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Pour une école de la culture, contre l'inquisition pédagogiste - un blog de Michel Renard

Pour une école de la culture, contre l'inquisition pédagogiste - un blog de Michel Renard
  • défense de l'école des savoirs et de la culture, pour que l'école instruise vraiment les enfants des milieux populaires non favorisés culturellement, contre les destructeurs de l'école (libéraux, pédagogistes, démagogues...)
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26 février 2024

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    9 - Souvenirs, témoignages

classe de CM1, école Louise Michel
à Bezons (95), 1963-1964

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Identit__nationale_couv_d_f

un livre de Daniel Lefeuvre et Michel Renard :
Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?
(Larousse, sortie 22 octobre 2008)

"Nous contestons la dévalorisation, sans examen historique, d'un héritage qui a enfanté  l'humanisme de Montaigne, le rationalisme de Descartes, la résistance au fanatisme chez Voltaire, le souffle de Hugo. Mais aussi la Révolution française et la République, le courage de Gambetta, le choix absolu de la justice chez les dreyfusards, l'héroïsme des tranchées et les sacrifices de la Résistance. Avec Simone Weil, nous disons que l'amour du passé n'a rien de réactionnaire". - lire la suite

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EducationInit

un lien vers le site de veille-éducation, qui "met en avant la valeur de la transmission des contenus de connaissance contre les pédagogies constructivistes et souhaite participer à sa mesure à la valorisation du patrimoine culturel de notre histoire et de notre langue auprès des jeunes générations".

 

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26 juillet 2021

L'art de vivre à la Française passe aussi par la façon de s'exprimer !

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L'art de vivre à la Française passe aussi

par la façon de s'exprimer !

 

La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps.

La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression.

Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.

Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions. Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible.

Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.

L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots.

Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots.

Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ?

Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.

Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté.

Christophe Clavé
saisi sur Facebook

 

 

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25 octobre 2020

Vivement la rentrée des classes - égorgeurs

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Vivement la rentrée des classes

 

Messieurs les égorgeurs islamistes, pourquoi en rester là et ne viser que les professeurs d’histoire ?

Songez que dans l’école française les enseignants de biologie exposent l’évolution, l’origine animale de l’homme et la reproduction, que les professeurs de physique affirment que la Terre est ronde et n’est pas le centre de l’univers qui a 13,8 milliards d’années, qu’en E.P.S. on pratique la mixité des activités sportives, que les enseignants d’arts plastiques montrent des peintures et des sculptures de personnes nues, chefs d’œuvres de l’art occidental, que les professeurs de lettres citent Rabelais, Diderot, Voltaire, Baudelaire ou même Albert Cohen, que les professeurs de philosophie présentent l’athéisme antique et moderne ou la pensée de philosophes juifs, qu’en mathématiques le signe «+» s’écrit avec une croix, sans parler de l’écoute musicale ni de l’éducation sexuelle.

Ne restez pas inactifs devant tant de provocations qui heurtent et déconsidèrent les vérités éternelles du dogme.

L’école française prétend aiguiser les arguments et affûter les idées des élèves afin qu’ils puissent penser par eux-mêmes ; c’est inutile quand on dispose de couteaux aiguisés et de hachoirs affûtés pour maintenir la foi intacte.

N’oubliez jamais votre devise ; «Ceux qui disent que le Coran contient des passages violents, nous les tuerons pour prouver le contraire».

Et désormais on sait combien vaut la peau d’un prof, aux yeux de vos rejetons : 300 euros.

Décapiteurs fanatiques, encore un effort pour imposer la charia à l’aide du jihad, de la guerre sainte.

Laïcix, Gaulois résistant

 

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2 juin 2010

l'école de la Répubique, Jean-Paul Brighelli

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Finalement,

qu'est-ce que l'école de la République ?

Jean-Paul BRIGHELLI

 

«École de la République» : l’expression est globalement plus riche de sens que la somme de ses parties. Nous savons ce qu’est l’école — un lieu d’apprentissage et de transmission de savoirs, un espace de sociabilité aussi —, nous savons ce qu’est la République : une et indivisible, la «chose publique» qui appartient à tous, à travers le suffrage universel, et s’occupe de tous, à travers la Loi — en particulier pour nous garantir de l’oppression, que ce soit celle d’un individu ou d’une religion. Mais «l’école de la République» offre une polysémie bien supérieure au total de ces deux mots, parce qu’elle est riche d’un imaginaire tissé de mille expériences, de souvenirs personnels et collectifs, de nostalgie et de projets.

 

L’École existait avant la République, certes — et bien avant Charlemagne, n’en déplaise à France Gall… Mais il a fallu la République pour lui donner sa forme moderne, et, surtout, pour la donner à tous.

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Jules Ferry (1832-1893)

Bien entendu, la troisième République de Jules Ferry n’a pas inventé l’école ex nihilo. Dès 1870, le futur ministre de l’Instruction publique ne déclarait-il pas : «Je me suis fait un serment : entre tous les problèmes du temps présent, j’en choisirai un, auquel je consacrerai tout ce que j’ai d’intelligence, d’âme et de cœur, de puissance physique et de puissance morale : c’est le problème de l’éducation du peuple. L’inégalité d’éducation est, en effet, l’un des résultats les plus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de la naissance […] Je me suis fait un devoir : c’est de chercher à atténuer ce privilège de naissance en vertu duquel j’ai pu acquérir un peu de savoir, moi qui n’ai eu que la peine de naître.» Le bourgeois Ferry, pour lancer sa croisade, citait opportunément Beaumarchais : il sentait bien, au sortir de l’empire, qu’il appartenait à la nouvelle caste dominante, celle qui à la fois imposait (déjà) son modèle culturel, comme l’avait souligné Marx, mais saurait, pour la première fois dans l’histoire, donner cette culture au peuple, sous peine de sclérose.

Ferry dit cela le 10 avril 1870 : Émile Ollivier, républicain modéré, tente au même moment de sauver ce qui peut l’être de l’Empire et de Napoléon III. Mais il est en butte à l’opposition de la gauche républicaine — et moins de cinq mois plus tard, c’est Sedan et la fin du régime. Une école nouvelle peut enfin voir le jour.
L’École revenait de loin.

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Condorcet (1743-1794)

Les Encyclopédistes s’étaient battus les premiers pour ouvrir à tous un enseignement jusque-là dispensé aux seuls fils et filles de l’aristocratie — et à une bourgeoisie éclairée qui allait montrer la voie. « Le grief de la noblesse, disait Diderot, se réduit peut-être à dire qu’un paysan qui sait lire est plus malaisé à opprimer qu’un autre». Un homme du peuple qui sait lire et écrire commence par rédiger des cahiers de doléances — et finit par graver sur les murs des châteaux : «La liberté ou la mort» — cela faisait mauvais genre, avant 1789. La Révolution française — en l’occurrence Talleyrand — avait préconisé la gratuité de l’enseignement, et n’avait pas eu le temps de la mettre en place. Condorcet avait imposé le beau mot d’«instituteur», en lieu et place de «régent» — il préférait l’idée d’aider les hommes à se tenir droit (c’est le sens étymologique du mot, auquel seuls des ilotes préfèrent aujourd’hui «professeur des écoles») plutôt que la notion de commandement explicite dans le «régent» : il fallait désormais amener les hommes à la liberté par l’instruction, plutôt que les courber comme autrefois sous le poids de l’autorité. Parce que tout bien réfléchi, ce ne sont pas les classes laborieuses qui sont en soi dangereuses, mais les classes ignares.

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Joseph Lakanal (1762-1845)

Trois ans plus tard, Lakanal institue les écoles centrales, entre collège et université, où l’on dispensera un vrai enseignement scientifique — ne jamais oublier que ce sont des savants qui ont fait la révolution. Napoléon, monarque éminemment centralisateur et, par ailleurs, toujours en quête d’une élite, pour son armée ou pour son administration, tente de mettre sur pied une éducation réellement nationale, et crée les lycées — et le Baccalauréat. D’abord la loi Daunou, sous le Consulat, puis, à l’instigation de Portalis (ministre des Cultes — nous verrons que ce n’est pas tout à fait par hasard), un décret impérial (1808) met en place primaire, secondaire et supérieur.
Oui, il n’est pas tout à fait indifférent que Portalis soit, en même temps, ministre des Cultes : le jeu de balancier entre école démocratique et école religieuse commence alors.

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Jean-Étienne-Marie Portalis (1746-1807)

 

L'apprentissage de la liberté à travers le Savoir

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la Restauration, pour absolutiste qu’elle se prétendît, ne redonna pas immédiatement la main à l’Église. Elle inventa l’enseignement mutuel : ce n’était donc pas pour rien que les aristocrates avaient passé une partie de leur exil en Angleterre, puisque l’enseignement mutuel est une copie du monitorial system  britannique. Dans ce système, les enfants les plus avancés sont les tuteurs des enfants plus jeunes ou moins instruits — du coup, on s’épargne (relativement) le souci de former des maîtres, puisqu’un seul enseignant, en formant des élèves, forme aussi des auxiliaires d’enseignement.

Réaction outrée des conservateurs et de l’Église, qui constate qu’«habituer les enfants au commandement, leur déléguer l’autorité magistrale, les rendre juges de leurs camarades, n’est-ce pas là prendre le contre-pied de l’ancienne éducation, n’est-ce pas transformer chaque établissement scolaire en république ?» Oui, bien sûr… L’école de la République a pour fonction première d’enseigner la République — à travers des savoirs patiemment instillés, et non par l’imposition d’une autorité régalienne qui ne se donnerait pas la peine d’expliquer, ni véritablement de transmettre.

Au passage, comment ne pas remarquer que le monitorial system, tout comme son équivalent français, repose sur la mise en place de groupes de niveau ? C’était réfuter par avance l’idée centrale de ce qui sera plus tard le «collège unique», cette tendance à méconnaître la loi la plus fondamentale de l’École : tous les enfants ne suivent pas la même scolarité au même rythme, ni avec les mêmes compétences. Le prétendre, c’est condamner les meilleurs à l’ennui — et les moins dégourdis à la faillite.

Comment ne pas remarquer aussi que nombre de leaders de la Première Internationale sont sortis de ces écoles mutuelles ? L’enseignement mène à la critique, qui mène à l’insurrection, si un régime prétend limiter la liberté de savoir apprise à l’école. Le Second Empire en fera les frais, et la troisième République qui émergera des soubresauts de 1870-1871 rendra à l’École ce qu’elle lui aura donné — l’apprentissage de la liberté à travers le Savoir.

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François Guizot (1787-1874),
ministre de l'Instruction publique de 1832 à 1837

La loi Guizot de 1834 a rendu l’instruction obligatoire (pour toute commune de plus de 500 habitants…), tout en persistant à distinguer école publique et école privée — autant dire catholique, en ces années-là. La grande conquête, c’est l’école primaire ; la grande perte, c’est l’enseignement mutuel : Guizot, protestant, admirateur des pays protestants, veut réaliser dans l’enseignement la collusion de l’Église et de l’État qui existe dans les pays du nord de l’Europe. Aujourd’hui encore, dans la CEE moderne, ce sont ces pays qui imposent leur modèle pédagogique.

La révolution de 1848 ouvre une période d’effervescence législative brève (la troisième République ne dure que trois ans) mais féconde : Hippolyte Carnot, fils de Lazare Carnot, père de Sadi Carnot (il y a déjà des grandes familles républicaines, comme il y a de grandes familles nobiliaires — une aristocratie remplace l’autre) propose une loi mettant en place les principales lignes de la future réforme Ferry : obligation, gratuité et laïcité de l’enseignement, école primaire pour les garçons comme pour les filles, rémunération des instituteurs par l’État.

Mais le renversement de la République par Napoléon III ouvre la voie à Falloux, conservateur et clérical, qui brise le mouvement dans son élan. Le balancier oscille brutalement en faveur de l’école privée — la vieille comparaison de l’instituteur et du curé, en faveur du second, récemment réactivée par Sarkozy dans l’un de ses mauvais jours, remonte à cette époque. Un point positif cependant : les filles ont désormais accès à l’enseignement primaire — sous la férule des prêtres, puisque désormais une école privée vaudra une école publique, et les communes pourront prétendre avoir satisfait à la loi en installant sur leur sol des congrégations. «Il y a deux armées en France, avait expliqué Montalembert, chef du parti catholique, l’armée des instituteurs et celle des curés. À l’armée démoralisatrice et anarchique des instituteurs, il faut opposer l’armée du clergé».

Rien d’étonnant que Péguy, inversant la tradition issu de ce courant à proprement parler réactionnaire, ait évoqué plus tard les « hussards noirs » de la République, cette armée des instituteurs en blouse : l’opposition avec le bataillon noir des curés de village était déjà en place.
Et Thiers, le futur massacreur de la Commune, fustigeait le «commencement d’aisance» qu’il subodorait dans ce peuple partiellement instruit, et qui lui paraissait redoutablement porteur de désordre.

Le Second Empire, contraint par ses échecs extérieurs à lâcher du lest à l’intérieur, laisse donc des hommes moins partisans entrer aux affaires dans les cinq dernières années de son existence. Parmi eux, Victor Duruy (loi de 1867) qui organise enfin l’enseignement primaire féminin, invente le Certificat d’études (1866), l’École pratique des hautes études, et les bourses pour l’enseignement supérieur : la loi Ferry n’est pas sortie d’un sol vierge, le terrain scolaire avait été sérieusement labouré.

Enfin Ferry vint — en 1881, pour stipuler la gratuité, et l’année suivante pour imposer l’obligation scolaire, et la laïcité.

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le pape Pie IX (1846-1878), auteur de l'encyclique Quanta Cura
et du célèbre et très réactionnaire Syllabus (1964)

On se tromperait fort à entendre « laïcité » dans le sens global de « tolérance » auquel on le réduit aujourd’hui. La laïcité de la troisième République est un principe guerrier, la ligne de front dans la guerre entre République et Religion (les Pape IX et Pie X organisent, de 1870 à 1907, la résistance catholique contre la France laïque et progressiste). Ferry sait bien que la neutralité n’est jamais que l’autre nom de la soumission : il fait des instituteurs, et ses successeurs après lui, l’armée de la lumière républicaine face à l’armée de l’ombre vaticane.

L’École de la République est sortie de ces temps de conflit. Non seulement au niveau idéologique — n’entend-on pas aujourd’hui des échos de plus en plus nets de disputes théologico-républicaines que l’on croyait enterrées ? —, mais aussi au niveau pédagogique. Ces trente premières années de la troisième République, c’est aussi Ferdinand Buisson rédigeant la première bible de la pédagogie ; c’est Pauline Kergomard comprenant, avant Dolto, que tout se joue avant six ans, et inventant littéralement une école maternelle que le monde entier nous envie et que nous brûlons, donc, d’enterrer. Parce que derrière l’institution École, il y a un rêve — et c’est ce rêve qui a fait évoluer le système scolaire, c’est aussi ce rêve que l’on veut aujourd’hui briser.

