Dr Ghislaine Wettstein-Badour
Lettre ouverte aux parents
des
élèves de grande section de maternelle
et de CP
Dr Ghislaine Wettstein-Badour
gh.wettstein.badour@libertysurf.fr
Août 2006
Madame, Monsieur,
Votre enfant va entrer en grande section de
maternelle (*1) ou en CP. Il commencera donc à apprendre à lire et à écrire. Vous
connaissez l’importance de cet apprentissage qui a pour conséquence de créer
dans le cerveau des circuits dont la qualité conditionne le développement de
l’intelligence et en particulier celui de la pensée conceptuelle.
Beaucoup d’entre vous sont probablement rassurés par
les déclarations de M. de ROBIEN, ministre de l’éducation nationale et de la
recherche, qui a exprimé sa volonté de voir disparaître, dès la rentrée de
septembre 2006, les méthodes globales et apparentées en CP. Malheureusement, il
n’en sera rien. La maladresse et, il
faut bien le dire, l’incompétence avec laquelle a été abordé ce dossier très
sensible ainsi que l’habileté des adversaires des méthodes alphabétiques
(souvent qualifiées, à tort, de «syllabiques»), ont abouti à la signature
par le ministre d’un arrêté, publié au journal officiel du 30 mars dernier, qui
légitime les méthodes qu’il voulait interdire et rend pratiquement impossible
l’usage de celles qu’il voulait promouvoir (*2) ! Ses opposants ne s’y
sont pas trompés puisqu’ils ont déclaré que ce texte entérinait le statu quo et
que les maîtres pourraient continuer à enseigner la lecture avec les mêmes
pédagogies et les mêmes ouvrages. Ceci est, hélas, exact et c’est bien la seule
opinion que je partage avec eux !
Cette situation ubuesque va mettre les parents au
cœur d’une désinformation massive. Elle est savamment orchestrée et vous en
serez victime dès le début de septembre. Les différents protagonistes de cette
lamentable situation se recrutent à plusieurs niveaux. Au premier rang d’entre
eux vient le ministre qui a adressé aux maîtres, ainsi qu’à tous les députés et
sénateurs, une «brochure publicitaire
grand public» qui devrait être également remise aux parents lors des
réunions de classes de rentrée et dans laquelle il affirme que les
méthodes qu’il appelle « syllabiques » seront proposées dès cette
année aux élèves de CP. Curieusement, - se serait-il aperçu de son
erreur ? - il a omis, dans ce document, de faire référence à la phrase-clé
de son arrêté qui réduit à rien son initiative (*2).
Pourtant, si le ministère s’était livré à une
enquête sur les intentions des maîtres pour la prochaine rentrée, il aurait
constaté que la très grande majorité d’entre eux n’a porté aucun intérêt à ce
texte qui contredit la loi qu’il a lui-même édictée le 24 mars et continuera à
utiliser les pédagogies mises en place antérieurement. En second lieu, les
chercheurs en pédagogie ont, dès décembre 2005, multiplié les interventions
pour déclarer haut et fort que les pédagogies actuelles, rebaptisées
«intégratives» pour leur donner une apparence de nouveauté et
bannir le mot «semi-global», sont celles qui conviennent le mieux
aux besoins de l’ensemble des enfants. Ils vont, dans les mois qui viennent,
poursuivre l’action entreprise pour dénoncer l’introduction des neurosciences,
dont ils nient l’intérêt dans ce débat. Ils savent, en effet, que c’est de là
que viendra inévitablement, un jour, le rejet définitif des pédagogie qu’ils
imposent. Enfin, les éditeurs, directement tributaires des choix des
pédagogues, lorsqu’ils présentent sur leur site Internet leurs méthodes
d’apprentissage de la lecture commencent leur exposé par ces mots :
«cette méthode n’est pas globale». Pourtant, il suffit de consulter
ces ouvrages pour constater qu’ils répondent à tous les critères des «méthodes
globales ou apparentées» que vous vous attendiez tous à voir disparaître.
