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Pour une école de la culture, contre l'inquisition pédagogiste - un blog de Michel Renard
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  • défense de l'école des savoirs et de la culture, pour que l'école instruise vraiment les enfants des milieux populaires non favorisés culturellement, contre les destructeurs de l'école (libéraux, pédagogistes, démagogues...)
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3 juin 2008

fondamentaliste, la littérature ...!?

Diapositive1

   

Palme d'or pour une syntaxe défunte

Alain FINKIELKRAUT

   

our François Bégaudeau, auteur du livre Entre les murs (Verticales, 2006) et acteur principal du film qui en a été tiré, la Palme d'or du Festival de Cannes est un véritable conte de fées. Sa joie, partagée avec le metteur en scène Laurent Cantet et les élèves du collège Françoise-Dolto, qui jouent leur propre rôle, fait plaisir à voir. On lui pardonne même son brin de suffisance : comment garder la tête froide dans un moment aussi inattendu et aussi exceptionnel ?

Bégaudeau n'a pas le triomphe modeste, soit. Mais pourquoi l'a-t-il acrimonieux ? Pourquoi cette vindicte à l'égard des professeurs qui ne partagent ni ses méthodes, ni ses objectifs, ni son optimisme ? Pourquoi être si mauvais joueur quand on a gagné la bataille, et s'acharner contre les derniers récalcitrants quand on a, à ses pieds, le président de la République, la ministre de la culture et celui de l'éducation nationale ? Et pourquoi faut-il que Le Monde (le 28 mai) alimente cette étrange aigreur en dressant le repoussoir des "fondamentalistes de l'école républicaine" qui prônent "l'approche exclusive de la langue française par les grands textes" ?

Fondamentaliste, la lecture d'À la recherche du temps perdu, de Bérénice ou du Lys dans la vallée ? Fondamentaliste, l'expérience des belles choses, l'éventail déployé des sentiments et le tremblement littéraire du sens ? Le fondamentalisme est arrogant, catégorique et binaire ; la littérature problématise tout ce qu'elle touche. Le fondamentalisme enferme l'esprit dans le cercle étroit d'une vérité immuable ; la littérature le libère de lui-même, de ses préjugés, de ses clichés, de ses automatismes. Le fondamentalisme est une fixation ; la littérature, un voyage sans fin.

On jugera le film de Laurent Cantet lors de sa sortie en salles. Peut-être sera-t-on intéressé, voire captivé par cette chronique d'une année scolaire dans une classe de quatrième à travers les tensions, les drames, les problèmes et les imprévus du cours de français. Mais s'il est vrai qu'après s'être vainement employé à corriger la syntaxe défaillante d'adolescentes qui se plaignaient d'avoir été "insultées de pétasses", l'enseignant finit par utiliser certaines tournures du langage des élèves, "plus efficace que le sien", alors on n'aura aucun motif de se réjouir.

Car la civilisation ne demande pas à la langue d'être efficace, d'être directe, de permettre à chacun de dire sans détour ce qu'il a sur le coeur ou dans les tripes, à l'instar de ce magistrat qui a conclu son réquisitoire contre un accusé terrifiant par ces mots : "À gerber !" La civilisation réclame le scrupule, la précision, la nuance et la courtoisie. C'est très exactement la raison pour laquelle l'apprentissage de la langue en passait, jusqu'à une date récente, par les grands textes.

Naguère aussi, on respirait dans les oeuvres littéraires ou cinématographiques un autre air que l'air du temps. Sean Penn, le président du jury, a remis les pendules à l'heure en déclarant, dès la cérémonie d'ouverture du Festival et sous les applaudissements d'une presse enthousiaste, que seuls retiendraient son attention les films réalisés par des cinéastes engagés, conscients du monde qui les entoure. Sarabande, Fanny et Alexandre, E la nave va, In the Mood for Love, s'abstenir. Un conte de Noël, ce n'était pas la peine. Le monde intérieur, l'exploration de l'existence, les blessures de l'âme sont hors sujet. Comme si l'inféodation de la culture à l'action politique et aux urgences ou aux dogmes du jour n'avait pas été un des grands malheurs du XXe siècle, il incombe désormais aux créateurs de nous révéler que Bush est atroce, que la planète a trop chaud, que les discriminations sévissent toujours et que le métissage est l'avenir de l'homme.

L'art doit être contestataire, c'est-à-dire traduire en images ce qui est répété partout, à longueur de temps. Big Brother est mort, mais, portée par un désir de propagande décidément insatiable, l'idéologie règne et veille à ce que notre vie tout entière se déroule entre les murs du social.