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Ferdinand Buisson (1841-1932),
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uteur du monumental Dictionnaire de Pédagogie

Dans la déclaration de Ferry que j’évoquais plus haut («l’inégalité d’éducation est, en effet, l’un des résultats les plus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de la naissance»), on entend certes le passé — les privilèges révoqués en 1789 — et l’actualité (la République égalitaire). Mais on entend aussi l’écho des grandes déclarations de principe de l’homme-siècle, ce Victor Hugo qui prévenait : «Ouvrir une école, c’est fermer une prison» — et quelle prison plus sûre que l’ignorance ? «Je ne sais pas lire», avoue au poète l’incendiaire de la bibliothèque nationale dans l’Année terrible. L’élève nouveau, en accédant au savoir, accède à la liberté.

Que cette liberté soit aussi un affranchissement de «l’opium du peuple» ne fait aucun doute. Les fondateurs de la troisième République, de Ferry ou Grévy au petit père Combes, sont des francs-maçons laïcards, à une époque où l’Église attaque sans relâche la «Gueuse» — et se voit, en retour, confinée à la gestion du sacré, dans un monde en pleine déchristianisation — pendant que l’école dé-crétinise.
Pour arriver à combler ces divers objectifs, l’école de la République use de deux moyens complémentaires : l’instruction pour tous, et le dégagement des élites. Complémentaires, et non contradictoires, comme on voudrait aujourd’hui le faire croire.
La discipline en classe, les programmes ambitieux (ainsi, ceux de 1923, dans le Primaire, que réfutent si volontiers aujourd’hui ceux pour qui l’école n’est plus qu’un lieu de détente et de «citoyenneté»), les sanctions parfois sévères et les examens-couperets réguliers, tout concourt à donner à tous les fondamentaux de la liberté, tout en sélectionnant chacun selon ses aptitudes. Trier, c’est tirer chacun au plus haut de ses capacités, et non, comme on le voit aujourd’hui trop souvent, en revenir aux bénéfices de la naissance, à la loi du milieu — qui, pour être bourgeois, n’en est pas moins un milieu.

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Un retour urgent aux principes fondateurs

Les tentations pédagogistes des trente dernières années remettent en cause tout l’édifice républicain. «Aménager» la laïcité, comme on veut le faire, c’est renoncer à des idéaux humanistes qui mettaient l’Homme, justement, au-dessus du Ciel. Suggérer à l’élève de «construire lui-même ses propres savoirs», c’est accepter que certains arrivent en classe avec les bénéfices de la naissance — et, pratiquement, interdire aux autres de surmonter les handicaps liés à tel ou tel état d’infortune : l’école de la république est un anti-destin, et sous prétexte de «démocratisation», on en fait un lieu de perpétuation des privilèges et des ghettos.

Il est de toute première urgence d’en revenir aux rêves des fondateurs, quitte à les combiner aux réalités présentes. L’École, la vraie, oscille entre deux évidences, et choisir, c’est trahir : d’un côté, elle doit affranchir chaque individu du poids du «naturel», pour en faire un être de culture et de liberté ; d’un autre côté, elle doit aussi accepter et gérer la compétition. Elle est par excellence le lieu du bonheur différé — et non, comme le croient certains, celui du bien-être immédiat. La République ne peut survivre que si elle se renouvelle sans cesse, et l’école, à trop vouloir gommer les différences, à prêcher l’égalitarisme, ankylose tout le système, en créant, malgré elle, une nouvelle caste aussi rétrograde que celle des nobliaux d’Ancien Régime.

 

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À noter que cette tentation «démocratique», qui n’est rien moins qu’une visée totalitaire, correspond exactement à un conflit sous-jacent : celui qui oppose la tradition républicaine et humaniste, qui se fonde dans la combinaison des pensées de Rousseau et de Kant (le but ultime de l’activité humaine n’est pas le bonheur, mais la liberté), et la tradition utilitariste, qui est un altruisme pour lequel une action est bonne quand elle tend à réaliser la plus grande somme de bonheur pour le plus grand nombre possible de personnes concernées par cette action. C’est l’utilitarisme qui fonde par exemple aujourd’hui les formes radicales de l’écologie, qui prêchent un égalitarisme absolu entre les espèces, démocratie horizontale contre l’élitisme républicain d’essence verticale. Cela tient à ce que nous confondons le droit à l’instruction, qui doit être partout défendu et amélioré, et le droit à la réussite, qui est aussi eu évident que le droit à la santé par rapport au droit aux soins.

Les théories pédagogiques les plus égalitaristes, le refus par exemple de la notation, le «droit à la réussite pour tous», surfent sur l’utilitarisme, de séduction immédiate, sans insister sur le fait que l’apparent bonheur du plus grand nombre suppose la permanence des écarts de fortune et de culture existants — que l’on s’empresse en même temps de dénoncer, alors même que la pratique scolaire anti-républicaine les pérennise.

La métaphore de «l’ascenseur social bloqué», qui alimente les débats en cours, sort de cette opposition fondamentale : il ne peut y avoir d’ascenseur que dans un système résolument élitiste, qui est le système républicain, non dans une démocratie égalitariste, qui gomme les différences pour mieux les perpétuer. L’école «démocratique» gère des pandas, des palombes et des baleines, l’école républicaine forme des hommes, quitte à classer leurs aptitudes.

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école primaire avant 1914

Nous sommes à la croisée des options. Soit nous nous battons pour que revive la République, soit, sous un faux prétexte de démocratie, nous coulons les ambitions républicaines au nom d’un «droit d’expression» douteux. L’égalitarisme présent engendre dans les faits bien plus d’inégalités que jamais n’en enfanta l’idéologie scolaire la plus élitiste. Étêter les différences de capacités, c’est redonner de l’allant aux différences de naissance. Et de l’école de la République, il ne restera bientôt plus que des mots vides de sens — et plus aucun espace pour le rêve. «L’ignorance, c’est la force», clame le régime totalitaire imaginé par Orwell. Ainsi naissent les fascismes — de l’obligation de conformité, alors que la vraie culture républicaine est celle d’un anti-conformisme permanent, vivifiant, obtenu à force d’apprentissages sévères et d’efforts consentis.

Le maître, après tout, ne vise-t-il pas à être détrôné par les élèves qu’il forme — non parce qu’il leur reconnaîtrait, a priori, un droit à la différence dont on ne sait trop, en l’absence de performances, ce qu’il veut dire, mais parce qu’il les élève plus haut, toujours plus haut — plus haut que lui. C’est par l’obéissance de l’élève que l’on arrive effectivement à se passer de dieux et de maîtres — non par la complaisance du maître.

C’est à ce prix que l’on pourra à nouveau accueillir les nouveaux élèves des grandes écoles, ces havres de l’élitisme républicain, avec les mêmes mots qu’utilisait jadis le directeur de l’ENS Saint-Cloud (sise dans les communs de l’ancien palais de Napoléon III), Édouard Jacoulet : «Enfants du peuple et choisis dans son élite, parmi les meilleurs, vous allez être accueillis dans les restes du palais de nos rois pour y recevoir une éducation princière.»

mercredi 2 Juin 2010
blog Bonnet d'âne, Jean-Paul Brighelli

 

BaseElevesClasse

 


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14 mai 2010

L’exigeant idéal républicain

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L’exigeant idéal républicain ? Oui !

La démagogique idéologie constructiviste ?

Non !


La République française est trahie tous les jours, et de plus en plus, par les hommes politiques, les structures administratives et jusqu'aux institutions comme l'Éducation Nationale dont la mission est pourtant à la base du projet républicain des Lumières.
Cette décadence, cette ruine, cette déroute, dont sont de plus en plus conscients les élites aussi bien que le peuple, doit cesser au plus tôt, et en attendant, être dénoncée avec la plus ouverte franchise, avec l'intelligence la plus aiguë : les tromperies, les chantages, les compromissions qui rendent illusoire l'utopie républicaine méritent une destruction totale et impitoyable, un combat sans merci que la pensée des intellectuels est en devoir d'entreprendre.
C'est à l'école que tout commence, c'est de l'éducation que le citoyen procède. Il faut donc aller au cœur de la question. À quel point le système construit des individus intellectuellement et culturellement handicapés, et prépare des sociétés et des vies condamnées à l'inculture et à la médiocrité sur tous les plans, pour des élèves formatés par une éducation proprement pervertie, viciée.


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10 décembre 2009

immense entreprise de paupérisation de l’école

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l'histoire ne doit pas devenir

une langue rare


Philippe Baumel, maire PS du Breuil, réagit à la réforme du lycée en cours. Il considère qu'en dehors d'une réforme conjointe du collège, et sans un vrai projet pour réduire les inégalités entre établissements, les réformes actuelles ne vont nulle part. Et La course à l'optionnalisation, dont l'histoire est la nouvelle victime, ne fait qu'aggraver les problèmes.

Nouvelle étape du mouvement brownien engagé par le pouvoir, la réforme du lycée restera comme une personne_11531forme d’archétype de la méthode Sarkozy. Des bonnes intentions, des contradictions, un acharnement comptable suicidaire et cette petite touche, ce je-ne-sais-quoi de défiance envers les savoirs qui caractérise l’équipe du Président de la République.

Beaucoup l’ont dit mais il est sans doute bon de le répéter : une réforme du lycée sans réforme du collège est en soi inepte. Au-delà de ce constat, c’est à une réalité pesante sur notre société qu’il faut s’attaquer : celui de l’inégalité territoriale. Qu’on se rassure, les lycéens du Lycée Pasteur de Neuilly, ceux d’Henri IV, souffriront peu ou pas du tout de la réforme de Luc Chatel. Il est certain que, dans notre pays, les inégalités se creusent entre établissements et particulièrement entre les établissements ruraux et ceux des centres-villes les plus aisés. C’est ce qui explique que les éternelles bonnes intentions manifestées en matière scolaire soient vouées à l’échec du point de vue de la réduction des inégalités. On peut vouloir – et c’est heureux - renforcer les langues ou la filière littéraire… cela ne fait pas une logique globale, encore moins une politique…

Il est évident que développer les options a un avantage immédiat : cela permet de réduire des «coûts», de renforcer le numerus clausus au CAPES et à l’Agrégation. Cela contribue efficacement à suivre le fil conducteur de la politique scolaire du gouvernement : réduire l’éventail de la carte des formations. «Optionnalisons !» tel semble être le mot d’ordre du pouvoir. Contribuant ainsi à établir une inégalité territoriale de plus en plus évidente dans notre pays, il a délibérément choisi la voie du déclin…

Jusqu’ici les langues rares (bien qu’il faille définir ce qui est une langue rare), les langues anciennes, les disciplines artistiques faisaient les  frais de cette politique. On appauvrit la carte des formations, on appauvrit l’Éducation nationale, on appauvrit le pays. Et l’on est en droit de se demander s’il n’y a pas une stratégie bien plus dangereuse à moyen terme. Une fois l’École amoindrie, affaiblie, une fois cette immense entreprise de paupérisation de l’École achevée, ne nous tiendra-t-on pas le discours de la «nécessaire» privatisation de celle-ci au nom de «l’efficacité» ? Mais aujourd’hui, on ne s’arrête plus au cœur des «humanités », on va plus loin, on s’attaque, insidieusement, au lien social…

Coup terrible, l’idée de rendre l’histoire optionnelle en Terminale S prend une toute sa signification. On s’apprête à sacrifier une matière fondamentale de la formation des lycéens sur l’autel d’une idée aussi vague que fumeuse dictée par la volonté de réduire des coûts. La culture générale est un coût pour un Président de la République avocat d’affaire et un Ministre directeur du marketing. Or, le lycée n’est pas le lieu de la formation de spécialistes. Il doit être le lieu de la formation de citoyens capables par une culture commune, par des connaissances suffisamment larges de s’insérer dans la société, de participer à la vie de cette communauté civique qu’est la nation, de prendre part à la vie de la cité… Rendre l’histoire optionnelle c’est un peu, à mon sens, comme vendre les collections du Louvre au motif qu’elles vaudraient beaucoup d’argent ou expulser les Rougon-Macquart de nos bibliothèques au motif qu’ils prennent trop de place…

L’École ce n’est certes pas qu’une question de  «moyens». Mais un pays qui investit massivement dans l’Education, dans la connaissance, de la maternelle à l’Université est un pays qui gagne en moral collectif. Au contraire de l’actuel gouvernement, à l’image de ce que les majorités socialistes et progressistes font dans les Régions, il est grand temps, en France, de faire le pari sur l’intelligence.

Philippe Baumel, maire PS du Breuil (Saône-et-Loire)
source : Marianne.fr - 10 décembre 2009


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Que ne l'a-t-on entendu

quand les socialistes détruisaient eux aussi...

"Cette immense entreprise de paupérisation de l’École" dénonce ce maire socialiste. Bien. Très bien.

Que ne l'a-t-on entendu quand les socialistes au gouvernement menaient, eux aussi, cette entreprise de paupérisation de l'école : création des IUFM par Jospin, "mettre l'enfant au centre", diminution drastique des heures de mathématiques, de français, un élève entre en 2e avec autant d'heures de français qu'un élève sortant de 5e il y a vingt-cinq ans...

En septembre 2008, 58 % des élèves de 2e ont obtenu zéro à une dictée de douze lignes qui n'était que le texte de la dictée du brevet des collèges de l'année 1976...

Merci à tous les ministres socialistes, leurs experts, leurs copains syndicalistes, leurs militants "parents d'élèves"... qui ont réclamé, imposé, accompagné, avalisé toutes ces réformes régressives, toutes ces réformes qui ont cassé l'école de la culture pour en faire un lieu de garderie des crétins...

La paupérisation socialiste de l'école a préparé toutes celles qui ont suivi.

Michel Renard
professeur d'histoire

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17 avril 2009

pétition maintien géométrie

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Pétition pour le maintien de la géométrie

en classe de seconde

La géométrie ne figure plus dans le projet du nouveau programme de mathématique en classe de seconde. Il est réduit à la notion de point, de droite, de milieu d'un segment, de distance entre deux points et d’équation d'une droite dans le plan !

Jusqu'ici le programme avait en plus les thèmes fondamentaux suivants : vecteurs, transformations du plan, triangles semblables et géométrie dans l'espace.

