pour décrédibiliser ceux qui leur résistent, ils ne reculent devant aucun mensonge, aucune falsification. Il font par exemple un amalgame honteux entre le professeur qui refuse leur diktat et les vieilles barbes qui donnent des coups de règle sur les doigts. Brefs nous serions des vieux cons, comme le prouvent d'ailleurs mes relations avec mes anciens élèves ou avec les terminales ( LOL) :

 



Rodolphe Dumouch (à g.) et d'anciens élèves d'une classe de Terminale


 

Le pédagogisme, générateur d'autoritarisme, de conformisme et d'obséquiosité

Nous vivons dans une époque caractérisée par le retour de l’autoritarisme et du conformisme. Le pédagogisme a prétendu – dans la filiation des 68tards – former des enseignants plein d’imagination, rompant avec le modèle autoritariste des vieux enseignants.

Il faut dire que les résultats sont loin d’être de la fête, aujourd’hui. On sait ce que sont devenus les anciens 68tards, comme par exemple l' ancien maoïste Denis Kessler, aujourd'hui vice-président du MEDEF et gérant l'une des pires assurances, AXA, où il s'est illustré par des ruptures de contrat "non rentables" dont ont été victimes des handicapés.

Dans le monde de l'enseignement, il y a les vieux pédagols, on en a déjà parlé, mais aussi les nouvelles recrues - constat évident dans nos établissements à la faveur du remplacement de vieux profs qui partent massivement en retraite -  qui  font  souvent preuve d’un autoritarisme et d’un arbitraire impressionnant ; à 24 ans, beaucoup ont déjà l’air de vieillards, imposent des règles et des sanctions sans état d’âme, radotent leurs cours et font faire des «activités» aux élèves parce qu’ils doivent en faire. Cette dégradation tient à plusieurs facteurs :

- La baisse du niveau scientifique du recrutement et la décérébration à l’IUFM- surtout dans les disciplines littéraires -  induisent une baisse d’enthousiasme dans la transmission des savoirs ;

- Les nouveaux enseignants se perçoivent de plus en plus comme des subalternes exécutants, pas comme des cadres et des concepteurs.

- Ils ne consacrent plus leur temps libre professionnel à actualiser leurs connaissances, à se former, à lire ; les scientifiques n’arpentent les campagnes et les forêts pour faire de la botanique ou de l’entomologie ; les littéraires lisent beaucoup moins.

Certains même s’ennuient pendant leurs vacances. Ils se vantent d’en avoir de trop, et passent alors aux yeux de l’opinion vulgaire pour des profs qui en veulent, qui ne sont par «arc-boutés sur leurs privilèges», alors que précisément ce sont eux les fumistes : un bon prof a toujours du mal à boucler son programme de lecture ou de travaux de terrain estivaux.

J’ai entendu même de la bouche d’une de ces recrues, dans un stage académique «moi, quand je suis en vacances, je ne me fais pas chier avec la SVT» ! Publications, lectures, excursions de terrain ne sont donc plus perçues comme des activités professionnelles, entretenant un niveau et une passion, mais comme des loisirs. Les gestionnaires étriqués – à la lecture de ce texte – hurleraient précisément que je confonds là «loisirs et travail». la libéralisation et la bureaucratisation du métier sont en marche.

- La mentalité mercantile ambiante les invite à en faire le minimum ; ils rentabilisent leur temps de travail ; temps de travail minimal pour salaire maximal. Ils ne font plus leur métier par passion, ils ne font rien gratuitement. Tout ce qui n’est pas imposé par un chef, un DRH ou un «supérieur» hiérarchique ne fait pour eux pas partie du métier. Ainsi, une «réforme» de leur statut, où toute activité professionnelle serait pointée, surveillée, contrôlée devient un mode acceptable de fonctionnement. Ils ont intériorisé comme norme que les gens ne travaillent que forcés par un chef, sous surveillance (le bâton) ou avec des primes (la carotte). Le sens du service public non seulement n'existe plus, mais il devient à leurs yeux  une valeur absurde au regard de telles normes, qui sont des normes ultralibérales, évidemment.