Alain Finkielkraut
philosophe
article paru dans l'édition du Monde, daté 4 juin 2008


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2 juin 2008

compter, calculer (Pascal Dupré, instituteur)

livre_Grip_couv


compter, calculer

cahier d'exercice pour le cours

préparatoire


un livre de Pascal DUPRÉ, instituteur



livre_Grip_couv


sortie le 6 mai 2008

Pasc_al_Dupr__instituteur
- Pascal Dupré, ou une classe expérimentale dans une école giennoise

______________________________________________________



École : la révolution du bon sens

Certains parents d'élèves ont mis plus de vingt ans à réaliser que l'école primaire n'apprenait plus aux enfants à lire, à écrire et à compter correctement. Mais moins de cinq minutes pour considérer que le problème était réglé depuis le 3 janvier dernier, le jour où Gilles de Robien a publié une circulaire imposant le retour à un départ syllabique (le b.a.-ba) de l'apprentissage de la lecture. Ce qui prouve qu'ils ne manquent ni de confiance en l'école ni d'aveuglement sur ce qu'il s'y passe... car cette circulaire ne règle évidemment pas tout. Elle ne traite pas de l'écriture, ni de la grammaire, de l'orthographe ou du calcul. Et même sur la lecture, elle ne fait qu'engager la bataille du bon sens, sans réelle certitude de l'emporter. «J'ai d'abord ressenti l'annonce du ministre comme une bouffée d'oxygène,Les collègues de mon école l'avaient perçue, eux, comme un feu vert : ils allaient enfin pouvoir relayer mes actions dans leurs classes, sans crainte d'être mal notés ou harcelés par l'Administration. Mais c'était avant qu'on leur dise que cette circulaire n'a pas force de loi tant que les programmes de 2002 restent en vigueur ; et comme ces programmes préconisent de démarrer par de la globale... leur enthousiasme est nettement retombé. Le mien aussi, d'ailleurs.» témoigne Pascal Dupré, instituteur à Gien dans le Loiret, qui pratique la méthode syllabique depuis trois ans.

 

Agé de 47 ans, Pascal Dupré est instituteur depuis vingt et un ans, dont onze en cours préparatoire, première année après la maternelle, celle où les écoliers de 6 ans apprennent à lire. Il se souvient fort bien de sa déprime, il y a trois ans. «Désabusé, au bord de la démission», il ne nourrissait alors aucune interrogation particulière sur ses méthodes pédagogiques - conformes aux consignes officielles - mais perdait peu à peu le goût d'enseigner. Ses élèves passaient le plus clair de leur temps à s'ennuyer ou à s'agiter, sans progrès notables, au désespoir de leurs parents, mais dans l'indifférence de l'institution scolaire qui ne voyait là rien d'anormal. Depuis 1998, on sait en effet qu'après huit ans de maternelle et de primaire, 21% des écoliers sont admis au collège sans comprendre ce qu'ils lisent, et 38% sans savoir faire une opération. Pascal Dupré était donc «dans la norme», mais profondément découragé.

Curieusement, ce n'est pourtant pas cela qui l'a incité à changer de méthodes et à recouvrer par la même occasion son moral ainsi que le plaisir et la fierté d'exercer son métier. «J'ai eu un rapport d'inspection très défavorable en 2002, alors que je pensais être dans les clous, raconte-t-il. Je ne voulais pas laisser les critiques jargonneuses et humiliantes qu'on m'adressait sans réponse, mais il m'a fallu me livrer à un énorme travail de réflexion et d'argumentation pour réussir à le faire. C'est ce travail qui a commencé à m'ouvrir les yeux.»

Ensuite, tout s'est enclenché. Son contre-rapport (aussi drôle qu'incisif et insolent, alors que ce maître est d'un naturel très réservé) a fait du bruit. Plusieurs collègues - du primaire, mais aussi du secondaire - l'ont contacté pour lui faire part de leurs propres déboires. Guidés par eux, Pascal Dupré a commencé à correspondre avec les principales associations d'enseignants qui se sont constituées sur internet afin d'y dénoncer tel ou tel problème pédagogique.

«Je n'étais plus seul, isolé dans ma classe, poursuit-il. Et plus je m'informais, plus je découvrais que la dégradation n'était pas seulement générale : elle s'amplifiait. On voyait arriver de jeunes collègues avec de graves lacunes, dont l'un, par exemple, qui demandait à ses élèves de CE1 de conjuguer le verbe "avoir fini" au présent. Les parents, eux aussi, se lâchaient : certains m'ont raconté des erreurs que j'avais commises ou des échecs dont j'étais responsable sans l'avoir réalisé !»