Dans le projet susmentionné, ces thèmes sont remplacés par des notions, certes intéressantes, telles que les probabilités, les statistiques et quelques méthodes algorithmiques. Cependant, ceci s’est fait au détriment de la géométrie qui a toujours eu une place importante dans les programmes.

Et ce n'est pas un hasard : elle donne lieu à des problèmes mathématiques qui font appel à la logique, à l'abstraction, aux connaissances acquises mais aussi aux facultés d'observation et à la prise d'initiative.

Elle est une matière idéale pour former l'esprit des élèves à la rigueur et au raisonnement. Elle permet aussi de mieux appréhender le monde géométrique qui nous entoure. Rappelons aussi que la géométrie occupe depuis longtemps une place majeure dans la recherche mathématique française.

Ce projet entrainera une baisse drastique du programme de géométrie en classes de première et terminale et est un grand recul pour la formation des élèves.

Nous demandons la modification du projet de programme de mathématique de la classe de seconde et réclamons la réintégration du programme actuel de géométrie.

** signer la pétition **

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commentaire sur le site college.lire-ecrire.org

Nouvelle attaque contre le bon sens ou simple abdication devant le faible niveau des élèves en fin de collège : le projet de nouveau programme de mathématique pour la classe de seconde fait disparaitre les seuls éléments restant un peu complexes et formateurs pour l'esprit.

En seconde, on n'entendra plus parler que de point, de droite, de milieu d'un segment, de distance entre deux points et d’équation d'une droite dans le plan !

Un professeur de classe préparatoire expliquait récemment que s'il faisait aujourd'hui le même cours de mathématiques qu'il y a 10 ans, un seul de ses élèves serait capable de suivre. Sans doute n'a-t-il pas encore vu le pire. Et l'on s'étonne ensuite que le nombre de vocations scientifiques diminue.

Il est encore temps de résister en signant la pétition pour la maintien de la géométrie au programme de seconde.

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24 mars 2009

Ils sont marrants cette année (chanson des Fatals Picards)

Les Fatals Picards : La sécurité de l'emploi : à écouter ici

FATALSPICARDS

Ils sont marrants cette année,
c'est difficile de deviner dès la rentrée
Lequel se fera arrêter pour les scoots qu'il aura piqués
Lequel sera incarcéré pour avoir trop dealé.

Moi en bon prof, chuis préparé
Un peu de maths et de français,
du kick-boxing, du karaté.
Tant pis pour la géographie
ce qu'ils connaissent de l'Italie
c'est juste vaguement les spaghettis
et Rocco Siffredi.

Au programme de cette année
en français faudrait arriver à lire tout un livre en entier.
Mais même Dan Brown et Marc Lévy
y a plus d'cent mots d'vocabulaire
On sera toujours à lire la préface
même après l'hiver.

Et mon voisin en me voyant
me dira "Bandes de fainéants,
alors vous êtes déjà rentré,
vous savez pas c'que c'est d'bosser,
avec vos semaines de 20 heures,
vous bossez bien moins qu'un facteur,
et dire que je paye tous vos congés,
et puis vous êtes même pas bronzés".

Cent copies à corriger,
2-3 Prozac, 8 cafés,
Mais j'l'entends quand même dire d'en bas
"J'compte même pas la sécurité d'l'emploi".

C'ui aux lunettes, c'est mon surdoué.
Il sait écrire son nom sans fautes, il sait compter, wow !
Bah, c'est pas mal pour un 3e. Il faut savoir s'en contenter.
C'est clair qu'un intello pareil, il va se faire racketter.

35 élèves, cette année, j'leur ai d'mandé
c'qu'ils voulaient faire comme métier
J'ai 10 Zidane, 15 Amel Bent et 9 Booba
un original qui veut faire vigile et avocat
il a dû voir chez Courbet,
que c'était pas mal d'être avocat
si jamais t'allais en prison.
Ils croient qu'ils auront leur brevet
en regardant l'Île de la Tentation.
Merci pour tout ce que fait pour eux la télévision.

Et mon voisin, le même qu'hier,
me dira : "Bandes de fonctionnaires,
alors vous êtes déjà rentré,
vous savez pas ce que c'est de bosser,
avec vos semaines de 20 heures,
vous bossez moins qu'un contrôleur,
et dire que je paie pour mon gamin,
il a redoublé son CE1".

Vite les bulletins à remplir,
2-3 Prozac, et 8 kirs.
Mais j'l'entends quand même dire d'en bas :
"J'compte même pas la sécurité d'l'emploi".

Les directives du ministère
Nous imposent d'faire des réunions plus régulières.
On en fait même pour planifier
les prochaines réunions
Ou pour décider de c'qu'on peut donner
sans risques comme sanctions.

Fini les notes, de temps en temps
Faut juste leur envoyer des SMS d'encouragement.
l'évaluation c'est pas toi qui la fais, eux y't'disent si t'es cool.
j'préfère encore qu'ils me donnent des notes plutôt que des coups de boule.

Impossible de les faire redoubler
Les pauvres chéris faut surtout pas les perturber
Les programmes faut les simplifier
y a trop d'leçons ça les assomme
Ils ont même proposé de donner
le bac avec la prochaine... Playstation.

Et mon voisin, vous l'connaissez,
me dira : "Bande de surpayés,
vous foutez rien de la journée,
vous devez pas être fatigués,
avec vos semaines de 20 heures,
vous bossez bien moins qu'un chômeur,
et pis pas d'chef et pas d'rendement,
c'est pas pour c'que vous faites vraiment.

Les parents à rencontrer,
2-3 Prozac, 8 Grand Marnier.
Et vu leur investissement,
l'année prochaine ira pas en s'arrangeant.
Faudra p't'être songer à les adopter,
venir les lever le matin, le soir les coucher.
Et p't'être dormir à leur place
pour qu'ils restent éveillés en classe.

La prof de gym n'est pas venue,
s'est faite agresser dans la rue,
mais bon ils l'avaient avertie,
ils veulent pas d'sport avant midi,
ils peuvent d'jà pas fumer en classe,
et ça déjà c'est dégueulasse.

Entre chaque cours une bière, un joint,
c'est quand même pas des gros besoins...
Cette fois-ci c'est décidé,
mes gosses iront dans le privé,
j'ai beau r'garder à deux fois,
j'la vois pas tant qu'ça, la sécurité d'l'emploi.

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les Fatals Picards

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9 mars 2009

pondérer différemment la culture générale et le français

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le nivellement par le bas

Nouvelle offensive vers l'inculture, impulsée par l'État : "il faut rendre moins discriminants les concours aux grandes écoles, en pondérant différemment la culture générale et le français. Il faut être beaucoup plus démocratique à l'entrée des grandes écoles, et probablement plus sélectif à la sortie", Yazid Sabeg, Le Monde, 6 mars 2009.

Le non-dit de cette proposition est l'idée que les "enfants issus de la diversité" (avant, on disait : "enfants issus de l'immigration"...) ne sont pas capables d'accéder à la culture générale et à la langue française... Bravo...!


réaction d'un abonné du Monde :

Sofiane H.
07.03.09 | 21h32

La culture générale et le français sont ce qu'il y a de plus important dans le recrutement des hauts fonctionnaires. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Je n'ai pas confiance en ce Yazid Sabeg et son désir de tout niveler par le bas.


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30 janvier 2009

orthographe : la dégringolade se poursuit

Dictee




infirmité grammaticale,

infirmité de pensée


- interview de Fanny Capel, du collectif "Sauvez les Lettres" sur RTL, le 30 janvier 2009 après le test soumis à 1300 élèves de lycées : la dictée du Brevet des collèges de 1976. Les deux tiers des candidats ont eu zéro...!

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Sauver les Lettres


communiqué de presse du 27 janvier 2009

maîtrise de la langue en seconde : la dégringolade prévisible

se poursuit !

Selon le test de rentrée effectué en septembre 2008 par Sauver les lettres sur 1348 élèves de seconde, ce sont désormais près de deux jeunes lycéens sur trois qui ne maîtrisent pas l’orthographe de base, et plus de huit sur dix qui ne maîtrisent pas l’analyse logique des phrases. Ils sont encore plus nombreux qu’en 2004, lors du précédent test.

Sauver les lettres publie les résultats de sa troisième évaluation du niveau d’orthographe et de grammaire à l’entrée en classe de seconde.

Comme en 2000 et en 2004, des professeurs de lycée de grandes villes et de villes moyennes, à Paris, en banlieue et en province, ont fait passer à leurs élèves de seconde, en septembre 2008, l’épreuve de français du brevet des collèges de 1976 : une dictée d’une douzaine de lignes, de difficulté moyenne, à laquelle a été appliqué le barème de l’époque ; assortie de questions de vocabulaire et de grammaire vérifiant les connaissances censées être acquises au collège. L’ensemble figure ici : http://www.sauv.net/test2008.php.

Les résultats confirment la dégradation de la maîtrise de la langue des jeunes lycéens : 58 % des élèves testés ont obtenu zéro ; à peine 14 % ont la moyenne ! Sur un texte simple, près d’un élève sur deux (48,44%) a fait plus de quinze fautes, près d’un élève sur trois (28,85%) a fait plus de vingt fautes et 8,5% des élèves ont fait plus de trente fautes.

La majorité écrasante de ces fautes concernent les accords et la conjugaison, et témoignent d’une ignorance abyssale du fonctionnement logique de la langue, ce que confirment les réponses aux questions de grammaire. Après huit années de scolarité, un élève sur deux ne reconnaît pas un complément d’objet direct, et plus de huit sur dix ne repèrent pas un sujet inversé ; près de 44% se révèlent même incapables de transposer une phrase du singulier au pluriel !

Résultats détaillés consultables ici : http://www.sauv.net/eval2008analyse.php.

La mesure du désastre est prise. Si la chute du niveau n’est pas aussi spectaculaire qu’entre 2000 et 2004, c’est qu’on ne saurait sans doute tomber beaucoup plus bas. Il serait stupide d’utiliser ce constat d’échec pour justifier la casse d’une école publique qui ne fonctionnerait plus – ce que préparent aujourd’hui MM. Sarkozy et Darcos. Au contraire, ce test en dissuade, car il mesure les effets catastrophiques des casses antérieures : diminution des contenus en primaire et au collège, baisse continue des horaires de collège, création de lacunes chez des élèves à qui on ne laisse plus le temps de comprendre, de pratiquer et d’assimiler.

l est temps d’inverser le mouvement au lieu de l’amplifier par des économies à terme ruineuses. Loin des préoccupations libérales de l’OCDE, qui donne le mode d’emploi de la destruction de l’école (" Si l'on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse […]. Les familles réagiront violemment à un refus d'inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l'enseignement [1]") et inspire les contre-réformes actuelles, trompeuses (le saupoudrage d’ "aides" diverses au lieu d’enseignement) ou destructrices (la diminution des postes d’enseignants et des heures de cours), des mesures radicales doivent être prises.

Il s’agit d’œuvrer à reconstruire un enseignement systématique et rigoureux de la langue française à l’école, apprentissage crucial qui conditionne tous les autres et qui ne doit plus être indéfiniment repoussé, dilué au cours de la scolarité – encore moins confié aux officines de cours privés, et autres " coaches " en orthographe qui fleurissent aujourd’hui dans les entreprises.

L’association Sauver les lettres réclame donc :

- un rétablissement des horaires de français d’avant 1976 (voir le détail ici : http://www.sauv.net/horaires.php) ;
- une véritable formation, solide et unifiée, des instituteurs et des professeurs de français à la grammaire ; or, la réforme annoncée des concours de recrutement prévoit de juger les candidats davantage sur leur conformité idéologique ou pédagogique à un modèle figé que sur leurs compétences dans leur discipline (cf http://www.sauv.net/fx081215.php ) ;
- des programmes consistants, cohérents et progressifs : au niveau primaire, une étude systématique des éléments de la conjugaison et de la phrase (aujourd’hui, le subjonctif, par exemple, ne figure plus au programme) ; au collège, un programme qui pourrait s’inspirer du projet rédigé par l’association Sauver les lettres et l’association Dictame (http://www.sauv.net/projetprogcollege.php ) ;
- une vérification sérieuse de la maîtrise de la langue dans les examens (brevet des collèges et baccalauréat), qui éviterait sans doute l’échec massif à l’université et la mise en place de "béquilles" trop tardives dans le monde professionnel (tutorat, stages de français…).

Si de telles mesures tardent à être prises, c’est l’avenir des jeunes qui est durablement compromis : non seulement leur avenir professionnel – les problèmes de langue sont un obstacle majeur à la promotion sociale -, mais aussi leur devenir d’hommes. La maîtrise de la langue est en effet le premier instrument de l’exercice de la pensée critique et du développement de la conscience de soi.

Collectif Sauver les lettres

[1] Christian Morrisson, La Faisabilité politique de l'ajustement, Centre de développement de l'OCDE, Cahier de politique économique n°13, OCDE 1996.

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source


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6 décembre 2008

après Ronsard, Mme de La Fayette

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Dehors, la culture générale !

Pierre ASSOULINE


Finalement, nous y voilà. Que ceux qui nous reprochaient d’accorder trop d’importance à la sarkozienne détestation pour la Princesse de Clèves le reconnaissent : il y avait bien une intention cachée sous la robe de Mme de La Fayette. Ça a mis le temps mais c’est là et ça éclate même en lettres de néon dans Le Figaro de ce matin par la voix d’André Santini, secrétaire d’État à la Fonction publique : la culture générale va être chassée des concours administratifs. Dès l’année à venir, les épreuves seront mieux adaptées aux compétences requises par les candidats. Se basant sur le rapport de deux inspecteurs, l’accès aux concours va donc être réformé. Il s’y dit notamment que cette réforme doit permettre aux classes populaires et notamment aux enfants d’immigrés, d’être en mesure de postuler. Au nom de la diversité et de l’égalité des chances.

“Nous avons atteint les limites d’un élitisme stérile”. Le message d’André Santini est clair : moins de connaissances, plus de compétences. Il a également révélé un scoop : outre le traumatisme personnel de l’élève Sarkozy avec la Clèves, la secrétaire du président de la République, fonctionnaire de catégorie C (la moins qualifiée) a raté un concours interne parce qu’elle ignorait qui était la princesse… “Discrimination invisible !”s’enflamme M. Santini. Lui parle-t-on d’une baisse de niveau redoutée, il répond “Efficacité!”. Lui est-il jamais venu à l’idée que l’on pouvait aussi, éventuellement, tirer les gens vers le haut, puisque vers le bas la télévision s’en charge déjà ? Consternant.