- Le corollaire de tout cela est un désintérêt de ces nouveaux profs pour leur discipline mais aussi pour les élèves. Pour avoir la paix, ils collent, ils sanctionnent, ils mettent des 0, envoient promener les élèves. L’autoritarisme de niveau adjudant remplace l’autorité fondée sur l’ampleur du savoir des maîtres et sur la clarté de leurs démonstrations.


Fahrenheit 451 - F. Truffaut - 1966
Farenheit 451, "Dans un Etat totalitaire
d’un futur indéterminé, les livres, considérés
comme un fléau pour l’humanité, sont interdits et brûlés"


L'idéologie pédagogiste ne subit pas une dérive autoritaire : elle est devenue intrinsèquement autoritaire

Et ce non seulement au regard des pressions que subissent instituteurs et professeurs récalcitrants aux injonctions des Diafoirus des "sciences" de l'éducation. Elle l'est dangereusement pour les élèves.

Nos vieux profs étaient parfois autoritaires, pour maintenir le calme dans la classe et obtenir des conditions nécessaires à une bonne transmission des savoirs. Leur autoritarisme - et on peut le critiquer - était un autoritarisme pragmatique.

Les pédagogistes, eux, ont longtemps été antiautoritaires, appuyant cette posture d'une pléthore de psychologues larmoyants. L'échec de leurs théories les a alors amener à réviser leur position et à théoriser, à idéologiser l'autorité. Nous sommes donc loin du vieux prof un peu bourru à qui finalement nous pardonnons en nous apercevant qu'il nous a tant appris.

Pour les "spécialistes" de l'éducation, ex-freudo-doltoïstes pleurnichant, l'autorité "rassurerait" les jeunes ; un manque d'autorité provoquerait des angoisses, le jeune doit se confronter à l'adulte et à son autorité pour se "construire" ; ils n'hésitent pas à dire - comme le soi-disant "psy des ados" Tony Anatrella, intégriste catholique et violemment antirépublicain que la manque d'autorité est la principale cause de suicide chez les jeunes. On rejoint tout simplement, sous forme feutrée, les théories des précepteurs de Louis XIII qui affirmaient que le fouetter quotidiennement lui enlevait des angoisses et était indispensable à son éducation.

Il ne s'agit donc plus d'autorité pour obtenir calme dans la classe et travailler, mais bien d'une idéologie profondément réactionnaire. C'est la police dans les têtes, alors qu'avant elle n'était qu'un instrument extérieur aux individus pour maintenir le calme.

 

Un nouvel obscurantisme est en marche.

J'ai évoqué plus haut Tony Anatrella, le "psy" des "ados".

anatrella_couvEh bien restez bien assis, les psychopédagogues de l'IUFM se réfèrent à Tony Anatrella ; ils me regardaient avec étonnement quand je leur faisais remarquer que c'était un conservateur. Dans tous ces milieux, il passe pour un spécialiste des ados. Ils ont lu son "Non à la société dépressive" sans même voir qu'il y accuse Voltaire d'avoir engendré Hitler, qu'il prône le retour à un holisme où l'individu n'est plus maître de sa vie, de son corps, où les institutions et les pouvoirs transcendent l'individu. Voilà donc où sont nos anciens gauchistes, nos pédagogues et leur imagination au pouvoir.

Cette anecdote traduit la gravité et révèle la vraie nature du pédagogisme : un nouvel obscurantisme, allié implicitement au néolibéralisme et au conservatisme.

Les pédagogistes ont sévi 20 ans plus tôt aux Etats-Unis que chez nous ; on en voit aujourd'hui le résultat, en terme électoral au premier chef, mais aussi à l'échelle d'une société de plus en plus obscurantiste, superstitieuse, conservatrice, détruisant son système social. Voilà ce qui attend la France dans 20 ans si nous ne balayons pas les pédagogistes d'urgence.