Quand «Au secours» devient «OXOR»

Puis c'est la rencontre avec Marc Le Bris (1). Même âge, même parcours, même contestation de la façon dont ces deux instituteurs avaient «appris à apprendre» dans leurs écoles normales. Très vite, Pascal décide d'adopter dans sa classe les méthodes rodées depuis vingt ans par Marc : combiner l'apprentissage de l'écriture et de la lecture en commençant par les lettres, les syllabes et les sons, étudier toutes les opérations ainsi que les mesures et les proportions, oser des dictées (d'une seule ligne : «Le lapin est près du sapin» ou «Les pommes tombent du pommier», pour les CP de Pascal, plus longues pour les CE2-CM1-CM2 de Marc), réinventer de vraies «leçons de choses» (en expliquant aux enfants comment l'oiseau construit son nid, plutôt que d'attendre durant des heures d'ennui pour eux qu'ils le découvrent tout seuls), enseigner la grammaire et les conjugaisons, leur faire noter consignes et devoirs au lieu de les distribuer sur fiches photocopiées ; le tout sans hurler sur ceux qui rêvent ni délaisser ceux qui peinent. Rien d'extraordinaire en somme, inutile de s'inquiéter : les écoles des combattants de la syllabique ne sont pas des annexes clandestines du pensionnat de Chavagnes. Quant aux parents des élèves concernés, ils paraissent plus rassurés qu'inquiets.

«Depuis que j'emploie la méthode alphabétique, je n'ai plus aucun problème avec eux. Alors qu'avant, ils venaient sans arrêt me dire qu'ils ne comprenaient pas, ou me demander des conseils pour aider leur enfant», constate Magali Pichon, institutrice de CP dans un village au sud du Mans (Sarthe). Comme Pascal Dupré et Marc Le Bris - qui en est l'un des fondateurs avec Michel Delord (2) - Magali fait désormais partie du Slecc (Savoir lire, écrire, compter, calculer), un réseau d'écoles et d'enseignants pilotes dont l'acronyme résume le programme, agréé par la direction des enseignements scolaires. Un réseau qu'elle a intégré après avoir lu le livre de Marc (1), et pris contact avec lui.


Mère de quatre enfants, mais trop jeune pour avoir connu «l'école à l'ancienne», cette trentenaire a mis un bon moment avant de douter des mérites de la méthode globale : «Même face à une enfant de 9 ans, en CE1, qui écrit "OXOR" pour "au secours", on ne se rend pas forcément compte.» Elle était pourtant consciente des difficultés de ses élèves, mais comme son école est située dans une zone d'«extrême pauvreté» et que sa classe est bondée (trente-deux élèves, contorsionnés devant des tables minuscules et sur des chaises instables), elle croyait, ainsi qu'on le lui avait expliqué en IUFM (3), que l'essentiel de leurs problèmes était de nature sociologique ou matérielle. Peu à peu, le doute s'est toutefois insinué dans son esprit :

«J'utilisais, comme tout le monde, une méthode mixte à départ global - Lecture en fête - en démarrant la syllabique assez tôt, dès la troisième semaine d'octobre : les enfants confondaient les sons ou lisaient des mots entiers à la place des autres. Au bout de deux ans, je suis allée voir ma conseillère pédagogique, qui m'a recommandé deux autres manuels, Grain de lire et Ribambelle : c'était encore pire.»

Survient alors l'incident décisif. La propre fille de Magali, alors en CP, se retrouve à son tour «en difficulté de lecture».

«Tant mieux, en un sens, se félicite aujourd'hui sa mère. Je l'ai emmenée chez une généraliste du Mans qui s'occupait déjà de nombreux élèves pour le même type de problèmes, le Dr Wettstein-Badour (4). Depuis, je paie chaque année des droits pour photocopier la méthode de lecture qu'elle a mise au point pour "réparer" ces enfants. C'est de la syllabique pure. Sans aucune image. Un peu austère, d'accord, mais je n'en changerais pour rien au monde.»

La jeune institutrice n'y voit en effet que des avantages : «Les enfants ne confondent plus les mots, et beaucoup moins les sons. Ils ne sont plus dégoûtés des vrais livres, depuis que je les utilise uniquement pour la détente et le plaisir au lieu de les disséquer dans des séances d'ORL : "Observation réfléchie de la langue". Mais le plus utile, avec cette méthode, c'est qu'elle me permet de repérer très vite les élèves en réelle difficulté, et donc de leur appliquer très tôt une pédagogie différenciée ; alors qu'avec la globale, ils font souvent illusion jusqu'en CE2, et on intervient trop tard. Aujourd'hui, tous les enfants que j'envoie au CE1 savent lire.»