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Répétons-le une fois de plus : ceux qui soutiennent la culture générale dans ce type de concours ne le font dans l’idée de coller un futur pompier sur la bataille de Lépante ou une future iconographe de la Mairie de Paris sur une question de droit public. Il ne s’agit pas de refaire “Questions pour un champion” mais de posséder un niveau de langue minimum appuyé sur des connaissances. Le but n’est pas de coller le candidat sur les véritables intentions du duc de Nemours telles qu’elles apparaissent à travers sa déconstruction lexicale, mais de faire lire La Princesse de Clèves pour enrichir notre langue à tous dans les rapports quotidiens entre administrés. Il est d’autant plus curieux d’avoir à rappeler tout ceci que, ceux qui jettent la culture générale aux orties reconnaissent eux-mêmes que les candidats à des postes de secrétaires administratifs ou d’agent d’accueil du Sénat sont surdiplômés en raison de la crise de l’emploi !

Est-il normal que tant de gens (chauffeurs de taxi, gardiens de la paix, fonctionnaires de la Ratp ,etc) soient handicapés lorsqu’ils cherchent une rue sur un plan parce ce qu’ils n’ont aucune idée de la manière dont s’écrit un nom historique pour n’en avoir jamais entendu parler ? Récemment encore, j’ai porté plainte au commissariat pour vol. La jeune policière qui a pris ma déposition, avec une certaine difficulté, m’a tendu ma déposition à signer ; je l’ai lue et j’ai refusé tant c’était de la bouillie à tous égards. Je lui ai proposé gentiment de la réécrire, ce qu’elle a accepté avec enthousiasme. On en est là. Et c’est le moment qu’on choisit pour abaisser un peu plus le niveau au motif démagogique de la prétendue “égalité des chances” ? Comme si c’est là que ça se passe et non bien en amont, à l’école et à la maison !

   On croit savoir que le service de découpage de l’Élysée, de concert avec son service de traduction, devrait bientôt déposer sur le bureau du président de la République un texte de nature à bouleverser sa stratégie en matière de politique sociale (mais ça, contrairement à la réforme annoncée, hélas, c’est du troisième degré, attention…). Cet article du New York Times lui avait en effet échappé car, s’il est de notoriété publique que le chef de l’État épluche systématiquement ce qui s’y publie à la rubrique littéraire, il fait l’impasse sur sa rubrique «Santé» dans lequel il est paru récemment. Il fait état de la nécessité pour un certain nombre de métiers, notamment les médecins, d’inclure la littérature dans leurs études. Un rapport montre en effet que l’exposition d’internes normalement constitués au rayonnement de grands textes de prose peut à terme modifier leur analyse clinique ; il préconise de leur faire écrire des nouvelles, de brefs essais et de la poésie. Les théoriciens de cette pratique l’appellent narrative medicine. Anton Tchekhov poussa si loin cette logique qu’il abandonna la médecine pour la littérature.

Sans aller jusqu’à cette extrémité, ils estiment que le training littéraire des étudiants en médecine, tels qu’ils ont pu l’analyser ces quinze dernières années dans différentes facultés, développe par la suite l’instinct compassionnel des médecins ; leur savoir-faire y gagne en empathie, notamment pendant les opérations chirurgicales ; ils sont plus enclins à partager, et donc à comprendre, le point de vue et les angoisses de leur patient. Ils se mettent plus naturellement à la place de l’Autre. La lecture d’œuvres de Tolstoï et de Virginia Woolf en particulier, et les discussions de groupe autour des enseignements à tirer de leurs œuvres, sont particulièrement profitables, notamment durant l’internat. Tant et si bien que le Saint Barnabas Medical Center de Livingston, dans le New Jersey, a rendu cette pratique obligatoire ; les étudiants en chirurgie de l’université Vanderbilt et les futurs gynécologues qui étudient à Columbia doivent également passer par les classiques de la littérature.

Il s’agit de sauver des vies. Dans l’administration en France, en apprenant à mieux se parler et à mieux se comprendre au quotidien grâce aux quelques diamants que recèle notre culture, il s’agit aussi de sauver la langue française. Ce n’est pas moins noble.

Pierre Assouline, blog, 2 décembre 2008

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"carte du Tendre", XVIIe siècle


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18 novembre 2008

Ronsard censuré par la Halde... (au secours !)

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le délire du politiquement correct

contre la culture !

Ronsard censuré par la Halde... (au secours !)


Suite à l’appel d’offre lancé par La Halde, l’Université Paul Verlaine-Metz a concocté, pour la modique somme de 38000 euros (merci les contribuables), une étude de 207 pages sur "la place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires".

Le clou, emblématique, du rapport, est ce passage : "certains textes pourraient contenir des stéréotypes. Par exemple, en français, le poème de Ronsard «mignonne allons voir si la rose» est étudié par tous les élèves. Toutefois, ce texte véhicule une image somme toute très négative des seniors. Il serait intéressant de pouvoir mesurer combien de textes proposés aux élèves présentent ce type de stéréotypes, et chercher d’autres textes présentant une image plus positive des seniors pour contrebalancer ces stéréotypes".

novembre 2008

question subsidiaire : quelle est la position de nos syndicats sur ce rapport et, plus généralement, sur le rôle de la Halde ? (Michel Renard, professeur d'histoire)

- sur le rapport de la Halde, lire aussi : François Devoucoux du Buysson, fondateur de l'Observatoire du communautarisme


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qui a écrit le rapport de la Halde

sur "la place des stéréotypes et des discriminations

dans les manuels scolaires" ?

Michel RENARD


Les deux principaux auteurs sont :

- Pascal Tisserant (université Metz) qui est maître de conférence "en psychosociologie" et qui appartient à une "équipe transdisciplinaire sur l'interaction et la cognition" (sic...!!) (je me sens parfois devenir maoïste : rééduquez-moi ces zozos !)

- et Anne-Lorraine Wagner, titulaire d'une maîtrise de psychologie effectuée sous la direction du précédent...

Deux diplômés-incultes qui ont été payés 38 000 euros pour diriger une équipe de sous-incultes... Et la presse s'est jetée la-dessus sans aucune vérification.

Je propose de traduire ces deux-là devant un tribunal pour crimes contre les humanités.

Michel Renard


- télécharger le rapport sur le site de la Halde :
http://www.halde.fr/Etude-sur-les-stereotypes-dans-les,12608.html

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Premier prix de la sottise et de l’inculture

à La Halde
qui veut interdire

l’étude de certains poèmes de Ronsard

Christine TASIN, professeur de Lettres classiques


Donnez chaque année à une officine 11 millions d’euros pour servir d’arbitre et d’avocat aux adeptes du communautarisme, et elle va, d’un coup de baguette magique, remodeler la société idéale à ses yeux en s’attaquant à tout ce qui la gêne.
Alors, évidemment, il est normal que cette "Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité" utilise une partie de son pactole pour que des prétentieux incultes et narcissiques, gonflés de vacuité et de statistiques, décident des poèmes de Ronsard qui doivent être étudiés, sans comprendre que la postérité se contrefiche de la discrimination et des stéréotypes. Cela donne envie de faire avaler son dentier au Président de la Halde, Louis Schweitzer !

En effet, suite à l’appel d’offre lancé par La Halde, l’Université Paul Verlaine-Metz a concocté, pour la modique somme de 38000 euros (merci les contribuables), une étude de 207 pages (1) sur "la place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires", à se rouler par terre. Je me suis même prise à espérer, en le lisant, qu’il s’agissait d’un sabotage délibéré, propre à discréditer à jamais La Halde et ses menées tendancieuses, comme le montre la série de Roger Heurtebise dans les numéros 17 à 42 (2) de Riposte Laïque.

Hélas, le sérieux du rapport, noyé dans des références, des chiffres, des considérations sociologiques et psychologiques alliées à la publicité qui en a été faite dans les medias m’ont ramenée à la triste réalité.

Il fallait débourser 38000 euros pour apprendre que les manuels scolaires sont fabriqués par d’affreux misogynes, sexistes, homophobes, handicapophobes, seniorophobes, racistes, colonialistes, mégalomanes, j’en passe et des meilleures, et que nos chers petits y apprennent ce qu’il ne faut pas !

il faudrait refaire l’histoire,

D’abord, on félicitera les auteurs du rapport pour l’art d’enfoncer les portes ouvertes : ils stigmatisent le nombre insuffisant de femmes présentes dans les manuels scolaires, ce qui est forcément discriminant… et s’étonnent d’y trouver moins d’auteures (ah ! cette mode anglo-saxonne de mettre des "e" aux noms en "eur" pour les féminiser, quelle laideur inutile !) que d’auteurs, moins de personnages historiques féminins que masculins, moins de scientifiques femmes que hommes etc.

En gros, pour complaire à ces inconscients incultes il faudrait refaire l’histoire, modifier a posteriori la place des femmes dans la société, ajouter une jupe à Charlemagne, mettre Laetitia Bonaparte sur le trône de France et laisser le petit Napoléon dans ses jupes, prénommer Socrate Xanthippe, du nom de son épouse ou raser la moustache d’Einstein…

Quant au passage sur l’Afrique et les Africains, dont on sait qu’ils ont besoin, ô combien, de l’aide des pays développés, c’est à se tordre : un homme blanc qui tient par la main un petit Africain ? Ce serait un affreux colonialiste, exploiteur, convaincu de la suprématie de la race blanche. Les photos de l’Afrique et du Maghreb en montrent la misère ? Ce serait un scandale et une vision subjective de ce contient. Et comment convaincre le contribuable français qu’il doit mettre la main à la poche pour aider ses frères Africains si l’on ne voit que les limousines et les palais des dictateurs de ces pays-?

Evidemment, la religion n’échappe pas au jeu de massacre : pour illustrer l’islam on montre une photo de la mosquée de Jérusalem ? Ce serait choquant, car cela supposerait que la religion musulmane est "une religion étrangère à la France". Ne vous en déplaise, messieurs, c’est vrai. L’islam est pratiqué par une minorité de citoyens français et c’est une religion qui ne respecte pas les valeurs de notre pays. Elle est donc étrangère à la France et le restera si elle n’évolue pas.

Le clou, emblématique, du rapport, est ce passage : "certains textes pourraient contenir des stéréotypes. Par exemple, en français, le poème de Ronsard «mignonne allons voir si la rose» est étudié par tous les élèves. Toutefois, ce texte véhicule une image somme toute très négative des seniors. Il serait intéressant de pouvoir mesurer combien de textes proposés aux élèves présentent ce type de stéréotypes, et chercher d’autres textes présentant une image plus positive des seniors pour contrebalancer ces stéréotypes". [p. 181 du rapport]

Ainsi, ces pisse-froid qui ont concocté le rapport et ceux qui l’ont accepté osent-ils se mêler de littérature. Ainsi osent-ils décréter ce qui doit être lu, étudié et qui serait politiquement correct !
Peu leur chaut que Ronsard soit passé à la postérité (rassurons-nous, ni Louis Schweitzer ni les cuistres auteurs du rapport en question ne viendront pourrir les yeux et les oreilles de nos descendants, c’est déjà une consolation !) grâce à des poèmes dans lesquels chacun se retrouve parce qu’ils touchent à l’universel ; peu leur chaut que deux des plus connus portent sur une peur, essentielle aux yeux des hommes, celle du temps qui passe, celle de la décrépitude liée à la vieillesse, celle de la mort et du néant qui nous guettent. Peu leur chaut que Ronsard mette son talent à défendre un principe épicurien, le "Carpe Diem" d’Horace, "cueille le jour", autrement dit "profite du moment présent".

Ils font comme si, en apprenant l’exquis Mignonne, allons voir si la rose, et notamment les vers :

Cueillez, cueillez votre jeunesse
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté

les élèves découvraient que l’on séduit plus facilement à 20 ans qu’à 80, que les formes et la douceur de la peau étaient plus attirants à 20 ans qu’à 80, qu’il est plus facile de rencontrer (d’avoir !) un amant à 20 qu’à 80 ans !!!!!!!

Qu’attend la Halde pour faire interdire toutes les publicités qui me disent que je dois acheter des crèmes "pour peau mature" - joli, l’euphémisme pour ne pas parler de "vieille peau" ! - et que je dois "lutter contre les rides de la cinquantaine" ???

aucun stéréotype

Il faut avouer que notre bon Ronsard aggrave son cas, et les auteurs ont oublié de le citer, avec le plus connu de ses Sonnets pour Hélène, "Quand vous serez bien vieille" où notre vieux (il a plus de 50 ans) poète libidineux essaie de convaincre une jeune beauté de répondre à son amour. Il la projette dans le futur, quand elle est devenue une "vieille accroupie", "assise auprès du feu, dévidant et filant" et qu’elle n’aura plus pour tout viatique que le souvenir des bons moments de sa vie, à savoir l’amour de Ronsard.

Que retient donc, à votre avis, notre verte jeunesse de ces poèmes de Ronsard ? Que la vieillesse est une chose horrible ? Pas du tout, ils s’en moquent totalement, parce qu’à 15 ans on se croit beau et jeune pour l’éternité. Qu’ils doivent se dépêcher de jouir sans entraves par peur de la mort qui va arriver ? Pas du tout parce qu’à 15 ans on croit qu’on a le temps, de choisir, de faire des rencontres, de chercher le bonheur et l’amour.

Par contre, ils se hérissent contre ce qu’ils appellent les tentatives de manipulation de Ronsard, cherchant à faire peur aux femmes pour les mettre dans son lit. Ils se hérissent contre le chantage implicite qui voudrait voir Hélène lui céder parce qu’il est poète et qu’un peu de sa gloire pourrait rejaillir sur elle.

Ils sont sensibles à la beauté des images, à la force épicurienne, à l’harmonie qui se dégage des vers, oui, mais, je vous l’assure, ils n’en tirent aucune information et, encore moins, aucun stéréotype, sur les seniors…

Et c’est de tout cela que La Halde et les auteurs du rapport voudraient les priver ? À moins qu’ils ne veuillent nous contraindre à "rééquilibrer", à "compenser" en proposant à nos chères têtes blondes, rousses, noires, lisses, crépues, bouclées (j’en oublie forcément, cela va me valoir un procès !) je ne sais quel texte insipide mais contemporain et accessible à tous criant "nique ta mère"… histoire de revaloriser une jeunesse trop facilement et trop souvent décriée ?

Comme vous pouvez l’imaginer, commentateurs, gens d’esprit, de bon sens et de culture s’en sont donné à cœur joie : si vous fouinez un peu sur Internet, vous allez trouver quelques-uns des joyaux, commentaires, satires et pastiches désopilants qui fleurissent pour dénoncer le ridicule de la dernière invention haldesque.