Rodolphe Dumouch

des liens

Reconstruire l'Ecole (et aussi ici)
Sauver les Lettres
Recuerdo

La Société des Agrégés de l'Université


site de Rodolphe Dumouch


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21 septembre 2006

École : cessons de nous taire ! (Jacques Julliard)

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Jacques Julliard

  

École : cessons de nous taire !

Jacques JULLIARD

 

Il est étonnant que le palmarès des collèges et lycées les plus violents, publié la semaine dernière par Le Point, ait été vécu par les intéressés comme une mise au pilori. Quiconque a fréquenté une salle des professeurs sait que chacun met un point d'honneur à se déclarer personnellement à l'abri des chahuts, "incivilités" et violences qui émaillent désormais la vie des établissements. Il en est de même dans lesviolences_banlieue communes, quartiers, immeubles où survient un incident grave, crime, agression, viol, racket, séquestration, etc. : il s'agit chaque fois, au dire des responsables, d'un fait "exceptionnel", dans un lieu "sans histoires".

Au-delà de la mauvaise publicité, de la mauvaise réputation engendrée par l'événement, il n'est jamais agréable de se reconnaître impuissant face aux attaques dont on est l'objet. À plus forte raison chez "l'enseignant" à qui l'État, la société, l'inspection générale ne se lassent pas de répéter qu'il est aussi un "éducateur" et qu'il sera jugé sur son "autorité". Au passage, on se demande bien d'où il pourrait tirer cette dernière, dès lors qu'il est désormais censé partager le savoir avec ses élèves, qu'il ne dispose d'aucun moyen de sanction et qu'un mot vif, une punition symbolique, voire une baffe échappée à un moment d'exaspération sont considérés par les parents, leurs avocats, la société tout entière comme une nouvelle affaire Dreyfus.

Il existe désormais, à l'américaine, une bigoterie à l'égard de l'enfance qui témoigne moins du respect que l'on porte à celle-ci que d'une dilatation sans cesse croissante de l'ego de l'adulte plaignant. Conséquence : il faut se taire ! Il ne faut surtout pas dire ce qui se passe à l'intérieur !

C'est fou, le nombre de choses qu'il convient de cacher dans nos sociétés de transparence : les origines géographiques, ethniques, religieuses des citoyens et bientôt, paraît-il, l'identité des demandeurs d'emploi. Il ne sera un jour plus permis de demander à quelqu'un la mention de son sexe, sans passer pour pratiquer la discrimination. Qui ne voit que le pieux voile d'ignorance que l'on voudrait jeter sur toute relation sociale va à l'encontre du but que l'on se propose ? Lutter contre la discrimination, ce n'est pas nier qu'il puisse y avoir des Noirs, des Arabes, des femmes même, c'est imposer au contraire le droit à être noir, arabe ou femme. Au nom des droits de l'homme, on est en train de fabriquer une société orwellienne, cambodgienne, où il n'y aura plus d'individus, seulement des membres anonymes de l'espèce. Beau résultat !

C'est pourquoi, dans le cas de l'école, la violence ne doit pas être cachée ni sous-estimée, elle doit être dossier_violence_scolairedénoncée publiquement comme une défaite de la pensée. L'école n'a pas seulement pour but d'élever le niveau de connaissances de la jeunesse ; le but de toute culture est de maîtriser la violence primaire qui sourd de la société. Quand les maîtres ont peur de leurs élèves, c'est le début de la tyrannie, dit en substance Platon. Longtemps, c'est à la religion que la société délégua le soin de lutter contre cette violence endémique ; aujourd'hui, c'est à l'école qu'est dévolu ce rôle ; c'est pourquoi la pire violence sociale, c'est la violence scolaire. Celui qui la subit ne doit pas être tenu pour coupable mais pour victime ; il n'a pas à se cacher mais à demander des comptes.

Reste la grande question que je n'ai plus la place de traiter mais sur laquelle je reviendrai : d'où vient ce surcroît de violence ? La société ? Cela ne veut rien dire. L'échec scolaire ? Il a toujours existé. La panne de l'ascenseur social ? Mais l'école n'a jamais été un ascenseur social ! L'ennui ? Pas d'hypocrisie, il est constitutif de tout apprentissage ! La misère ? Ne me dites pas qu'elle est en augmentation ici et relisez le Jean Coste de Péguy.