Les pressions qui vont s’exercer sur les enseignants
vont probablement atteindre cette année un niveau encore inégalé. L’objectif
est de les amener à convaincre les parents que les pédagogies actuellement
utilisées sont très proches des pédagogies alphabétiques en tentant de les
persuader qu’après une période, selon eux incontournable, d’apprentissage de
mots présentés dans leur entier, ou même pendant cet apprentissage, on associe
un travail portant sur la correspondance entre les lettres et les sons.
un cours préparatoire, 1970-1971
Pour ne pas vous laisser abuser, il est donc indispensable que vous puissiez avoir les moyens de juger par vous-même de la méthode proposée à votre enfant sans vous laisser troubler par des présentations fallacieuses. Vous trouverez dans le tableau ci-dessous les principales caractéristiques de chaque groupe de méthodes. Il vous suffira de comparer les supports employés à l’école avec les indications mentionnées ici pour identifier clairement la pédagogie utilisée pour apprendre à lire à votre enfant.
Méthodes globales et apparentées
(globales, semi-globales, mixtes, naturelles,
intégratives)
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Méthodes alphabétiques
(ou synthétiques ou phono-graphèmiques)
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Apprentissage du code alphabétique par «deux approches complémentaires» : analyse de mots entiers en unités plus petites, synthèses de mots à partir de leurs constituants.
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Apprentissage du code alphabétique à partir du lien qui unit chaque graphème (lettre ou groupe de lettres) au phonème (son) qu’il représente.
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Présence de phrases dès les premières pages du livre de lecture.
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Apprentissage débutant par les voyelles.
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Étude de graphèmes dans des associations de lettres qui en modifient le sens phonologique (ex : a dans des mots contenant les graphèmes an, au, eau).
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Apprentissage séparé de chaque graphème.
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«Mots-outils» à mémoriser dans chaque leçon pour les «reconnaître» ensuite dans d’autres phrases.
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Pas de mémorisation de mots. La progression choisie permet de lire très vite des mots et des phrases.
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Introduction de mots contenant des graphèmes connus et inconnus.
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Mots et phrases contenant uniquement des graphèmes connus ou en cours
d’apprentissage.
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Présence de mots se terminant par des lettres muettes.
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Pas de mots se terminant par des lettres muettes avant de pouvoir en expliquer la raison d’être.
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Découverte du sens par hypothèses formulées à partir du contexte.
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Lecture par compréhension du mot. Aucune hypothèse de sens n’est tolérée.
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Si vous constatez que la pédagogie utilisée par
l’école de votre enfant se classe dans le groupe des «méthodes globales
ou apparentées», que pouvez vous faire ? Deux solutions s’offrent à vous.
Vous pouvez
dès le début de l’année scolaire opter pour une méthode alphabétique utilisée à
la maison en sachant que l’expérience montre que ce travail, totalement
différent de ce qui est pratiqué en classe, ne perturbera en rien votre enfant.
Vous pouvez aussi décider d’attendre et d’observer la manière dont il réagira
lors du déroulement de son CP. Sachez que les vacances de la Toussaint
représentent, lors de cette année scolaire, un cap décisif. C’est pourquoi, il
est indispensable que vous sachiez reconnaître les symptômes révélateurs de
difficultés d’adaptation à la pédagogie proposée. Ceux qui le désirent peuvent,
à ce propos, consulter les chapitres 7
et 8 de mon dernier ouvrage (*3). Bien informés et vigilants, vous pourrez
alors agir et éviter à votre enfant de s’enfoncer dans l’échec et d’entrer dans
la spirale d’une médicalisation souvent injustifiée de ses difficultés. Vous
lui donnerez ainsi les moyens d’apprendre à lire et à écrire et d’optimiser le
développement de son potentiel intellectuel. N’est-ce pas ce que vous attendez
de son CP ?
En vous apportant ces informations et ces conseils de
vigilance, mon objectif est de vous aider à y parvenir.
Bien cordialement.