Nous vous en recommandons trois, il y en a d’autres, qu’ils nous pardonnent de ne pas pouvoir les citer tous. D’abord, un festival d’esprit sur le blog de Voltaire-République(3), qui décline à l’envi ce que pourrait devenir "Mignonne, allons voir si la rose", revisité selon les conseils de la Halde ! Il nous offre des pastiches délirants et, pour finir, un très joli et impudique poème de Louise Labé à savourer en ces temps de retour à l’ordre moral et aux interdits ! Ensuite, une analyse caustique, fine et exhaustive de l’ensemble du rapport que propose l’Observatoire du Communautarisme(4). Enfin, un vrai délire, plein d’humour, sur le blog du Causeur(5).

Néanmoins, hélas, outre le fou rire, salutaire, que nous a procuré cette étude, il y a un passage fort inquiétant : Il paraît donc nécessaire de créer une instance chargée de l’observation des manuels scolaires. Composée de divers spécialistes - et à ce titre les personnels de la Halde pourraient éventuellement y trouver leur place – le “comité de vigilance” serait un compromis acceptable entre le respect de la liberté d’édition et le besoin d’évaluation.

Ainsi, outre le déni de réalité, outre le désir affiché de mettre le réel aux ordres de l’idéologie, La Halde revendique-t-elle la nécessité d’un comité de surveillance, autrement dit le retour à la bonne vieille censure, dans laquelle elle réclame même la part du lion, elle sait faire, et il y a sans doute quelques millions d’euros supplémentaires à glaner !

Cela s’appelle de la propagande digne des régimes totalitaires. Oui, la société que veut nous imposer la Halde est une société inquiétante, il n’y a plus de place ni pour la poésie, ni pour l’histoire, ni pour la vérité, ni même pour le simple principe de réalité. Sauve qui peut ! Il faut demander, d’urgence, la "dissolution de ce machin", comme le dit notre ami Roger Heurtebise, à moins que l’on ne se contente de la solution préconisée par Le Causeur(5) " Mon diagnostic est simple : cette Haute Autorité-là est une maison de fous, qu’il faut faire évacuer immédiatement par la force publique."

Christine Tasin
professeur de Lettres classiques
mardi 18 novembre 2008
source : ripostelaique


(1) http://www.halde.fr/Etude-sur-les-stereotypes-dans-les,12608.html
http://www.halde.fr/IMG/pdf/Etude_integrale_manuels_scolaires-2.pdf
(2) http://www.ripostelaique.com/Halde-la-1-Porno-une-Lolita-blonde.html
(3) http://voltaire.republique.over-blog.com/article-24636809.html
(4) http://www.communautarisme.net/Manuels-scolaires-Halde-au-sketch-!_
a1028.html?PHPSESSID=5272462bcd5a69c1b496fe4d2de09cca

(5) http://www.causeur.fr/halde-la,1307 

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à la manière de la Halde

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portrait de Louis Aragon
censuré par la Halde au motif
d'un affichage ostentatoire
d'une vieillesse décrépie


LouisAragon
portrait de Louis Aragon
autorisé par la Halde

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dénonciation civico-Haldienne


Poème à dénoncer illico à la Halde pour stérétoype discriminant sur les "seniors" :

                               Moi qui n'ai jamais pu me faire à mon visage
                               Que m'importe traîner dans la clarté des cieux
                               Les coutures les traits et les taches de l'âge

                               Mais lire les journaux demande d'autres yeux
                               Comment courir avec ce cœur qui bat trop vite
                               Que s'est-il donc passé La vie et je suis vieux

Aragon, "le vieil homme", Le roman inachevé

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la liberté, c'est de dire que deux et deux font quatre


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George Orwell (1903-1950), l'auteur de 1984 publié en 1949


À méditer après les velléités censoriales de la Halde contre les poèmes de Ronsard :

- «Le plus effrayant dans le totalitarisme n’est pas qu’il commette des “atrocités”, mais qu’il détruise la notion même de vérité objective : il prétend contrôler le passé aussi bien que l’avenir.» George Orwell

Orwell qui disait tout aussi lumineusement : «La liberté, c'est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste suit.» (1984)



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3 juin 2008

fondamentaliste, la littérature ...!?

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Palme d'or pour une syntaxe défunte

Alain FINKIELKRAUT

   

our François Bégaudeau, auteur du livre Entre les murs (Verticales, 2006) et acteur principal du film qui en a été tiré, la Palme d'or du Festival de Cannes est un véritable conte de fées. Sa joie, partagée avec le metteur en scène Laurent Cantet et les élèves du collège Françoise-Dolto, qui jouent leur propre rôle, fait plaisir à voir. On lui pardonne même son brin de suffisance : comment garder la tête froide dans un moment aussi inattendu et aussi exceptionnel ?

Bégaudeau n'a pas le triomphe modeste, soit. Mais pourquoi l'a-t-il acrimonieux ? Pourquoi cette vindicte à l'égard des professeurs qui ne partagent ni ses méthodes, ni ses objectifs, ni son optimisme ? Pourquoi être si mauvais joueur quand on a gagné la bataille, et s'acharner contre les derniers récalcitrants quand on a, à ses pieds, le président de la République, la ministre de la culture et celui de l'éducation nationale ? Et pourquoi faut-il que Le Monde (le 28 mai) alimente cette étrange aigreur en dressant le repoussoir des "fondamentalistes de l'école républicaine" qui prônent "l'approche exclusive de la langue française par les grands textes" ?

Fondamentaliste, la lecture d'À la recherche du temps perdu, de Bérénice ou du Lys dans la vallée ? Fondamentaliste, l'expérience des belles choses, l'éventail déployé des sentiments et le tremblement littéraire du sens ? Le fondamentalisme est arrogant, catégorique et binaire ; la littérature problématise tout ce qu'elle touche. Le fondamentalisme enferme l'esprit dans le cercle étroit d'une vérité immuable ; la littérature le libère de lui-même, de ses préjugés, de ses clichés, de ses automatismes. Le fondamentalisme est une fixation ; la littérature, un voyage sans fin.

On jugera le film de Laurent Cantet lors de sa sortie en salles. Peut-être sera-t-on intéressé, voire captivé par cette chronique d'une année scolaire dans une classe de quatrième à travers les tensions, les drames, les problèmes et les imprévus du cours de français. Mais s'il est vrai qu'après s'être vainement employé à corriger la syntaxe défaillante d'adolescentes qui se plaignaient d'avoir été "insultées de pétasses", l'enseignant finit par utiliser certaines tournures du langage des élèves, "plus efficace que le sien", alors on n'aura aucun motif de se réjouir.

Car la civilisation ne demande pas à la langue d'être efficace, d'être directe, de permettre à chacun de dire sans détour ce qu'il a sur le coeur ou dans les tripes, à l'instar de ce magistrat qui a conclu son réquisitoire contre un accusé terrifiant par ces mots : "À gerber !" La civilisation réclame le scrupule, la précision, la nuance et la courtoisie. C'est très exactement la raison pour laquelle l'apprentissage de la langue en passait, jusqu'à une date récente, par les grands textes.

Naguère aussi, on respirait dans les oeuvres littéraires ou cinématographiques un autre air que l'air du temps. Sean Penn, le président du jury, a remis les pendules à l'heure en déclarant, dès la cérémonie d'ouverture du Festival et sous les applaudissements d'une presse enthousiaste, que seuls retiendraient son attention les films réalisés par des cinéastes engagés, conscients du monde qui les entoure. Sarabande, Fanny et Alexandre, E la nave va, In the Mood for Love, s'abstenir. Un conte de Noël, ce n'était pas la peine. Le monde intérieur, l'exploration de l'existence, les blessures de l'âme sont hors sujet. Comme si l'inféodation de la culture à l'action politique et aux urgences ou aux dogmes du jour n'avait pas été un des grands malheurs du XXe siècle, il incombe désormais aux créateurs de nous révéler que Bush est atroce, que la planète a trop chaud, que les discriminations sévissent toujours et que le métissage est l'avenir de l'homme.

L'art doit être contestataire, c'est-à-dire traduire en images ce qui est répété partout, à longueur de temps. Big Brother est mort, mais, portée par un désir de propagande décidément insatiable, l'idéologie règne et veille à ce que notre vie tout entière se déroule entre les murs du social.

Alain Finkielkraut
philosophe
article paru dans l'édition du Monde, daté 4 juin 2008


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2 juin 2008

compter, calculer (Pascal Dupré, instituteur)

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compter, calculer

cahier d'exercice pour le cours

préparatoire


un livre de Pascal DUPRÉ, instituteur



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sortie le 6 mai 2008

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- Pascal Dupré, ou une classe expérimentale dans une école giennoise

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École : la révolution du bon sens

Certains parents d'élèves ont mis plus de vingt ans à réaliser que l'école primaire n'apprenait plus aux enfants à lire, à écrire et à compter correctement. Mais moins de cinq minutes pour considérer que le problème était réglé depuis le 3 janvier dernier, le jour où Gilles de Robien a publié une circulaire imposant le retour à un départ syllabique (le b.a.-ba) de l'apprentissage de la lecture. Ce qui prouve qu'ils ne manquent ni de confiance en l'école ni d'aveuglement sur ce qu'il s'y passe... car cette circulaire ne règle évidemment pas tout. Elle ne traite pas de l'écriture, ni de la grammaire, de l'orthographe ou du calcul. Et même sur la lecture, elle ne fait qu'engager la bataille du bon sens, sans réelle certitude de l'emporter. «J'ai d'abord ressenti l'annonce du ministre comme une bouffée d'oxygène,Les collègues de mon école l'avaient perçue, eux, comme un feu vert : ils allaient enfin pouvoir relayer mes actions dans leurs classes, sans crainte d'être mal notés ou harcelés par l'Administration. Mais c'était avant qu'on leur dise que cette circulaire n'a pas force de loi tant que les programmes de 2002 restent en vigueur ; et comme ces programmes préconisent de démarrer par de la globale... leur enthousiasme est nettement retombé. Le mien aussi, d'ailleurs.» témoigne Pascal Dupré, instituteur à Gien dans le Loiret, qui pratique la méthode syllabique depuis trois ans.

 

Agé de 47 ans, Pascal Dupré est instituteur depuis vingt et un ans, dont onze en cours préparatoire, première année après la maternelle, celle où les écoliers de 6 ans apprennent à lire. Il se souvient fort bien de sa déprime, il y a trois ans. «Désabusé, au bord de la démission», il ne nourrissait alors aucune interrogation particulière sur ses méthodes pédagogiques - conformes aux consignes officielles - mais perdait peu à peu le goût d'enseigner. Ses élèves passaient le plus clair de leur temps à s'ennuyer ou à s'agiter, sans progrès notables, au désespoir de leurs parents, mais dans l'indifférence de l'institution scolaire qui ne voyait là rien d'anormal. Depuis 1998, on sait en effet qu'après huit ans de maternelle et de primaire, 21% des écoliers sont admis au collège sans comprendre ce qu'ils lisent, et 38% sans savoir faire une opération. Pascal Dupré était donc «dans la norme», mais profondément découragé.

Curieusement, ce n'est pourtant pas cela qui l'a incité à changer de méthodes et à recouvrer par la même occasion son moral ainsi que le plaisir et la fierté d'exercer son métier. «J'ai eu un rapport d'inspection très défavorable en 2002, alors que je pensais être dans les clous, raconte-t-il. Je ne voulais pas laisser les critiques jargonneuses et humiliantes qu'on m'adressait sans réponse, mais il m'a fallu me livrer à un énorme travail de réflexion et d'argumentation pour réussir à le faire. C'est ce travail qui a commencé à m'ouvrir les yeux.»

Ensuite, tout s'est enclenché. Son contre-rapport (aussi drôle qu'incisif et insolent, alors que ce maître est d'un naturel très réservé) a fait du bruit. Plusieurs collègues - du primaire, mais aussi du secondaire - l'ont contacté pour lui faire part de leurs propres déboires. Guidés par eux, Pascal Dupré a commencé à correspondre avec les principales associations d'enseignants qui se sont constituées sur internet afin d'y dénoncer tel ou tel problème pédagogique.

«Je n'étais plus seul, isolé dans ma classe, poursuit-il. Et plus je m'informais, plus je découvrais que la dégradation n'était pas seulement générale : elle s'amplifiait. On voyait arriver de jeunes collègues avec de graves lacunes, dont l'un, par exemple, qui demandait à ses élèves de CE1 de conjuguer le verbe "avoir fini" au présent. Les parents, eux aussi, se lâchaient : certains m'ont raconté des erreurs que j'avais commises ou des échecs dont j'étais responsable sans l'avoir réalisé !»

Quand «Au secours» devient «OXOR»

Puis c'est la rencontre avec Marc Le Bris (1). Même âge, même parcours, même contestation de la façon dont ces deux instituteurs avaient «appris à apprendre» dans leurs écoles normales. Très vite, Pascal décide d'adopter dans sa classe les méthodes rodées depuis vingt ans par Marc : combiner l'apprentissage de l'écriture et de la lecture en commençant par les lettres, les syllabes et les sons, étudier toutes les opérations ainsi que les mesures et les proportions, oser des dictées (d'une seule ligne : «Le lapin est près du sapin» ou «Les pommes tombent du pommier», pour les CP de Pascal, plus longues pour les CE2-CM1-CM2 de Marc), réinventer de vraies «leçons de choses» (en expliquant aux enfants comment l'oiseau construit son nid, plutôt que d'attendre durant des heures d'ennui pour eux qu'ils le découvrent tout seuls), enseigner la grammaire et les conjugaisons, leur faire noter consignes et devoirs au lieu de les distribuer sur fiches photocopiées ; le tout sans hurler sur ceux qui rêvent ni délaisser ceux qui peinent. Rien d'extraordinaire en somme, inutile de s'inquiéter : les écoles des combattants de la syllabique ne sont pas des annexes clandestines du pensionnat de Chavagnes. Quant aux parents des élèves concernés, ils paraissent plus rassurés qu'inquiets.

«Depuis que j'emploie la méthode alphabétique, je n'ai plus aucun problème avec eux. Alors qu'avant, ils venaient sans arrêt me dire qu'ils ne comprenaient pas, ou me demander des conseils pour aider leur enfant», constate Magali Pichon, institutrice de CP dans un village au sud du Mans (Sarthe). Comme Pascal Dupré et Marc Le Bris - qui en est l'un des fondateurs avec Michel Delord (2) - Magali fait désormais partie du Slecc (Savoir lire, écrire, compter, calculer), un réseau d'écoles et d'enseignants pilotes dont l'acronyme résume le programme, agréé par la direction des enseignements scolaires. Un réseau qu'elle a intégré après avoir lu le livre de Marc (1), et pris contact avec lui.