Alors ? En vérité, il n'y a à mes yeux qu'une explication à ce mal qui est en train de détruire l'institution scolaire : l'atomisation sociale, le repli communautaire qui transforme la vie des collèges en une guerre de tribus. C'est plus grave que la guerre des boutons. Et cela va durer. Aussi longtemps que les diverses tribus qui composent la France n'admettront pas qu'elles forment une seule nation.

Jacques Julliard
Le Nouvel Observateur, 7-13 septembre 2006

 

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20 septembre 2006

Manifeste européen en défense de l’instruction et de la culture

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Érasme, par Holbein


texte à signer et faire signer



Manifeste européen

en défense de l’instruction et

de la culture


Nous, les soussignés enseignants, intellectuels et citoyens préoccupés de la situation de l’enseignement et de la culture au sein de l’Union Européenne,

MANIFESTONS AU PARLEMENT EUROPÉEN

1. Que les agents des systèmes éducatifs se doivent d’avoir comme principal but la promotion du plus haut niveau culturel possible parmi la population générale, et ne sauraient donc se contenter d’animer la simple scolarisation d’un groupe d’âge déterminé. Qu’ils doivent, afin de rendre l’enseignement efficace, inculquer la valeur de l’effort individuel et le respect au professeur. Que le système éducatif doit être orienté vers une évaluation des connaissances disciplinaires réellement acquises par chaque élève.

2. Qu’il est à cet égard indispensable de fournir aux élèves des bases suffisamment solides dès le début dehomework2 la scolarisation. De même, la hausse du niveau culturel de la population demande un renforcement de l’apprentissage scientifique et littéraire dans l’Enseignement Secondaire.

3. Que l’imposition, de la part de certains États, de politiques éducatives fondées sur la mal nommée "pédagogie moderne" et sur des notions telles que le "constructivisme" (qui, sous une apparence d’innovation, cachent le mépris des éléments fondamentaux de l’apprentissage et donc des élèves qui n’en reçoivent pas explicitement les clés) n’aura eu d’autre effet que de saper la transmission des connaissances.

4. Qu’il est besoin dans ce sens d’établir une différence nette entre Enseignement Primaire (instruction dans les domaines fondamentaux) et Enseignement Secondaire (renforcement significatif des connaissances scientifiques et littéraires). Que le Baccalauréat doit être reconnu dans l’ensemble de l’Union et jouir d’une identité propre ainsi que d’une durée de préparation suffisante, représentant bien plus qu’un simple seuil d’accès à l’Université ou aux études supérieures de Formation Professionnelle.

5. Enfin, que l’homologation des connaissances dans les différents États membres doit être fondée sur leur évaluation individuelle par les enseignants et les États au moyen d’épreuves générales à la fin des cycles secondaires.


Par conséquent, nous les soussignés,

PRÉSENTONS AU PARLEMENT EUROPÉEN

LA PÉTITION SUIVANTE :

Le Parlement Européen devrait presser les États membres à :

# Tenir compte des propositions éducatives des enseignants, seuls véritables professionnels de l’enseignement, sur tous les niveaux académiques, plutôt que de les charger, trop souvent au détriment de leur propre liberté pédagogique, de l’incessante programmation d’activités stériles. Promulguer la législation nécessaire pour qu’ils soient dûment respectés.

# Donner priorité à l’instruction dans les savoirs élémentaires, telles la langue officielle du pays et les mathématiques dès le début de la scolarisation. Favoriser l’acquisition efficace des connaissances liées à ces domaines, en garantissant notamment les horaires nécessaires à leur apprentissage.

# Garantir, tout au long de l’Enseignement Secondaire, une formation en sciences et lettres favorisant la connaissance européenne traditionnelle et partagée, et assurant la formation critique dans l’esprit des Lumières, contrairement aux préconisations de la "stratégie de Lisbonne" qui réduit l’école à un "service" et le savoir à un ensemble de "compétences" morcelées.

