immense entreprise de paupérisation de l’école
l'histoire ne doit pas devenir
une langue rare
Philippe Baumel, maire PS du Breuil, réagit à la réforme du lycée en cours. Il considère qu'en dehors d'une réforme conjointe du collège, et sans un vrai projet pour réduire les inégalités entre établissements, les réformes actuelles ne vont nulle part. Et La course à l'optionnalisation, dont l'histoire est la nouvelle victime, ne fait qu'aggraver les problèmes.
Nouvelle étape du mouvement brownien engagé par le pouvoir, la réforme du lycée restera comme une forme d’archétype de la méthode Sarkozy.
Des bonnes intentions, des contradictions, un acharnement comptable
suicidaire et cette petite touche, ce je-ne-sais-quoi de défiance
envers les savoirs qui caractérise l’équipe du Président de la
République.
Beaucoup l’ont dit mais il est sans doute bon de le répéter : une réforme du lycée sans réforme du collège est en soi inepte.
Au-delà de ce constat, c’est à une réalité pesante sur notre société
qu’il faut s’attaquer : celui de l’inégalité territoriale. Qu’on se
rassure, les lycéens du Lycée Pasteur de Neuilly, ceux d’Henri IV,
souffriront peu ou pas du tout de la réforme de Luc Chatel. Il est
certain que, dans notre pays, les inégalités se creusent entre
établissements et particulièrement entre les établissements ruraux et
ceux des centres-villes les plus aisés. C’est ce qui explique que les
éternelles bonnes intentions manifestées en matière scolaire soient
vouées à l’échec du point de vue de la réduction des inégalités. On
peut vouloir – et c’est heureux - renforcer les langues ou la filière
littéraire… cela ne fait pas une logique globale, encore moins une
politique…
Il est évident que développer les options a un avantage immédiat :
cela permet de réduire des «coûts», de renforcer le numerus clausus au
CAPES et à l’Agrégation. Cela contribue efficacement à suivre le fil
conducteur de la politique scolaire du gouvernement : réduire
l’éventail de la carte des formations. «Optionnalisons !» tel
semble être le mot d’ordre du pouvoir. Contribuant ainsi à établir une
inégalité territoriale de plus en plus évidente dans notre pays, il a
délibérément choisi la voie du déclin…
Jusqu’ici les
langues rares (bien qu’il faille définir ce qui est une langue rare),
les langues anciennes, les disciplines artistiques faisaient les frais
de cette politique. On appauvrit la carte des formations, on
appauvrit l’Éducation nationale, on appauvrit le pays. Et l’on est en
droit de se demander s’il n’y a pas une stratégie bien plus dangereuse
à moyen terme. Une fois l’École amoindrie, affaiblie, une fois cette
immense entreprise de paupérisation de l’École achevée, ne nous
tiendra-t-on pas le discours de la «nécessaire» privatisation de
celle-ci au nom de «l’efficacité» ? Mais aujourd’hui, on ne s’arrête
plus au cœur des «humanités », on va plus loin, on s’attaque,
insidieusement, au lien social…
Coup terrible, l’idée de rendre
l’histoire optionnelle en Terminale S prend une toute sa signification.
On s’apprête à sacrifier une matière fondamentale de la formation des
lycéens sur l’autel d’une idée aussi vague que fumeuse dictée par la
volonté de réduire des coûts. La culture générale est un coût pour un
Président de la République avocat d’affaire et un Ministre directeur du
marketing. Or, le lycée n’est pas le lieu de la formation de
spécialistes. Il doit être le lieu de la formation de citoyens capables
par une culture commune, par des connaissances suffisamment larges de
s’insérer dans la société, de participer à la vie de cette communauté
civique qu’est la nation, de prendre part à la vie de la cité… Rendre l’histoire optionnelle c’est un peu, à mon sens, comme vendre les collections du Louvre
au motif qu’elles vaudraient beaucoup d’argent ou expulser les
Rougon-Macquart de nos bibliothèques au motif qu’ils prennent trop de
place…
L’École ce n’est certes pas qu’une question de «moyens». Mais un
pays qui investit massivement dans l’Education, dans la connaissance,
de la maternelle à l’Université est un pays qui gagne en moral collectif.
Au contraire de l’actuel gouvernement, à l’image de ce que les
majorités socialistes et progressistes font dans les Régions, il est
grand temps, en France, de faire le pari sur l’intelligence.
Philippe Baumel, maire PS du Breuil (Saône-et-Loire)
source : Marianne.fr - 10 décembre 2009
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Que ne l'a-t-on entendu
quand les socialistes détruisaient eux aussi...
"Cette immense entreprise de paupérisation de l’École" dénonce ce maire socialiste. Bien. Très bien.
Que ne l'a-t-on entendu quand les socialistes au gouvernement menaient, eux aussi, cette entreprise de paupérisation de l'école : création des IUFM par Jospin, "mettre l'enfant au centre", diminution drastique des heures de mathématiques, de français, un élève entre en 2e avec autant d'heures de français qu'un élève sortant de 5e il y a vingt-cinq ans...
En septembre 2008, 58 % des élèves de 2e ont obtenu zéro à une dictée de douze lignes qui n'était que le texte de la dictée du brevet des collèges de l'année 1976...
Merci à tous les ministres socialistes, leurs experts, leurs copains syndicalistes, leurs militants "parents d'élèves"... qui ont réclamé, imposé, accompagné, avalisé toutes ces réformes régressives, toutes ces réformes qui ont cassé l'école de la culture pour en faire un lieu de garderie des crétins...
La paupérisation socialiste de l'école a préparé toutes celles qui ont suivi.
Michel Renard
professeur d'histoire