Mère de quatre enfants, mais trop jeune pour avoir connu «l'école à l'ancienne», cette trentenaire a mis un bon moment avant de douter des mérites de la méthode globale : «Même face à une enfant de 9 ans, en CE1, qui écrit "OXOR" pour "au secours", on ne se rend pas forcément compte.» Elle était pourtant consciente des difficultés de ses élèves, mais comme son école est située dans une zone d'«extrême pauvreté» et que sa classe est bondée (trente-deux élèves, contorsionnés devant des tables minuscules et sur des chaises instables), elle croyait, ainsi qu'on le lui avait expliqué en IUFM (3), que l'essentiel de leurs problèmes était de nature sociologique ou matérielle. Peu à peu, le doute s'est toutefois insinué dans son esprit :

«J'utilisais, comme tout le monde, une méthode mixte à départ global - Lecture en fête - en démarrant la syllabique assez tôt, dès la troisième semaine d'octobre : les enfants confondaient les sons ou lisaient des mots entiers à la place des autres. Au bout de deux ans, je suis allée voir ma conseillère pédagogique, qui m'a recommandé deux autres manuels, Grain de lire et Ribambelle : c'était encore pire.»

Survient alors l'incident décisif. La propre fille de Magali, alors en CP, se retrouve à son tour «en difficulté de lecture».

«Tant mieux, en un sens, se félicite aujourd'hui sa mère. Je l'ai emmenée chez une généraliste du Mans qui s'occupait déjà de nombreux élèves pour le même type de problèmes, le Dr Wettstein-Badour (4). Depuis, je paie chaque année des droits pour photocopier la méthode de lecture qu'elle a mise au point pour "réparer" ces enfants. C'est de la syllabique pure. Sans aucune image. Un peu austère, d'accord, mais je n'en changerais pour rien au monde.»

La jeune institutrice n'y voit en effet que des avantages : «Les enfants ne confondent plus les mots, et beaucoup moins les sons. Ils ne sont plus dégoûtés des vrais livres, depuis que je les utilise uniquement pour la détente et le plaisir au lieu de les disséquer dans des séances d'ORL : "Observation réfléchie de la langue". Mais le plus utile, avec cette méthode, c'est qu'elle me permet de repérer très vite les élèves en réelle difficulté, et donc de leur appliquer très tôt une pédagogie différenciée ; alors qu'avec la globale, ils font souvent illusion jusqu'en CE2, et on intervient trop tard. Aujourd'hui, tous les enfants que j'envoie au CE1 savent lire.»

Marc, Magali, Pascal et les autres : ils ne sont encore qu'une poignée, parfois harcelés par leurs inspecteurs, longtemps sous-notés, jamais remerciés, toujours privés d'outils adaptés à la pédagogie qu'ils estiment nécessaire d'appliquer (pas de manuel pour la lecture syllabique et le calcul, pas de formation pour l'écriture : «Je ne sais même pas quelle position de la main serait la meilleure pour de jeunes enfants, ni quel type de stylo employer !» se désole Magali)... mais néanmoins heureux.

Heureux de faire classe. D'enregistrer des progrès. D'avoir le soutien des parents. Et de «ne plus être seuls». C'est surtout à cela que leur sert pour l'instant le Slecc.

«Nous nous encourageons mutuellement mais en sachant qu'un seul maître ne peut pas grand-chose, quelles que soient ses méthodes, si toutes les classes de son école ne relaient pas les mêmes en amont comme en aval de sa classe, reconnaît Guy Morel (5), l'un des deux seuls professeurs de lycée - avec Laurent Robin - à appartenir au Slecc. Le mieux étant que cela se fasse dès la maternelle, comme dans l'école de Marc.» Mais il faut bien que quelques-uns commencent. En espérant que beaucoup d'autres se grefferont bientôt sur leur noyau.

Durant les deux premières semaines qui ont suivi sa publication, la circulaire de Gilles de Robien semble avoir provoqué un frémissement en ce sens. Pascal Dupré n'était pas le seul à avoir remarqué que les collègues de son école étaient plus ouvertement sympathisants. «Mais le problème, dans l'Éducation nationale, c'est que les enseignants ne veulent surtout pas se brouiller avec leur hiérarchie. Pas seulement pour des questions de notes, mais parce qu'elle représente leur unique soutien en cas de problème ; surtout avec les parents.»

Autrement dit, si les enseignants ont l'impression que l'Administration ne suit pas le ministre, c'est cuit pour la syllabique. Mais dans le cas contraire, ils pourraient être nombreux à soutenir Gilles de Robien, comme le font déjà 84% des parents d'élèves. Les professeurs du secondaire mesurent en effet très bien les conséquences de la «médiocratisation» de l'école primaire : collégiens incapables de suivre, qui s'ennuient et empêchent les autres de travailler, exigences à la baisse, cours insipides, examens surnotés, violences. Et les instituteurs n'ignorent pas que l'école primaire a toujours été «massifiée» - depuis sa fondation en 1833, et plus encore après sa laïcisation en 1882 -, preuve que la baisse de ses performances ne s'explique sûrement pas - ou pas uniquement - par l'«hétérogénéité» de son public.

La Fondapol, «usine à idées» créée par Jérôme Monod, a récemment publié un édifiant Cahier du débat sur la lecture. Avec un titre qui résume fort bien ce qui permettrait de mieux l'enseigner : «Le courage du bon sens». Certains, dont le ministre actuel, l'ont déjà. Ils sont encore peu nombreux, certes. Mais c'est ainsi que naissent les révolutions.

Véronique Grousset
article paru dans Le Figaro, 28 janvier 2006

(1) Nous avons été les premiers à consacrer, fin 2002, un sujet de couverture aux méthodes de cet instituteur breton, «résistant à la pédagogie moderne», qui fournissait chaque année les meilleurs élèves de son département tout en étant le plus mal noté de son académie. Depuis, Marc Le Bris a publié un ouvrage qui a connu un grand succès : Et vos enfants ne sauront pas lire... ni compter ! (Stock, 2004).

(2) Professeur de mathématiques et vice-président du Grip (Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes), Michel Delord est l'auteur d'une réflexion très aboutie sur les conséquences actuelles de l'enseignement du calcul et la meilleure façon de le réformer. On peut consulter ses textes et études, ainsi que sa documentation sur http ://michel.delord.free.fr/

(3) Instituts universitaires de formation des maîtres : créés en 1989 pour succéder aux écoles normales. Très contestés aujourd'hui. À lire : La Ferme aux professeurs, de François Vermorel (Editions de Paris, 2006).

(4) Voir l'article «A quelle méthode se fier ?», page 45.

(5) Auteur avec Daniel Tual-Loizeau de L'Horreur pédagogique et Petit Vocabulaire de la déroute scolaire, aux éditions Ramsay.


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23 avril 2008

nouveaux programmes du Primaire (Xavier Darcos)

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Présentation des nouveaux programmes

de l'école primaire

discours de Xavier Darcos, 20 février 2008


Xavier Darcos a présenté à la presse le mercredi 20 février les grandes orientations de la XavierDarcosréforme de l'école primaire, en particulier la réorganisation du temps scolaire et la réécriture des programmes qui, prochainement, feront l'objet d'une consultation.

«Diviser par trois, en cinq ans, le nombre d'élèves qui sortent de l'école primaire avec de graves difficultés et diviser par deux le nombre d'élèves ayant pris une année de retard dans leur scolarité», tels sont les résultats attendus par le ministre de l'Éducation nationale.

 

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Ceux qui ont quitté le système éducatif depuis quelque temps déjà envisagent souvent l'école primaire comme une première étape, exigeante mais vite surmontée, qui précède les difficultés plus sérieuses de l'enseignement secondaire ou du supérieur.

Cette impression erronée se nourrit le plus souvent de la nostalgie de ces années insouciantes, dont la mémoire ne conserve, bien des années après, que de brefs souvenirs : la mélodie obsédante des tables de multiplication, le tracé malhabile des lettres de l'alphabet sur le papier à rayures, l'angoisse de la poésie récitée devant toute la classe.

Mais pour l'enfant qui commence à peine sa vie d'élève, la réalité de l'école est tout autre. Elle est une source continue de sollicitations nouvelles, de stimulations intellectuelles et d'incompréhensions passagères que viennent résoudre les explications et les exercices proposés par l'enseignant.

Elle est une remise en cause permanente de la perception incomplète du monde sur lequel l'enfant avait bâti sa personnalité jusqu'alors.

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Nous l'oublions parfois, mais l'école primaire est toujours une étape difficile, parce qu'elle s'adresse à des êtres en devenir et parce que son projet pédagogique est exigeant. Mais elle ne doit jamais cesser d'être ambitieuse, car c'est sur elle que repose, presque toujours, la réussite ou l'échec scolaire de l'élève. Ce n'est pas au collège, encore moins au lycée, que se comblent les petites lacunes et les grands retards accumulés à l'école primaire. C'est l'école primaire qui donne à l'élève l'ensemble des connaissances et des compétences essentielles qui lui permettront d'aller plus loin dans son parcours scolaire et de réussir, plus tard, son insertion dans la vie professionnelle.

L'école primaire doit rester garante de l'idéal républicain : permettre à chaque enfant de devenir, par l'instruction, un citoyen libre et éclairé.

Mais son projet pédagogique doit aussi tenir compte des réalités de notre temps :

  • à l'heure où la quasi-totalité des élèves poursuivent leur formation au-delà de la scolarité obligatoire, l'école primaire ne doit plus chercher à transmettre en quelques années la totalité des champs du savoir, mais de donner à l'individu toutes les clés pour les approfondir ultérieurement.

  • à l'heure où la société de l'information expose les enfants au défi de se repérer dans une masse de données indifférenciées, l'école primaire doit plus que jamais transmettre des savoirs cohérents et des approches méthodiques.

  • à l'heure où les pays développés cherchent à comparer la performance de leurs systèmes éducatifs, la France ne peut rester insensible aux rapports officiels et aux évaluations internationales qui soulignent, chaque année, la médiocrité des résultats de son école primaire.

Dans un pays qui investit autant de confiance et de moyens dans son système scolaire, il n'est pasabc concevable que 15% des élèves quittent aujourd'hui l'école avec de graves lacunes dans la maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul.

Affirmer une ambition pour l'école primaire, ce n'est pas seulement rappeler la grandeur de ses origines et l'importance de sa mission. C'est lui assigner des objectifs précis quant à la réussite scolaire des élèves.

Diviser par trois, en cinq ans, le nombre d'élèves qui sortent de l'école primaire avec de graves difficultés et diviser par deux le nombre d'élèves ayant pris une année de retard dans leur scolarité : tels sont les résultats que j'attends de la réorganisation du temps scolaire et de la réécriture des programmes du primaire que je veux vous présenter ce matin.

À partir de la rentrée prochaine, l'école primaire connaîtra une nouvelle organisation du temps scolaire dans la journée, dans la semaine et dans l'année. L'enseignement se fera désormais du lundi au vendredi, le samedi matin étant rendu aux familles qui souhaitaient dans leur très grande majorité disposer de deux journées pleines pour se retrouver avec leurs enfants.

Avec cette nouvelle organisation de la semaine, la durée hebdomadaire de l'instruction obligatoire passera, pour tous les élèves, de 26 heures à 24 heures, soit un total de 864 heures d'enseignement par an, ce qui reste bien au-dessus de la durée moyenne d'enseignement des pays qui obtiennent les meilleures performances scolaires dans les classements internationaux.

Aux termes du protocole d'accord que j'ai conclu avec deux organisations syndicales du premier degré, ces deux heures ne seront pas perdues pour les élèves, mais réinvesties sous forme d'aide personnalisée aux élèves en difficulté scolaire ou de travail en petit groupe. Cela implique une modification substantielle du service horaire des enseignants du premier degré qui se composera désormais de 24 heures hebdomadaires d'enseignement en groupe classe et de 108 heures annuelles consacrées à l'aide directe aux élèves en difficulté (60 heures), au travail en équipe, à la relation avec les familles ou à l'implication dans un projet personnalisé de scolarisation (PPS) d'un élève handicapé (24 heures), à l'animation pédagogique et à la formation (18 heures) ainsi qu'aux conseils d'école (6h).

Enfin, je veux que tous les élèves de CM1 et de CM2 qui, malgré l'aide personnalisée et l'accompagnement éducatif mis en place à la rentrée prochaine, continueraient à éprouver des difficultés d'apprentissage, puissent se voir proposer un stage de remise à niveau durant les vacances scolaires. Ces stages seront opérationnels dès les prochaines vacances de printemps, car il y a urgence à agir, chaque fois qu'un enfant présente des lacunes importantes.

Concrètement, ces stages s'étendront sur une semaine et ils proposeront trois heures d'enseignement par jour en français et en mathématiques. Cet enseignement sera structuré autour de groupes de cinq à six élèves sous la conduite d'enseignants volontaires qui seront rémunérés par des heures supplémentaires.

Je veux en finir avec cette inégalité choquante qui veut que seuls les enfants dont les parents auraient les photoaccueilmoyens de les inscrire dans des cours particuliers auraient une chance réelle d'échapper à l'échec scolaire. Ce développement de la réussite payante me semble contraire aux principes fondamentaux de l'école républicaine. Si l'école est gratuite et obligatoire, la réussite scolaire doit l'être elle aussi.

Cette nouvelle organisation du temps scolaire sera au service d'une véritable révolution culturelle, qui consiste à recentrer l'école sur les enseignements essentiels. Pendant des années, on n'a cessé de vouloir augmenter le nombre des connaissances, des compétences et des informations que les enfants devaient recevoir de l'école, sans se soucier de la cohérence pédagogique de ces apprentissages. Les programmes eux-mêmes étaient devenus trop longs, trop lourds, illisibles pour les parents et parfois même, peu compréhensibles par les enseignants.

Le projet de programme présenté ce matin constitue le fruit d'un travail de plusieurs mois et je tiens à remercier tous ceux qui s'y sont associés. Je pense naturellement à Jean-Louis Nembrini, qui a fourni un très gros travail avec son groupe d'experts pour me faire une première proposition. C'est à partir de cette proposition que j'ai pu associer à mon tour d'autres experts, parmi lesquels de nombreux membres de l'Inspection Générale de l'Education Nationale tels que Viviane Bouysse, Philippe  Claus, Christian Loarer, Marie Mégard, Rémy Jost, Gérard Bonhoure ou bien encore le doyen du groupe d'histoire-géographie Michel Hagnerelle. Parmi les personnalités qui ont été consultées ou se sont associées à la rédaction des programmes, je peux citer, entre autres, Pierre Léna, Antoine Compagnon, Alain Bentolila, Stanislas Dehaene, Marie-Christine Bellosta ou Danièle Sallenave.