# Garantir, dans le cadre de la convergence européenne, un Baccalauréat avec une durée préparatoire minimale de trois ans, dont le diplôme soit homologué par les Administrations éducatives à travers un examen direct des connaissances des élèves, indépendant de leurs établissements d’origine et de leur contrôle continu.

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___________________________


contact : http://www.sauv.net/meuro.php

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1 septembre 2006

Lettre ouverte du Dr Ghislaine Wettstein-Badour

Dr_Wettstein_Badour
Dr Ghislaine Wettstein-Badour


Lettre ouverte aux parents

des élèves de grande section de maternelle

et de CP

Dr Ghislaine Wettstein-Badour

gh.wettstein.badour@libertysurf.fr

Août 2006



Madame, Monsieur,


Votre enfant va entrer en grande section de maternelle (*1) ou en CP. Il commencera donc à apprendre à lire et à écrire. Vous connaissez l’importance de cet apprentissage qui a pour conséquence de créer dans le cerveau des circuits dont la qualité conditionne le développement de l’intelligence et en particulier celui de la pensée conceptuelle
. 

Beaucoup d’entre vous sont probablement rassurés par les déclarations de M. de ROBIEN, ministre de l’éducation nationale et de la recherche, qui a exprimé sa volonté de voir disparaître, dès la rentrée de septembre 2006, les méthodes globales et apparentées en CP. Malheureusement, il n’en sera rien. La maladresse et, il faut bien le dire, l’incompétence avec laquelle a été abordé ce dossier très sensible ainsi que l’habileté des adversaires des méthodes alphabétiques (souvent qualifiées, à tort, de «syllabiques»), ont abouti à la signature par le ministre d’un arrêté, publié au journal officiel du 30 mars dernier, qui légitime les méthodes qu’il voulait interdire et rend pratiquement impossible l’usage de celles qu’il voulait promouvoir (*2) ! Ses opposants ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont déclaré que ce texte entérinait le statu quo et que les maîtres pourraient continuer à enseigner la lecture avec les mêmes pédagogies et les mêmes ouvrages. Ceci est, hélas, exact et c’est bien la seule opinion que je partage avec eux !

 
Cette situation ubuesque va mettre les parents au cœur d’une désinformation massive. Elle est savamment orchestrée et vous en serez victime dès le début de septembre. Les différents protagonistes de cette lamentable situation se recrutent à plusieurs niveaux. Au premier rang d’entre eux vient le ministre qui a adressé aux maîtres, ainsi qu’à tous les députés et sénateurs, une «brochure publicitaire grand public» qui devrait être également remise aux parents lors des réunions de classes de rentrée et  dans laquelle il affirme que les méthodes qu’il appelle « syllabiques » seront proposées dès cette année aux élèves de CP. Curieusement, - se serait-il aperçu de son erreur ? - il a omis, dans ce document, de faire référence à la phrase-clé de son arrêté qui réduit à rien son initiative (*2).


Pourtant, si le ministère s’était livré à une enquête sur les intentions des maîtres pour la prochaine rentrée, il aurait constaté que la très grande majorité d’entre eux n’a porté aucun intérêt à ce texte qui contredit la loi qu’il a lui-même édictée le 24 mars et continuera à utiliser les pédagogies mises en place antérieurement. En second lieu, les chercheurs en pédagogie ont, dès décembre 2005, multiplié les interventions pour déclarer haut et fort que les pédagogies actuelles, rebaptisées «intégratives» pour leur donner une apparence de nouveauté et bannir le mot «semi-global», sont celles qui conviennent le mieux aux besoins de l’ensemble des enfants. Ils vont, dans les mois qui viennent, poursuivre l’action entreprise pour dénoncer l’introduction des neurosciences, dont ils nient l’intérêt dans ce débat. Ils savent, en effet, que c’est de là que viendra inévitablement, un jour, le rejet définitif des pédagogie qu’ils imposent. Enfin, les éditeurs, directement tributaires des choix des pédagogues, lorsqu’ils présentent sur leur site Internet leurs méthodes d’apprentissage de la lecture commencent leur exposé par ces mots : «cette méthode n’est pas globale». Pourtant, il suffit de consulter ces ouvrages pour constater qu’ils répondent à tous les critères des «méthodes globales ou apparentées» que vous vous attendiez tous à voir disparaître.