Marc, Magali, Pascal et les autres : ils ne sont encore qu'une poignée, parfois harcelés par leurs inspecteurs, longtemps sous-notés, jamais remerciés, toujours privés d'outils adaptés à la pédagogie qu'ils estiment nécessaire d'appliquer (pas de manuel pour la lecture syllabique et le calcul, pas de formation pour l'écriture : «Je ne sais même pas quelle position de la main serait la meilleure pour de jeunes enfants, ni quel type de stylo employer !» se désole Magali)... mais néanmoins heureux.

Heureux de faire classe. D'enregistrer des progrès. D'avoir le soutien des parents. Et de «ne plus être seuls». C'est surtout à cela que leur sert pour l'instant le Slecc.

«Nous nous encourageons mutuellement mais en sachant qu'un seul maître ne peut pas grand-chose, quelles que soient ses méthodes, si toutes les classes de son école ne relaient pas les mêmes en amont comme en aval de sa classe, reconnaît Guy Morel (5), l'un des deux seuls professeurs de lycée - avec Laurent Robin - à appartenir au Slecc. Le mieux étant que cela se fasse dès la maternelle, comme dans l'école de Marc.» Mais il faut bien que quelques-uns commencent. En espérant que beaucoup d'autres se grefferont bientôt sur leur noyau.

Durant les deux premières semaines qui ont suivi sa publication, la circulaire de Gilles de Robien semble avoir provoqué un frémissement en ce sens. Pascal Dupré n'était pas le seul à avoir remarqué que les collègues de son école étaient plus ouvertement sympathisants. «Mais le problème, dans l'Éducation nationale, c'est que les enseignants ne veulent surtout pas se brouiller avec leur hiérarchie. Pas seulement pour des questions de notes, mais parce qu'elle représente leur unique soutien en cas de problème ; surtout avec les parents.»

Autrement dit, si les enseignants ont l'impression que l'Administration ne suit pas le ministre, c'est cuit pour la syllabique. Mais dans le cas contraire, ils pourraient être nombreux à soutenir Gilles de Robien, comme le font déjà 84% des parents d'élèves. Les professeurs du secondaire mesurent en effet très bien les conséquences de la «médiocratisation» de l'école primaire : collégiens incapables de suivre, qui s'ennuient et empêchent les autres de travailler, exigences à la baisse, cours insipides, examens surnotés, violences. Et les instituteurs n'ignorent pas que l'école primaire a toujours été «massifiée» - depuis sa fondation en 1833, et plus encore après sa laïcisation en 1882 -, preuve que la baisse de ses performances ne s'explique sûrement pas - ou pas uniquement - par l'«hétérogénéité» de son public.

La Fondapol, «usine à idées» créée par Jérôme Monod, a récemment publié un édifiant Cahier du débat sur la lecture. Avec un titre qui résume fort bien ce qui permettrait de mieux l'enseigner : «Le courage du bon sens». Certains, dont le ministre actuel, l'ont déjà. Ils sont encore peu nombreux, certes. Mais c'est ainsi que naissent les révolutions.

Véronique Grousset
article paru dans Le Figaro, 28 janvier 2006

(1) Nous avons été les premiers à consacrer, fin 2002, un sujet de couverture aux méthodes de cet instituteur breton, «résistant à la pédagogie moderne», qui fournissait chaque année les meilleurs élèves de son département tout en étant le plus mal noté de son académie. Depuis, Marc Le Bris a publié un ouvrage qui a connu un grand succès : Et vos enfants ne sauront pas lire... ni compter ! (Stock, 2004).

(2) Professeur de mathématiques et vice-président du Grip (Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes), Michel Delord est l'auteur d'une réflexion très aboutie sur les conséquences actuelles de l'enseignement du calcul et la meilleure façon de le réformer. On peut consulter ses textes et études, ainsi que sa documentation sur http ://michel.delord.free.fr/

(3) Instituts universitaires de formation des maîtres : créés en 1989 pour succéder aux écoles normales. Très contestés aujourd'hui. À lire : La Ferme aux professeurs, de François Vermorel (Editions de Paris, 2006).

(4) Voir l'article «A quelle méthode se fier ?», page 45.

(5) Auteur avec Daniel Tual-Loizeau de L'Horreur pédagogique et Petit Vocabulaire de la déroute scolaire, aux éditions Ramsay.


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