Le résultat est éloquent. Ces programmes avec les progressions en français et en mathématiques sont désormais bien plus courts que les précédents puisqu'ils comportent un total de 36 pages au format du Bulletin officiel, contre 104 pages précédemment. Écrits dans un langage clair et concis, ils ont été conçus pour pouvoir être lus aussi par les parents d'élèves, y compris les moins rôdés à la lecture de textes officiels.

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À la lecture de ces programmes, vous percevrez plusieurs changements majeurs avec les textes précédents.

Premier changement, les programmes comportent désormais des horaires plus simples et plus précis, qui définissent un horaire unique clairement identifié pour chaque discipline au lieu des fourchettes horaires prévues par les anciens programmes. Cette nouvelle présentation des horaires permet de marquer plus particulièrement l'importance donnée à l'apprentissage des mathématiques et du français. Ainsi, le volume horaire hebdomadaire réservé au Français sera désormais de 10 heures en cycle 2 et de 8 heures en cycle 3, alors qu'il variait, pour le cycle 3, entre six et huit heures dans les programmes précédents. De même, l'horaire d'éducation physique et sportive est renforcé, passant de 3 heures à 4 heures par semaine, conformément à la volonté du Président de la République. Les programmes de sciences, d'histoire géographie et de pratique artistique sont recentrés sur l'essentiel.

Deuxième changement, l'ambition retrouvée des programmes disciplinaires.

Elle concerne toutes les disciplines, mais elle est particulièrement sensible dans les domaines du Français et en mathématiques. L'enseignement de la grammaire, du vocabulaire et de l'orthographe est désormais abordé de manière explicite et il nous a paru important qu'un enfant qui sorte de l'école primaire ait appris l'ensemble des temps de l'indicatif, y compris le futur antérieur et le plus-que-parfait ! La pratique de la récitation et de la rédaction, exercices utiles de l'école primaire, font également leur retour dans les programmes officiels.

Il en va de même en mathématiques, puisque les programmes prévoient le renforcement des techniques opératoires. Là où l'on se contentait par exemple d'aborder véritablement la multiplication à partir du CE2, et pas totalement la division, par exemple pour des nombres décimaux, les élèves devront maîtriser parfaitement les quatre opérations avant d'entrer au collège et savoir pratiquer une règle de trois. La pratique quotidienne du calcul mental sera encouragée pour permettre aux élèves d'acquérir très tôt les automatismes nécessaires pour ne pas se tromper dans leurs calculs.

L'histoire fait désormais l'objet d'un véritable enseignement, introduisant chez l'enfant des repères chronologiques fondés sur la connaissance des grandes dates de l'histoire de France et l'existence des personnages, contrairement aux programmes précédents qui affirmaient qu'«à cet âge, il ne s'agit pas encore de faire de l'histoire». De Clovis à Clémenceau, de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb à celle du vaccin contre la rage par Pasteur, les élèves apprendront à connaître les principaux jalons de l'histoire de France et de l'humanité. C'est dans ce cadre aussi que les nouveaux programmes font explicitement référence à la question de la traite des Noirs et de l'esclavage, ainsi qu'à l'extermination des Juifs et des Tsiganes par les nazis.

La géographie, enfin, permettra aux élèves à partir de l'échelle locale puis nationale, de comprendre les caractéristiques de la géographie de la France dans un cadre européen et mondial. Une attention particulière est apportée à la façon dont les hommes entretiennent et aménagent leurs territoires, à différentes échelles.

Troisième changement, l'ouverture des élèves sur d'autres formes de connaissances. Une initiation à l'histoire des arts est introduite dès le cours préparatoire et bénéficie d'un programme précis dès le CE2 en lien avec l'étude des six périodes chronologiques prévues par le programme d'histoire. Elle bénéficiera  d'un horaire spécifique qui lui sera attribué au cycle 3, avec un minimum de 20 heures annuelles en liaison avec l'enseignement de l'histoire, de la pratique artistique et du français. De même, une éducation au développement durable est intégrée à la fois au programme de géographie  et au programme de sciences du cycle 3.

Quatrième changement, l'introduction de l'instruction civique et morale qui remplace l'éducation civique. Cet enseignement permet à l'enfant de découvrir progressivement les valeurs, les principes et les règles qui régissent l'organisation des relations sociales, depuis l'observation des règles élémentaires de civilité jusqu'aux règles d'organisation de la vie démocratique.

Les principes de la morale et l'importance de la règle de droit sont notamment présentés au travers de maximes («la liberté de l'un s'arrête là où commence celle d'autrui») ou d'adages juridiques tels que «nul n'est censé ignorer la loi». Il inclut la connaissance des symboles de la République française et, pour la première fois, des symboles de l'Union européenne. Enfin, les élèves découvrent les traits constitutifs de la nation française, du projet européen et de la francophonie.

Cinquième changement, la très forte cohérence donnée aux programmes de l'école maternelle, dont la finalité très clairement affirmée est de préparer les élèves à l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul tout en conservant sa spécificité propre. L'accent mis sur l'apprentissage du vocabulaire, qui reprend les conclusions du rapport que m'avait remis le professeur Alain Bentolila au mois de décembre dernier, constitue également un apport important pour la réussite scolaire future des élèves.

Je n'imposerai aucune méthode particulière aux enseignants pour transmettre ces savoirs aux élèves, car ils sont les mieux placés pour connaître les capacités de leurs classes et choisir la méthode la plus appropriée pour les faire progresser. Mais je serai vigilant à ce que ces nouveaux programmes et cette nouvelle organisation du temps scolaire contribuent à l'amélioration significative des résultats de chaque école. Ces résultats seront communiqués aux familles selon des modalités que nous définirons au cours des prochaines semaines pour apporter aux familles toute l'information nécessaire sans toutefois entrer dans une logique de mise en concurrence des écoles entre elles. Les résultats de ces évaluations ne seront ni un critère de redoublement pour le CE1, ni un examen d'entrée en sixième pour les CM2. Mais je préfère que l'Éducation nationale se dote d'outils de mesure fiables et transparents du niveau des élèves plutôt qu'elle découvre, année après année, un classement médiocre dans les différentes évaluations internationales.

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Si les programmes de l'école primaire suscitent une telle attention, c'est parce qu'ils constituent une forme de contrat social éducatif. Transmettre le savoir, c'est guider l'élève vers une forme de liberté et une forme de responsabilité et c'est prendre en même temps, au nom de la société tout entière, l'engagement moral de ne pas échouer dans cette mission. Nous avons désormais un devoir de réussite pour l'école primaire.

Xavier Darcos
source

- nouveaux programmes de l'école primaire, février 2008 BOEN (version Pdf)

- projet de programme de français à l'école primaire : un espoir enfin ! (communiqué de presse du Collectif Sauver les Lettres, 20 février 2008)


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17 janvier 2008

Mémoires d'un prof en résistance (édité le 17 janvier 2008)

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le témoignage de

Marie-Claire Micouleau-Sicault

professeur de Lettres 




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- commander : Mémoires d'un prof en résistance, Marie-Claire Micouleau-Sicault, l'Harmattan, 2007

- commander : par l'Harmattan


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Marie-Claire Micouleau-Sicault


présentation de l'éditeur

Professeur de lettres, l'auteur a vécu mai 68, les nominations aberrantes, les multiples réformes qui conduisaient inévitablement au délabrement de l'institution. Les hauts et les bas de ce métier qui devrait être un sacerdoce, n'ont pas entamé son espoir que soit transmis aux enfants de France cet héritage culturel qui en fait des hommes. L'auteur dépeint les désordres les plus incroyables, qu'elle a essayé de contourner de toutes les manières.

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avis

J'ai apprécié l'évocation des études à la Sorbonne, les déboires de la "formation des maîtres" en C.P.R. (centres pédagogiques régionaux - qui étaient le paradis comparés aux IUFM...!), l'attachement de l'auteure à un enseignement structuré des Lettres visant l'émancipation intellectuelle par le contact avec les humanités. Bravo pour son parcours...! et sa fidélité à une école qui nous a vaccinés contre toutes les capitulations de la conscience, contre la médiocrité et la vacuité ambiantes. Pourquoi faut-il que l'école se soit séparée de tels transmetteurs de culture...? Pourquoi l'école a-t-elle préféré des inspecteurs qui questionnent ainsi le professeur de Lettres : "...mais pourquoi faire lire du Camus au collège" (p. 62) ?

Michel Renard



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13 décembre 2007

ce grand corps malade, l'école (édité le 13 décembre 2007)

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ce grand corps malade,

l'école

une émission avec Cécile Revéret, professeure de Lettres


Extraits d'une intervention de Cécile Revéret :

- Qu'ai-je fait dans ce film de si extraordinaire ? On me voit - je suis professeure de français dans unehugo6 classe de 6e - on me voit faire une dictée à mes élèves, on voit mes élèves réciter un poème de Victor Hugo, on me voit faire un cours de grammaire, les élèves font une analyse logique. L'analyse logique, je le rappelle, consiste tout simplement à découper une phrase en ses différentes propositions et à donner leur nature et leur fonction. On me voit faire une analyse logique avec mes petits élèves de 6e. On devine, lors de l'entretien que je donne ensuite au metteur en scène, que je leur fait faire des rédactions régulièrement, et je fais allusion aussi à des grands textes de la littérature que je leur fais étudier.

Qu'ai-je donc fait là de si extraordinaire sinon mon métier ? Et tout le monde est étonné... Alors là, bien sûr, je joue au candide et j'ai l'air moi aussi d'être étonnée. Mais, bien évidemment, je ne suis pas étonnée. Il faut bien savoir qu'aujourd'hui un enfant qui rentre au collège, et même à l'école, ne fera jamais d'orthographe, ou presque plus, il ne fera aucun cours de grammaire. Il fera une rédaction, peut-être, une fois par trimestre... En revanche, il étudiera des textes. Il ne fera même que cela. Il étudiera des textes selon une méthode qui, au lieu de lui donner de l'enthousiasme pour la lecture, ne fera rien d'autre que de le dégouter de la lecture. Ce sont toutes ces méthodes qu'on nous a imposées depuis trente ans, qui se sont succédé d'ailleurs de façon assez variée, qui ont détruit l'enseignement du français et l'enseignement de la grammaire. Mais pas seulement, car par contagion toutes les matières sont touchées. (la suite : choisir 20071027)



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- émission "Répliques" du 27 octobre 2007 :

  http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture/REPLIQUES/> REPLIQUES20071027.ram

une émisison d'Alain Finkielkraut avec Cécile Revéret, professeure de Lettres au collège Jean-Jacques Rousseau au Prés-sAint-Gervais (Seine-Saint-Denis) et Jean-Marie Petitclerc, auteur de Lettre ouverte à ceux qui veulent changer l'école.1_p1

- projet SLECC - savoir lire, écrire, compter, calculer

- le site du GRIP - Groupe de réflexion interdisciplinaire
sur les programmes

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- Lettre ouverte à ceux qui veulent changer l'école, Jean-Marie Peticlerc, Bayard, 2007.

Présentation  :222747651

"Si critique il y a dans cet ouvrage, ce n’est ni une critique des enseignants, encore moins de l’école, tant je connais son rôle irremplaçable dans le pays, mais bien du système scolaire actuel, système dont les idéologues ont tant de mal à reconnaître les erreurs, système que les enseignants ont tant de mal à réformer."

Tous le reconnaissent : parents, enseignants, politiques : l’école est en crise. Près d’un enfant sur dix la quitte sans avoir acquis les savoirs fondamentaux.

Jean-Marie Petitclerc est prêtre, polytechnicien, éducateur, spécialiste de l’action sociale, notamment auprès des jeunes en difficulté, dans les banlieues parisienne et lyonnaise. Il vient d’être nommé chargé de mission au cabinet de Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville.

Cet expert du terrain propose ici courageusement de repenser entièrement la formation des enseignants, et comment changer nos façons de faire et celles de l’école.

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30 novembre 2007

Communiqué du docteur Ghislaine Wettstein-Badour

 

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Communiqué du docteur Ghislaine Wettstein-Badour

en date du 30 novembre 2007 au sujet de

la situation actuelle de l’apprentissage

de la lecture

et de l’écriture en France


gh.wettstein.badour@libertysurf.fr

Madame, Monsieur,

1°- Quelle est la situation factuelle en cette fin d’année 2007 ?

- Les programmes de 2002, actuellement en vigueur, ont entériné les pédagogies semi-globales (appelées également mixtes, naturelles, par hypothèses ou intégratives), et l’arrêté du 24 mars 2006 pris par Monsieur de Robien n’a conduit qu’à rigidifier encore un peu plus les instructions ministérielles puisque juridiquement, aujourd’hui, un enseignant est tenu d’utiliser une pédagogie semi-globale. On ne sait pas assez, en effet, que les instructions en vigueur inscrites au Journal officiel et dans les BO, écartent clairement les pédagogies globales mais également… les pédagogies alphabétiques, ce qui est un comble pour un ministre qui a prétendu les avoir imposées, de sorte que c’est à bon droit que les inspecteurs peuvent déclarer aux enseignants qui les proposent qu’ils sont dans l’illégalité !

- Les évaluations effectuées et publiées par le ministère mettent en évidence, année après année, le fait qu’environ 40 % des élèves entrant en 6e n’ont pas les «compétences attendues» par l’institution elle-même en matière de maîtrise de la lecture et de production de textes.

-  Le Haut Conseil de l’Éducation  a commencé son rapport «l’école primaire, bilan des résultats de l’école en 2007», (voir : http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/21/40.pdf) par la phrase suivante : «Chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d’entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines…».(NDR : je souligne que ces chiffres seraient encore plus catastrophiques si on ne prenait pas en compte dans ce calcul les enfants auxquels leurs parents enseignent la lecture et l’écriture en lieu et place de l’école !)

- Enfin sur le plan international, dans la dernière étude publiée avant-hier, le 28 novembre 2007, par IAE (International Association for the Evaluation for the Evaluation of Educational Achievement (voir :  http://www.iea.nl), effectuée en 2006 et cocernant 40 pays, le moins que l’on puisse dire est que les résultats obtenus par les petits Français, en ce qui concerne la maîtrise du langage écrit, ne sont pas glorieux. De plus, depuis la dernière évaluation internationale de 2001  qui n’était déjà pas brillante, il n’y pas de progrès !


2°- Quelles solutions pour améliorer ces performances ?