 
Les pressions qui vont s’exercer sur les enseignants vont probablement atteindre cette année un niveau encore inégalé. L’objectif est de les amener à convaincre les parents que les pédagogies actuellement utilisées sont très proches des pédagogies alphabétiques en tentant de les persuader qu’après une période, selon eux incontournable, d’apprentissage de mots présentés dans leur entier, ou même pendant cet apprentissage, on associe un travail portant sur la correspondance entre les lettres et les sons.

1970_1971_CP_Mme_TARDIEU
un cours préparatoire, 1970-1971


Pour ne pas vous laisser abuser
, il est donc indispensable que vous puissiez avoir les moyens de juger par vous-même de la méthode proposée à votre enfant sans vous laisser troubler par des présentations fallacieuses. Vous trouverez dans le tableau ci-dessous les principales caractéristiques de chaque groupe de méthodes. Il vous suffira de comparer les supports employés à l’école avec les indications mentionnées ici pour identifier clairement la pédagogie utilisée pour apprendre à lire à votre enfant.


                               
 
Méthodes globales et apparentées

(globales, semi-globales, mixtes, naturelles,   intégratives)

 
 
Méthodes alphabétiques

(ou synthétiques ou phono-graphèmiques)

 
 

Apprentissage du code alphabétique par «deux approches complémentaires» : analyse de mots entiers en unités plus petites, synthèses de mots à partir de leurs constituants.

 
 

Apprentissage du code alphabétique à partir du lien qui unit chaque graphème (lettre ou groupe de lettres) au phonème (son) qu’il représente.

 
 

Présence de phrases dès les premières pages du livre de lecture.

 
 

Apprentissage débutant par les voyelles.

 
 

Étude de graphèmes dans des associations de lettres qui en modifient le sens phonologique (ex : a dans des mots contenant les graphèmes an, au, eau).

 
 

Apprentissage séparé de chaque graphème.

 
 

«Mots-outils» à mémoriser dans chaque leçon pour les «reconnaître» ensuite dans d’autres phrases.

 
 

Pas de mémorisation de mots. La progression choisie permet de lire très vite des mots et des phrases.

 
 

Introduction de mots contenant des graphèmes connus et inconnus.

 
 

Mots et phrases contenant uniquement des graphèmes connus ou en cours   d’apprentissage.

 
 

Présence de mots se terminant par des lettres muettes.

 
 

Pas de mots se terminant par des lettres muettes avant de pouvoir en expliquer la raison d’être.

 
 

Découverte du sens par hypothèses formulées à partir du contexte.

 
 

Lecture par compréhension du mot. Aucune hypothèse de sens n’est tolérée.

 


Si vous constatez que la pédagogie utilisée par l’école de votre enfant se classe dans le groupe des «méthodes globales ou apparentées», que pouvez vous faire ? Deux solutions s’offrent à vous.

Vous pouvez dès le début de l’année scolaire opter pour une méthode alphabétique utilisée à la maison en sachant que l’expérience montre que ce travail, totalement différent de ce qui est pratiqué en classe, ne perturbera en rien votre enfant.
Vous pouvez aussi décider d’attendre et d’observer la manière dont il réagira lors du déroulement de son CP. Sachez que les vacances de la Toussaint représentent, lors de cette année scolaire, un cap décisif. C’est pourquoi, il est indispensable que vous sachiez reconnaître les symptômes révélateurs de difficultés d’adaptation à la pédagogie proposée. Ceux qui le désirent peuvent, à ce propos, consulter les chapitres 7 et 8 de mon dernier ouvrage (*3). Bien informés et vigilants, vous pourrez alors agir et éviter à votre enfant de s’enfoncer dans l’échec et d’entrer dans la spirale d’une médicalisation souvent injustifiée de ses difficultés. Vous lui donnerez ainsi les moyens d’apprendre à lire et à écrire et d’optimiser le développement de son potentiel intellectuel. N’est-ce pas ce que vous attendez de son CP ?
 