G Wettstein-Badour
(*1) Le problème du choix de la pédagogie se pose désormais
dès les classes maternelles où la lecture est abordée avec des pratiques
pédagogiques d’inspiration entièrement globale (apprentissage des prénoms, de
mots-outils, usage d’étiquettes porteuses de mots « à reconnaître »,
etc.).
(*2) La phrase suivante figure dans l’arrêté du 24 mars 2006 : «Pour ce faire (déchiffrer), on utilise deux types d’approches complémentaires : analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés» . Cette phrase, d’une part, décrit parfaitement les méthodes globales ou
apparentées utilisées actuellement qu’elle pérennise donc, mais, d’autre part,
elle interdit les méthodes alphabétiques. En effet, celles-ci partent de
l’apprentissage des graphèmes pour les combiner entre eux et jamais des mots
entiers ; elles ne peuvent donc pas répondre à cette exigence de
complémentarité et sont donc exclues des approches citées dans cet arrêté qui a
force de loi. (cf analyse détaillée de ce texte dans mon article du 31 mars
2006 : «Apprentissage de la
lecture : l’arrêté ministériel du 30 mars 2006 pérennise les pédagogies
actuellement utilisées et maintient hors la loi les méthodes
alphabétiques !»).
(*3) Bien parler, bien lire, bien écrire. Donner toutes leurs chances à vos
enfants, publié aux éditions Eyrolles en novembre 2005. (disponible en
librairie ou sur le site internet de votre choix en recherchant avec les mots
clefs «bien parler bien lire bien écrire» ).
- ce texte est également publié sur le site appy.ecole
contact éditions Eyrolles
Ghislaine Wettstein-Badour
Biographie
Ghislaine
Wettstein-Badour est médecin généraliste et exerce en libéral depuis
plus de 35 ans. Elle a consacré la plus grande partie de sa carrière à
l'accompagnement d'enfants d'âge scolaire et notamment de ceux qui sont
en difficulté.
Pour leur venir en aide, elle a mis au point des méthodes optimisées
d'apprentissage de la lecture et de l'écriture, puis, en partenariat
avec France Badour, de l'orthographe. Ces pédagogies respectent la
manière dont le cerveau apprend la langue écrite, et leur efficacité
est reconnue pour tous les élèves très jeunes ou adultes, qu'ils soient
ou non dyslexiques.
Présentation du livre
Pour
que son intelligence se développe, l'enfant doit d'abord apprendre à
bien parler, à bien lire et à bien écrire. Les parents jouent un rôle
irremplaçable dans cet apprentissage fondamental, qui commence dès la
petite enfance et se poursuit jusqu'à l'adolescence.
Afin de les aider dans leur rôle éducatif, ce petit guide pratique leur donne des conseils précieux pour :
- apprendre à leurs enfants à bien parler et comprendre ce qui leur est dit
- les accompagner dans l'acquisition de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe
- prévenir les difficultés qu'ils risquent de rencontrer
- diagnostiquer rapidement les éventuels signes d'échec
- apporter des solutions concrètes si cela est nécessaire
En s'appuyant sur les découvertes médicales les plus récentes
concernant le fonctionnement du cerveau, l'auteur donne aux parents des
informations précises pour comprendre les étapes et les enjeux de ces
apprentissages et il leur propose des exercices qu'ils pourront
facilement mettre en oeuvre pour développer l'intelligence de leurs
enfants.
Au sommaire
- Introduction
- Comment le cerveau apprend à lire et à écrire
- Le développement du langage oral chez l'enfant
- Faciliter l'apprentissage du langage oral et en corriger les imperfections
- Le développement du graphisme et de la latéralisation
- Faciliter le développement du graphisme et de la latéralisation et en corriger les imperfections
- Quelles sont les différentes méthodes d'apprentissage de la lecture et comment les identifier ?
- Les manifestations de l'échec dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe chez l'enfant
- Les différentes causes de l'échec dans l'apprentissage du langage écrit
- Les pédagogies optimisées de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe
- Comment aider un enfant en difficulté dans l'apprentissage de l'écrit, en fonction de son âge et de son niveau
- Conclusion
- Bibliographie
- Index
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