Depuis 1993, date à laquelle j’ai publié ma première étude : «Lecture : la recherche médicale au secours de la pédagogie», je m’efforce de faire comprendre aux parents et aux enseignants que les pédagogies d’apprentissage de la lecture et de l’écriture proposées dans la quasi-totalité des écoles publiques ou privées sous contrat de notre pays sont en contradiction avec les attentes du cerveau humain. Mes études les plus récentes  de 2005, «lecture : apports des neurosciences et pédagogie du langage écrit», et de 2006 «Apprentissage de la lecture : une démonstration expérimentale et théorique de la supériorité de la méthode phonique synthétique (alphabétique) sur toutes les autres approches pédagogiques», (: voir http://cerveau-et-lecture.blogspot.com) confirment les précédentes.

Par ailleurs, je me félicite d’avoir enfin trouvé, dans le monde scientifique, un renfort de poids en laPortrait_S_Dehaene personne de Monsieur Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de psychologie cognitive expérimentale et membre de l’Académie des sciences dont les conclusions de l’ouvrage remarquable qu’il vient de publier en août 2007 , (Les neurones de la lecture (1)) sont strictement conformes à celles que j’ai exposées notamment dans mes études de 2005 et de 2006.

Quant aux orientations pédagogiques qu’il propose, elles sont totalement identiques à celles qui ont présidé, il y a maintenant plus de dix ans, à l’élaboration de ma méthode d’apprentissage de la lecture et de l’écriture créée en 1996 et expérimentée depuis avec succès tant par les parents que les enseignants d’un très grand nombre d’enfants (2)

La conclusion est donc très claire : tant que les décideurs en matière de pédagogie du langage écrit de notre pays camperont obstinément, malgré leurs très mauvais résultats, sur des positions qui sont contredites depuis des années  par la théorie et l’expérimentation, aucune amélioration n’est envisageable. En attendant une évolution éventuelle de leur part, le principe de précaution commande aux parents d’êtres très vigilants.

Certains ont la chance de résider à proximité d’écoles publiques ou privées dans lesquelles des enseignants courageux utilisent des pédagogies alphabétiques authentiques (environ 10% de l’ensemble des écoles publiques et privées sous contrat) à leurs risques et périls vis-à-vis de leurs inspecteurs en donnant la priorité à la réussite des enfants. Il faut leur faire confiance car plus ils seront nombreux plus les choses auront des chances de s’améliorer un jour pour tous les enfants (à cet égard des initiatives de terrain comme «la 3ème voie» ou le «slecc» sont encourageantes).

Dans la plupart des cas, malheureusement, les écoles de proximité appliquent les consignes officielles et des pédagogies non alphabétiques. La prudence commande alors aux parents qui le peuvent de prendre en main dès la prime enfance (car le mal commence en petite section de maternelle !) l’apprentissage de la lecture et de l’écriture de leurs enfants.

Il est évidemment très attristant d’être obligé de donner ce conseil au début du XXIe siécle dans un pays qui affiche sur les frontons de tous ses édifices publics le mot «égalité». Ceci-dit, il appartient aux parents, qui sont les responsables de l’éducation de leurs enfants d’être instruits d’une situation qu’on leur cache afin qu’ils prennent leurs responsabilités et les décisions qu’ils jugent utiles.

G Wettstein-Badour

(1) Je publierai prochainement une «note de lecture» de cet ouvrage.
(2) Bien lire, Bien écrire, La méthode alphabétique et plurisensorielle Fransya (aux éditions Eyrolles).

G Wettstein-Badour, auteur de :
- Bien parler, bien lire, bien écrire – Donnez toutes leurs chances à vos enfants (aux éditions Eyrolles).
- Bien apprendre l’orthographe, la méthode interactive Fransya (autoéditée par Fransya).


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29 octobre 2007

La grammaire et le solfège (Claude Duneton)

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La grammaire et le solfège

Claude DUNETON

D'où vient, disais-je la semaine dernière, que des gens diplômés, exerçant une fonction officielle au sein de l'appareil administratif français, parsèment leurs moindres communications de grosses fautes d'orthographe ? Les exemples que je citais, émanant d'un conseil général et d'une mairie de Paris («On ne la pas vu s'arrêter» ; «Que le bonheur et la santé enveloppe cette nouvelle année» imprimés !), ou encore l'étonnant “bonne été” (manuscrit), sont révélateurs d'un phénomène nouveau chez les gens instruits. Ces fautes grossières étaient jadis le lot des semi-illettrés, telles qu'on les trouve dans la correspondance des poilus de 14-18 écrivant à leur famille. Je crains qu'aujourd'hui ces graphies vacillantes ne soient le symptôme d'une carence plus grave.

Le français, de par sa nature vocalique, fourmille d'homophones - je rabâche, mais tant pis. Le son la n'est rien en soi, car ce peut être aussi bien l'article féminin, la truite, que le pronom, il la voit, la note la (si do), également la composition élidée avec le verbe avoir, il l'a vue, et bien sûr l'adverbe là avec sa casquette. Oh là là !... Toute l'astuce est de savoir les distinguer. Que faut-il pour cela ? C'est simple : il faut une formation grammaticale de base à la fois rudimentaire et solide, sinon il est impossible de faire le tri entre on l'a vu et on la voit. À titre de comparaison, les équivalents en anglais de ces cinq la seraient respectivement the, it, A, her, there : cinq mots différents qu'on ne saurait confondre. En français, c'est une autre chanson : pour déchiffrer les mots qui se prononcent “boneté”, et qui pourraient être, par une approximation courante, bon étai ou bon n'était, ou encore bonne et taie (oreiller), («Bonne et taie sautèrent par la fenêtre»), pour en extraire, donc, bon été, il est nécessaire de savoir que bon est un adjectif qui s'accorde en genre avec le nom qu'il qualifie : l'été est masculin, bon aussi.

Attention ! Il faut le savoir intimement, sans réflexion, le porter en soi, comme le solfège. S'il fallait réfléchir pour discerner sur la portée musicale quelle est la note la, on ne serait pas près de chanter la romance ! C'est pareil avec bon été, et la même chose dans le cas d'enveloppe sans l'accord au pluriel : le scripteur a confondu une enveloppe avec le verbe envelopper.

Étourderie ? Non, non... Cette anomalie, tout de même époustouflante, vient d'ailleurs. Il y a fort à parier que les auteurs de ces errements, par ailleurs d'excellentes personnes, sont nés au cours des années 1960, ou peu après. Ils sont entrés à la “grande école”, disons entre 1968 et 1975. C'est la première génération d'élèves que l'on n'a plus fait réfléchir à temps sur la langue française. En clair, ce sont des gens qui ont appris à lire plus ou moins globalement, comme qui dirait “au pifomètre” (bonne été), et n'ont jamais “fait de grammaire”, du moins pas de cette grammaire au ras des pâquerettes, répétitive, lassante - passionnante aussi ! - constituée par l'analyse des mots et l'analyse logique des phrases. Or cet entraînement est indispensable à l'acquisition complète de la langue française.

Certes, ces enfants ont appris, sous couleur de grammaire, quelques mots à coucher dehors qui leur ont fait croire qu'ils étaient savants, mais ils n'ont pas peiné sur les exercices de base terriblement recommencés, comme l'est la lecture des notes de musique. Ils sont semblables à des gens à qui on aurait, pour tout solfège, enseigné la liste des dièses et des bémols, en l'agrémentant de considérations théoriques sur les tierces et les quintes, mais à qui l'on n'aurait jamais fait chanter obstinément les notes sur la portée. Ma comparaison n'est pas fantaisiste, elle est bien plus fondée qu'elle ne paraît, et bizarrement rigoureuse

Cela parce qu'à l'époque dont je parle, le grand chic était de paraître “intelligent”, au mépris des acquis et des automatismes fondamentaux. On a changé les méthodes des instituteurs, gens de métier, pour en confier l'initiative à des “penseurs” autoproclamés “pédagogues”, surtout occupés à se faire un nom en brandissant des paradoxes. Les commis de l'État paient aujourd'hui la note d'une formation saccagée.

La langue française réclame une gymnastique grammaticale besogneuse - qu'on se le dise ! -, régulière et tenace, sinon on confond enveloppe et enveloppe(r), la et là, ici et Issy, et son cul avec ses chausses ! C.Q.F.D.

Claude Duneton
Le Figaro littéraire, 5 avril 2007



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- Claude Duneton


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3 août 2007

Et si on enseignait le français en France ? (Marie-Christine Bellosta)

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Victor Hugo sur son lit de mort
Photographie par Felix Nadar (1820-1910)

 


 Et si on enseignait le français en France ?

Marie-Christine BELLOSTA


bellosta_p Clemenceau jugeait la guerre trop sérieuse pour la laisser conduire par des maréchaux. L'enseignement du français est, semble-t-il, une chose trop grave pour qu'on l'abandonne à la hiérarchie de l'Éducation nationale.

L'efficacité de l'enseignement du français à l'école est une question politique décisive : d'elle dépendent la cohésion nationale, l'intégration des enfants de l'immigration, la remise en marche de l'ascenseur social, un niveau plus homogène des établissements secondaires, où qu'ils soient sur la «carte scolaire», et même, tout au bout du cursus, les performances de l'Université. La maîtrise de la langue conditionne aussi l'accès à la littérature, qui est une pièce majeure de la culture française ; à l'heure où l'on débat de l'identité nationale, rappelons qu'appartenir à une collectivité, c'est posséder sa langue et partager sa culture.

Pour assurer la maîtrise de la langue française, la loi Fillon en avait fait le premier pilier du «socle commun» (23 avril 2005). Las ! Les nouveaux programmes de français de l'école élémentaire, rédigés sous l'égide de l'Inspection générale (4 avril 2007), ne tiennent compte ni de l'esprit de la loi, ni de la lettre de son décret d'application, ni des recommandations formulées par le ministre à la lumière des rapports d'Alain Bentolila. Les exigences fixées pour la fin du primaire sont plus basses que jamais, alors qu'il aurait fallu en revenir au moins au programme de grammaire et de conjugaison signé par Jean-Pierre Chevènement (1985). Et il serait vain d'espérer que les programmes du collège, en chantier, compenseront cette indigence : il faut que l'école instruise davantage si l'on veut qu'ensuite quatre ans de collège suffisent pour conduire les élèves à la maîtrise de la langue française.

L'accès des adolescents au patrimoine littéraire n'est pas handicapé seulement par leur méconnaissance de la langue. Il l'est aussi par des programmes de lycée absurdement ambitieux et complexes. Dans l'intention louable d'initier les lycéens à ce qu'il y a de proprement littéraire dans la littérature, on a construit ces programmes autour de notions techniques qui rendent compte du «fait littéraire». On n'avait pas prévu que cela stériliserait l'enseignement du français (et détournerait les élèves des filières littéraires) parce que, dans la pratique, le sens des textes passerait au second plan. Or «à quoi sert la littérature», si ce n'est à donner du sens à l'expérience que chacun a du monde et de soi-même ?

La hiérarchie de l'Éducation nationale soutient que, si ces programmes conduisent au mépris du sens, c'est parce qu'ils sont mal enseignés. Reconnaissons plutôt qu'ils ne sont pas enseignables. La preuve en est que les plus hautes autorités s'avèrent souvent incapables de fournir des sujets de bac qui respectent le sens des textes.

Le sujet 2007 des séries ES et S en offre un exemple. Son corpus rassemble trois textes hétéroclites : le labruyereportrait de Gnathon par La Bruyère (Les Caractères), un fragment de 1846 où Victor Hugo consigne une «chose vue» (publication posthume) ; le poème «La grasse matinée» de Prévert (Paroles). Le candidat doit d'abord «montrer que les textes du corpus ont une visée commune».

Ce qui est absolument faux. Car si Prévert et Hugo évoquent la question sociale, La Bruyère [ci-contre] n'en a cure : son portrait de Gnathon dénonce l'«amour de soi» (notion clef du moralisme classique) en énumérant les comportements haïssables qui en découlent. D'autre part, Prévert et Hugo ne disent pas la même chose de la question sociale. Prévert donne à ressentir au lecteur les émotions violentes d'un homme torturé par la faim. Hugo exprime par-devers lui un diagnostic politique : l'opulence côtoie l'extrême misère, et cette disproportion des fortunes, alliée au changement des mentalités né de 1789, va provoquer une révolution.

Non content d'encourager ainsi au contresens ceux des candidats qui choisissent de commenter La Bruyère (sujet 1), l'État-Examinateur trahit la pensée d'Hugo dans l'énoncé du sujet 3 : «À son arrivée à la Chambre des pairs [Hugo], sous le coup de l'émotion, prend la parole à la tribune pour faire part de son indignation et plaider pour plus de justice sociale. Vous rédigerez ce discours.» Il s'agit ici d'écrire avec la plume d'Hugo (!) un discours qu'il ne risquait pas de prononcer étant donné que la notion de «justice sociale», chère à notre Examinateur, n'entrait pas dans ses catégories de pensée, ni en 1846, ni plus tard. De fait, dans son discours sur «La Misère» de 1849, qui est son premier pas vers la gauche, Hugo propose d'« étouffer les chimères d'un certain socialisme » en créant un «code chrétien de la prévoyance et de l'assistance publique» car «l'abolition de la misère» doit permettre, dit-il, la «Réconciliation» des classes.

Tel est le résultat tangible des programmes des lycées qui viennent d'être paisiblement reconduits (5 octobre 2006) : le sens des mots et des textes, l'histoire des idées, les auteurs, la réalité historique, la culture, bref tout ce qui fait l'intérêt humaniste de la littérature, passent à la trappe.

Tout est-il perdu ? Non. Pour promouvoir la maîtrise de la langue et pour ressusciter la culture littéraire (et sauver les filières littéraires), il suffit que les politiques comprennent que l'efficacité de l'enseignement dépend moins de son organisation administrative que de ses contenus : il faut écrire d'autres programmes de français, de l'école au baccalauréat. Cela implique, dans l'immédiat, que le ministre suspende l'application de l'arrêté du 4 avril 2007 concernant le primaire et interrompe la rédaction des programmes de collège qui en sont la suite logique. Cela suppose aussi qu'il soit plus attentif aux intérêts des élèves, de la nation et de la culture française qu'à l'opinion d'une administration apparemment peu encline à réviser ses jugements.

C'est là le point le plus épineux, bien entendu, mais le «parler vrai» et la «rupture» sont aussi nécessaires à l'Éducation nationale que partout ailleurs.

Marie-Christine Bellosta
Le Figaro, le  06 juillet 2007

bellosta




Marie-Christine Bellosta est maître de conférence en littérature française à l'École Normale Supérieure, directrice du programme Éducation de la Fondation pour l'innovation politique 

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