En vous apportant ces informations et ces conseils de vigilance, mon objectif est de vous aider à y parvenir.
Bien cordialement. 

G Wettstein-Badour

 

(*1) Le problème du choix de la pédagogie se pose désormais dès les classes maternelles où la lecture est abordée avec des pratiques pédagogiques d’inspiration entièrement globale (apprentissage des prénoms, de mots-outils, usage d’étiquettes porteuses de mots « à reconnaître », etc.).

 (*2) La phrase suivante figure dans l’arrêté du 24 mars 2006 : «Pour ce faire (déchiffrer), on utilise deux types d’approches complémentaires : analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés» . Cette phrase, d’une part, décrit parfaitement les méthodes globales ou apparentées utilisées actuellement qu’elle pérennise donc, mais, d’autre part, elle interdit les méthodes alphabétiques. En effet, celles-ci partent de l’apprentissage des graphèmes pour les combiner entre eux et jamais des mots entiers ; elles ne peuvent donc pas répondre à cette exigence de complémentarité et sont donc exclues des approches citées dans cet arrêté qui a force de loi. (cf analyse détaillée de ce texte dans mon article du 31 mars 2006 : «Apprentissage de la lecture : l’arrêté ministériel du 30 mars 2006 pérennise les pédagogies actuellement utilisées et maintient hors la loi les méthodes alphabétiques !»).

 (*3) Bien parler, bien lire, bien écrire. Donner toutes leurs chances à vos enfants, publié aux éditions Eyrolles en novembre 2005. (disponible en librairie ou sur le site internet de votre choix en recherchant avec les mots clefs «bien parler bien lire bien écrire» ).

- ce texte est également publié sur le site appy.ecole


9782708134546

contact éditions Eyrolles

 

Ghislaine Wettstein-Badour

Biographie

Ghislaine Wettstein-Badour est médecin généraliste et exerce en libéral depuis plus de 35 ans. Elle a consacré la plus grande partie de sa carrière à l'accompagnement d'enfants d'âge scolaire et notamment de ceux qui sont en difficulté.

Pour leur venir en aide, elle a mis au point des méthodes optimisées d'apprentissage de la lecture et de l'écriture, puis, en partenariat avec France Badour, de l'orthographe. Ces pédagogies respectent la manière dont le cerveau apprend la langue écrite, et leur efficacité est reconnue pour tous les élèves très jeunes ou adultes, qu'ils soient ou non dyslexiques.


Présentation du livre

Pour que son intelligence se développe, l'enfant doit d'abord apprendre à bien parler, à bien lire et à bien écrire. Les parents jouent un rôle irremplaçable dans cet apprentissage fondamental, qui commence dès la petite enfance et se poursuit jusqu'à l'adolescence.

Afin de les aider dans leur rôle éducatif, ce petit guide pratique leur donne des conseils précieux pour :

  • apprendre à leurs enfants à bien parler et comprendre ce qui leur est dit
  • les accompagner dans l'acquisition de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe
  • prévenir les difficultés qu'ils risquent de rencontrer
  • diagnostiquer rapidement les éventuels signes d'échec
  • apporter des solutions concrètes si cela est nécessaire

En s'appuyant sur les découvertes médicales les plus récentes concernant le fonctionnement du cerveau, l'auteur donne aux parents des informations précises pour comprendre les étapes et les enjeux de ces apprentissages et il leur propose des exercices qu'ils pourront facilement mettre en oeuvre pour développer l'intelligence de leurs enfants.

Au sommaire

  • Introduction
  • Comment le cerveau apprend à lire et à écrire
  • Le développement du langage oral chez l'enfant
  • Faciliter l'apprentissage du langage oral et en corriger les imperfections
  • Le développement du graphisme et de la latéralisation
  • Faciliter le développement du graphisme et de la latéralisation et en corriger les imperfections
  • Quelles sont les différentes méthodes d'apprentissage de la lecture et comment les identifier ?
  • Les manifestations de l'échec dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe chez l'enfant
  • Les différentes causes de l'échec dans l'apprentissage du langage écrit
  • Les pédagogies optimisées de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe
  • Comment aider un enfant en difficulté dans l'apprentissage de l'écrit, en fonction de son âge et de son niveau
  • Conclusion
  • Bibliographie
  • Index

9782708134546

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19 mai 2006

Vraie affaire d'État : l’acceptation de la régression de l’École (Ivan Rioufol)

stop_ignorance
l'école produit des générations d’étudiants bien gentils et très ignorants
(Laurent Lafforgue)





Vraie affaire d'État :

l’acceptation de la régression de l’École

Ivan RIOUFOL


L’affaire d’État, elle est à rechercher dans l’acceptation de la régression de l’Ecole. Mais les «investigateurs» 2350130509.08.lzzzzzzz2ne s’intéressent pas à ce désastre, que dénonce Jean-Paul Brighelli, professeur de lettres (À bonne école, éditions Jean-Claude Gawsewitch). Pour avoir décrit la vérité, il a été évincé, un temps la semaine dernière, du jury du Capes de lettres modernes. Une décision sur laquelle les autorités sont vite revenues, face à la montée des protestations.


Cette victoire contre un délit d’opinion corrige l’injustice que fut la démission, du Haut Conseil de l’Education, du mathématicien Laurent Lafforgue. Il s’était opposé à lalaurent_lafforgue consultation d’experts de l’Education : «Pour moi, c’est exactement comme si nous étions un "Haut Conseil des droits de l’homme" et que nous envisagions de faire appel aux Khmers rouges pour constituer un groupe d’experts pour la promotion des droits humains.» Propos fatal.

Or ce sont ces témoins indignés, qui ne se revendiquent d’aucun parti, qu’il faut écouter. Lafforgue, encore : «Je crains que l’école que nous avons aujourd’hui, après tant de politiques prétendument émancipatrices, ne soit presque plus une école de la liberté. Elle produit des générations d’étudiants bien gentils et très ignorants, aussi incapables d’écrire un livre que de fonder une entreprise ou de faire une révolution.»

Ce constat d’un «constant vide prétentieux des programmes et leur déstructuration systématique», Brighelli le dresse donc, après d’autres, en appelant «de toute urgence à en finir avec l’instinct de survie sectaire des pédagogues». Ceux-là méprisent l’orthographe, la culture classique, les tables de multiplications, au profit de l’éducation citoyenne, la tyrannie du ludique, les lycées «lieux de vie». Le naufrage démocratique, observable dans l’affaire Clearstream, commence par cette indifférence devant la perte du savoir. N’est-il pas là, le scandale ?


«Da Vinci Code»
Le totalitarisme est proche quand le discours unique remplace le raisonnement. Umberto Eco (Cinq2253943312.08.lzzzzzzz questions de morale, Grasset, 1997) : «Tous les textes scolaires nazis ou fascistes se fondaient sur un lexique pauvre et une syntaxe élémentaire, afin de limiter les instruments de raisonnement complexe et critique.» L’Education nationale en est là, avec ses dictées de cinq lignes au brevet, sa grammaire rudimentaire, ses cours de morale altermondialiste.

C’est parce que les ignorances sont manipulables que les extravagances du Da Vinci Code, ce livre à succès qui remet en cause les fondements de la religion chrétienne, peuvent être dangereuses. Nombreux sont ceux qui sont prêts à gober que Jésus s’est marié avec Marie-Madeleine, que leur descendance s’est établie en France et que l’Opus Dei est une secte protégeant ces secrets !

Ivan Rioufol
Le Figaro, 19 mai 2006

- source de cet article : Le Figarobody1258jyqsjnpgwswbrtt











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